Léna Situations, Squeezie, Crazy Sally… Ces influenceurs stars des réseaux sociaux qui se mobilisent contre l’extrême droite

Dans un secteur d'ordinaire peu politisé, des créateurs de contenus aux millions d'abonnés prennent position sur leurs réseaux ou dans des tribunes ces derniers jours, appelant à faire barrage au Rassemblement national lors des élections législatives.
Article rédigé par Juliette Campion
France Télévisions
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La jeune influenceuse Crazy Sally, ici au Festival de Cannes le 18 mai 2024, a pris la parole dès le 9 juin, jour de l'annonce de la dissolution de l'Assemblée, en appelant à faire barrage au Rassemblement national. (SAMEER AL-DOUMY / AFP)

"Je sais que c'est relou de se réveiller un dimanche pendant les vacances, mais c'est tellement important que les jeunes aillent voter !" C'est ce qu'a déclaré Léna Mahfouf, alias Léna Situations, le 10 juin, dans une story postée sur son compte Instagram, au lendemain de la dissolution de l'Assemblée nationale. Trois jours plus tard, l'influenceuse aux 4,6 millions d'abonnés a précisé son propos : "Votez et dites à vos proches d'aller voter. Contre l'extrême droite. Contre la xénophobie. Contre l'intolérance."

Comme elle, des créateurs de contenus, suivis parfois par des milliers, voire des millions de personnes sur TikTok, YouTube ou Instagram, se mobilisent ces derniers jours, appelant à voter contre l'extrême droite lors des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet. De toutes les prises de position, c'est sans doute celle de Squeezie qui a le plus marqué. Dans un long message posté le 14 juin sur son compte Instagram, celui qui avait jusqu'ici toujours refusé de commenter la politique a appelé "tous les jeunes qui [l]e suivent" – ils sont 19 millions sur YouTube et près de 9 millions sur Instagram – à aller voter et à se mobiliser "contre l'extrême droite et leurs idées".

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Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, n'a d'ailleurs pas manqué de lui répondre, le même jour, dans une publication sur le même réseau social, reprenant à son tour le format de la lettre ouverte. Il y critique le fait que "des multimillionnaires répondant à la très noble profession d'influenceur s'engagent 'apolitiquement' contre des millions de Français, en copiant/collant les argumentaires aussi grossiers que mensongers de La France insoumise."

La prise de parole de Squeezie pourrait, selon le patron du RN, avoir un lien avec le fait "de s'être fait doubler par Tibo InShape", devenu en mai le premier youtubeur de France. Dans un message sur X, ce dernier a d'ailleurs appelé ses abonnés à voter, sans toutefois afficher une quelconque couleur politique, revendiquant de ne pas inciter à "choisir un 'camp'".

Des prises de position solitaires…

Au-delà de la publication assez solennelle de Squeezie, certains se sont exprimés de manière plus laconique, mais avec un message tout aussi frontal. A l'image du youtubeur et rappeur Mister V, qui a invité sa communauté (4,9 millions de personnes sur Instagram) à aller voter mais "pas pour des fafs de merde" (le mot "faf" désigne péjorativement les militants d'extrême droite français). Autre figure des réseaux sociaux, l'influenceuse Paola Locatelli a donné la même consigne à ses 2 millions d'abonnés : "Votez et dites à vos potes d'aller voter. (Et pas pour les fachos !!!!!)", a-t-elle écrit sur le même réseau social.

Moins installée mais de plus en plus populaire, la vidéaste Crazy Sally, "qui grimpe en flèche dans la toplist des influenceurs" selon France Inter, a été la première à prendre la parole dès le 9 juin. La jeune créatrice de contenus, bachelière à 15 ans et ex-juriste, a posté à ses 1,2 million d'abonnés une vidéo explicative dans laquelle elle décrypte la stratégie de dédiabolisation du RN et appelle à faire en sorte que le prochain Premier ministre "ne soit pas Marine Le Pen".

