Cet article date de plus de dix ans.

Municipales : comment faire campagne sur les marchés en quatre leçons

Les étals sont un passage obligé pour les candidats. Reportage en Ile-de-France avec Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP)Geoffrey Carvalhinho (UMP) et Jean-Paul Jeandon (PS).

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate UMP à la mairie de Paris, sur le marché Villemain, dans le 14e arrondissement de la capitale, le 9 mars 2014. (VIOLAINE JAUSSENT / FRANCETV INFO)

"J'adooore être au contact de la population." Quand on leur parle des visites de marchés en période de campagne électorale, Nathalie Kosciusko-Morizet, Geoffrey Carvalhinho et Jean-Paul Jeandon récitent la même phrase. Comme tous les candidats aux élections municipales, la prétendante UMP à la mairie de Paris, le candidat UMP de Pantin (Seine-Saint-Denis) et le maire sortant PS de Cergy (Val-d'Oise) ont bien compris que le rapport de proximité était indispensable pour gagner les élections municipales.

Sourire, serrer des mains, dire bonjour, s'arrêter, discuter... Ils enchaînent les visites de marchés à un rythme effréné. Quitte à en être écœuré, les candidats doivent se rendre sur ce lieu incontournable et se mettre en scène. Pour y parvenir, tous appliquent plusieurs leçons à la lettre.

Leçon n° 1 : parader

Démarche chaloupée, mouvements de cheveux, signatures d'autographes... Sur les marchés Brune et Villemain, dans le 14e arrondissement de Paris, où elle est candidate, Nathalie Kosciusko-Morizet soigne sa mise en scène. "On dirait une star", glisse sur un ton agacé une femme à son mari. Le couple tente de se frayer un passage au milieu d'une allée, bloquée par la candidate, trois militants et deux badauds. Ex-ministre partie à la conquête de la capitale, elle se fait souvent alpaguer. Nathalie Kosciusko-Morizet, qui joue (et parfois surjoue) la proximité, emmène même ses enfants avec elle, sans chercher particulièrement à les protéger de l'attention médiatique.

Nathalie Kosciusko-Morizet en campagne sur les marchés (VIOLAINE JAUSSENT / FRANCETV INFO)

"Sur les marchés, le rapport entre personnalité politique et population est quasiment charnel, et le message politique est très faible. Mais ce n'est pas l'essentiel : l'important, c'est d'être vu, explique à francetv info Philippe J. Maarek, auteur de Communication et marketing de l'homme politique (éd. Lexis Nexis) et professeur à l'université Paris-Est. Autrefois, les rois étaient inaccessibles pour leurs sujets, à une exception près. Une fois par an, les malades pouvaient les toucher pour être guéris. Cette croyance immémoriale s'est transformée en tradition : approcher et toucher un leader politique reste magique pour de nombreux citoyens." 

"Ah, c'est le nouveau maire !" Pour approcher leur candidat favori sur le marché Hoche, à Pantin (Seine-Saint-Denis), certains électeurs n'hésitent pas à jouer de la flagornerie avec Geoffrey Carvalhinho. A 24 ans, ce jeune loup de l'UMP s'en réjouit : il n'est pas tout seul à s'imaginer dans le fauteuil de premier édile. Fringant, sourire scotché aux lèvres, il parade sur les allées installées de chaque côté de l'avenue Jean-Lolive. En quête de reconnaissance, il serre des mains, claque la bise, distribue des tracts à tout va et pose volontiers avec quelques admirateurs.

Geoffrey Carvalhinho (au centre), candidat UMP à Pantin (Seine-Saint-Denis), le 23 février 2014, sur le marché Hoche. (VIOLAINE JAUSSENT / FRANCETV INFO)

"Ce n'est pas en allant sur les marchés qu'on gagne des voix, mais ne pas y être, c'est en perdre", commente-t-il. Geoffrey Carvalhinho a bien saisi l'enjeu : "Au moment du vote, on se souvient seulement du candidat qui n'y était pas", souligne Philippe J. Maarek.

Leçon n° 2 : beaucoup écouter

Maire depuis janvier 2013, au moment où Dominique Lefebvre, son prédécesseur, a démissionné pour se consacrer à son mandat de député, Jean-Paul Jeandon, maire PS de Cercy, a choisi de "se mettre à l'écoute". "Cela s'apprend. J'ai été coaché dans un cadre professionnel. J'ai donc appris des méthodes pour aller vers les autres", avoue-t-il. Se montrer disponible et sympathique n'a rien de spontané pour un politique. C'est une attitude à apprendre et à adopter à certains moments stratégiques.