Elle a été rejointe par le streameur et vidéaste Ponce, habitué des prises de position en ligne, qui a récemment déclaré sur son compte X, suivi par 340 000 abonnés : "Quel plaisir de voir autant de monde emmerder l'extrême droite et rêver ensemble d'un monde meilleur." Arkunir, un million d'abonnés sur X, n'a, de son côté, pas caché sa perplexité face au score de Jordan Bardella. "Dans un monde normal, il est censé faire 0,00%", a-t-il écrit sur le réseau social.

… ou à travers des collectifs

La mobilisation a également pris des formes plus coordonnées : une soixantaine de créateurs de contenus ont signé une tribune dans Le Nouvel Obs le 13 juin, appelant à "faire bloc" contre "l'impact et les conséquences du rejet, de l'exclusion et de la haine". "Nous sommes conscients que l'accession de l'extrême droite au pouvoir serait un péril pour nous toutes et tous, et particulièrement pour les plus vulnérables", écrivent Hugo Tout Seul (plus d'un million d'abonnés sur Instagram), Justine Lossa (139 000 abonnés), Johan Reboul (130 000 abonnés) ou encore Marion Escot (117 000 abonnés).

A ces personnalités, on peut ajouter la présence notable de la chanteuse Pomme et d'Enora Malagré, ex-chroniqueuse star de Cyril Hanouna dans l'émission "Touche pas à mon poste". Ce groupe de signataires est coordonné par l'agence d'influenceurs engagés Perrine Am, qui donne des outils aux "créateurs de contenus qui ont envie de parler de politique" mais "ne se sentent pas légitimes pour le faire", explique Perrine Bon, fondatrice et dirigeante de l'agence, à BFMTV.

L'entrepreneuse les aide à promouvoir des contenus de vulgarisation appelant au vote ou décryptant le programme du Rassemblement national, comme le fait par exemple sur son compte Instagram Mathilde de Capèle, l'une des créatrices de contenus qui ont rejoint le mouvement. Perrine Bon assure à BFMTV que "plus de 200 créateurs ont manifesté leur intérêt" autour de cette mobilisation.

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Preuve de l'engouement généralisé des influenceurs, une autre tribune a été publiée lundi sur le Club de Mediapart, rassemblant plus de "200 personnalités d'internet" qui appellent à soutenir le Nouveau Front populaire. On retrouve parmi les signataires certains streamers français très connus, comme Antoine Daniel, Angle Droit, Horty Underscore, Ken Bogard ou mistermv. Pour mobiliser, le collectif prévoit notamment "une série d'événements" du 17 au 28 juin, "en particulier sur Twitch", en partenariat "avec le collectif SEED (le Stream emmerde l'extrême droite)".

"Ils sont capables de s'engager quand la situation l'exige"

"Il faut une certaine forme de courage pour s'exprimer sur du contenu politique qui n'est pas son cœur de métier", relève Alexandre Eyries, enseignant-chercheur en sciences de l'information et de la communication. "Certains savent qu'ils vont peut-être s'aliéner une partie de leur communauté, perdre en popularité auprès de ceux qui leur assurent leur train de vie", ajoute le spécialiste auprès de franceinfo.

Il cite notamment la prise de position d'Omar Sy en 2020, lorsque l'acteur avait demandé "justice pour Adama Traoré", dénonçant les violences policières en France dans un appel publié par Le Nouvel Obs. "Ça avait été mal accueilli par une partie des Français, qui lui reprochaient sa déconnexion alors qu'il vit à Los Angeles", se souvient Alexandre Eyries.

Mais pour lui, l'effet des récentes prises de position des créateurs de contenus devrait être plus positif. "On a beaucoup reproché aux influenceurs de vendre du rêve, notamment aux plus jeunes, d'avoir un train de vie indécent pour leur âge", observe le chercheur. En s'investissant dans le débat politique, "ils se centrent sur la France, leur pays, sur le climat social. Ça les élève. Et ça montre que le numérique ne contribue pas forcément à la dissolution du lien social ou à la perte de l'engagement", poursuit-il. Preuve, selon lui, que "les jeunes influenceurs sont tout à fait capables de s'engager quand la situation l'exige".

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