Jean-Paul Jeandon et son équipe de campagne sur le marché de Cergy Saint-Christophe (Val-d'Oise), le 12 mars 2014. (VIOLAINE JAUSSENT / FRANCETV INFO)

"Qu'est-ce que vous prévoyez pour l'éducation des handicapés mentaux ? Pour le prix des logements ?" A Paris, plusieurs habitants profitent de la présence de la candidate NKM pour poser des questions sur leurs préoccupations quotidiennes. "Sa réponse m'a plu, mais j'aurais voulu qu'elle aille encore plus loin", indique Claudine, en quête de réponses sur la pénurie de places en crèches. "Oui, cela peut influencer mon vote", déclare-t-elle.

Nathalie Kosciusko-Morizet sur les marchés Brune et Villemain, dans le 14e arrondissement de Paris, le 9 mars 2014. (VIOLAINE JAUSSENT / FRANCETV INFO)

D'autres habitants sont agacés de ne pouvoir faire leur marché tranquillement, et refusent tous les tracts. D'autres encore exigent des solutions qui dépassent les compétences des politiques. Comme une petite dame âgée qui aborde la candidate pour lui parler à la fois d'un problème de logement et de son angine de poitrine.

Leçon n° 3 : promettre, mais pas trop

Sur le marché Brune, Nathalie Kosciusko-Morizet accepte de signer un autographe. La conversation s'engage rapidement. "C'est pour ma fille." "Ah, elle fait quoi ?" "Elle cherche un emploi, mais vous savez pour les jeunes, c'est difficile..." "Oui, Paris a longtemps été préservé du chômage des jeunes, mais c'est terminé. Regardez, il y a toute une page sur le sujet dans mon programme. Et puis je connais du monde, envoyez-moi son CV."

A Cergy, Jean-Paul Jeandon préfère noter les coordonnées de ses administrés et leurs problèmes dans son smartphone.

Jean-Paul Jeandon sur le marché de Cergy Saint-Christophe (Val-d'Oise), le 12 mars 2014. (VIOLAINE JAUSSENT / FRANCETV INFO)

Difficile de vérifier, mais lui affirme qu'ils les rappellent par la suite, afin de les informer de ce qu'il peut faire, ou pas. "Je m'adresse aux habitants en leur disant : 'On va regarder, on va voir comment y arriver', affirme-t-il. Il faut arrêter de faire des promesses intenables. C'est une façon de réhabiliter la politique." 

Leçon n° 4 : s'adresser à tous, même à ceux qui n'habitent pas la commune

Sur les marchés, les candidats serrent aussi les mains des commerçants. Pourtant, nombreux sont ceux qui n'habitent pas dans la ville. Alors pourquoi les candidats s'épuisent-ils à courir après des citoyens qui ne sont pas leurs électeurs ? "La poignée de main laisse un souvenir à chaque personne, qui en parle ensuite à son entourage... Un phénomène de relais d'opinion se met en place", explique Philippe J. Maarek.

"Je le vois comme un moyen de défendre les couleurs de mon parti et de faire de la promotion pour les autres candidats socialistes. Par exemple, si un marchand me dit qu'il est d'Argenteuil [Val-d'Oise], je lui réponds : 'Votez pour Philippe Doucet !' [le maire PS sortant de la ville]", explique Jean-Paul Jeandon, le maire PS de Cergy. 

Jean-Paul Jeandon, maire socialiste de Cergy (Val-d'Oise), candidat à sa propre succession, sur le marché de Cergy Saint-Christophe, le 12 mars 2014. (VIOLAINE JAUSSENT / FRANCETV INFO)

"Si un poissonnier a un problème, même s'il s'agit d'un trou d'eau qui l'incommode à côté de son stand, je l'écoute. Je ne lui demande pas s'il vote à Paris. Il a quand même droit à de l'attention, peu importe où il habite", rétorque, de son côté, Nathalie Kosciusko-Morizet.

A Pantin, les commerçants semblent apprécier la visite du candidat UMP. "Je ne le connais pas plus que ça... Mais c'est un gentil garçon, c'est pourquoi je lui serre la main", confie l'un d'eux à propos de Geoffrey Carvalhinho. 

Geoffrey Carvalhinho colle une de ses affiches devant le métro Hoche, à Pantin (Seine-Saint-Denis), le 23 février 2014. (VIOLAINE JAUSSENT / FRANCETV INFO)

"Les politiques, on ne les voit que pendant la campagne électorale", estiment néanmoins les commerçants sur chaque marché. Certains vont au-delà de ce simple refrain : "Mon chiffre d'affaires baisse le dimanche, parce que les militants se mettent devant mon stand et gênent l'accès", pointe un fromager sur le marché Brune. "Un matin, un client m'a dit : 'Je vous ai vu serrer la main de ce candidat. Cela ne me plaît pas : je ne viendrai plus'", raconte un maraîcher du marché Villemain.

En revanche, à Cergy, un marchand de chaussures s'amuse de cette valse de candidats : "Cela ne me gêne pas, ça fait partie du jeu. C'est marrant, les élections." Avant un retour à la normale, il va pouvoir s'amuser de cette ambiance jusqu'au 30 mars, date du second tour.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.