Européennes 2024 : Emmanuel Macron peut-il s'exprimer à la télévision, à trois jours du scrutin, sans que son temps de parole soit décompté ?

Le président de la République sera interviewé jeudi sur TF1 et France 2 à l'occasion des 80 ans du Débarquement, dans la dernière ligne droit de la campagne. Plusieurs partis d'opposition ont annoncé saisir le gendarme de l'audiovisuel.
Article rédigé par Margaux Duguet, Thibaud Le Meneec
France Télévisions
Publié
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Emmanuel Macron face à Anne-Sophie Lapix et Gilles Bouleau à l'Elysée, lors d'une précédente interview sur France 2 et TF1, le 14 mars 2024. (ALEXANDRE MARCHI / L'EST REPUBLICAIN / MAXPPP)

L'annonce, dimanche 2 juin en fin d'après-midi, a immédiatement suscité l'ire des oppositions. Emmanuel Macron va s'exprimer jeudi soir, dans les journaux télévisés de 20 heures de TF1 et France 2, depuis Caen (Calvados), à l'occasion des 80 ans du Débarquement. Le président de la République, qui sera interrogé par Gilles Bouleau et Anne-Sophie Lapix, doit évoquer les commémorations de cet événement historique, mais aussi l'actualité internationale, marquée par les guerres en Ukraine et dans la bande de Gaza. Mais le moment choisi, à trois jours des élections européennes et à 24 heures du début de la période de réserve, n'est pas du goût de tous les partis rivaux du camp présidentiel.

"L'opposition doit avoir le même temps de parole. Nous saisissons l'Arcom", s'est insurgé le patron des Républicains, Eric Ciotti, sur X. Dans un courrier adressé au gendarme de l'audiovisuel et dévoilé par Le Figaro , il pointe un "choix discriminant complètement injustifié entre les candidats". "Est-ce que c'est normal qu'en pleine campagne, on ait une telle confusion des rôles, que l'exécutif passe son temps à saturer l'espace médiatique ?", a interrogé François-Xavier Bellamy, la tête de liste LR aux européennes, lundi sur franceinfo. "On fait le jeu de François-Xavier Bellamy, il a raison et on ne peut pas lui enlever ça", concède une figure de la majorité.

La même indignation a saisi la gauche. "Je crois qu'en démocratie, il n'y a pas de candidature officielle", a ironisé Manon Aubry, la tête de liste de La France insoumise, lundi matin sur RTL, annonçant à son tour "saisir l'Arcom pour demander à ce que le temps d'antenne [d'Emmanuel Macron] soit décompté du temps de campagne de Valérie Hayer", la tête de liste de Renaissance. Le secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel, a fait la même requête, interpellant le gendarme de l'audiovisuel sur X : "Personne n’est dupe. Macron s’invite au 20h des deux plus grosses chaînes télé à 3 jours des européennes."

Un principe d'équité plutôt qu'une égalité stricte

L'encadrement du temps de parole lors d'une campagne pour les élections européennes est moins strict qu'avant une élection présidentielle. C'est le principe d'équité, et non d'égalité, qui s'applique : un temps d'antenne plus long peut être accordé aux listes jugées les plus représentatives, en fonction des résultats obtenus aux dernières élections, des sondages d'opinion et de leur "capacité à animer la campagne électorale" par des réunions publiques ou de déplacements, notamment, détaille l'Arcom sur son site.

Dans ces conditions, comment va être décomptée la parole du président de la République, jeudi ? Les chaînes devront-elles le déduire du temps accordé à Valérie Hayer et aux autres soutiens du camp présidentiel ? Dans une délibération en 2011, le CSA (ancêtre de l'Arcom) posait un principe général : les propos du chef de l'Etat "qui, en raison de leur contenu et de leur contexte, relèvent du débat politique lié aux élections", notamment quand ils comportent "l'expression d'un soutien envers un candidat ou une liste de candidats, un parti ou groupement politique", sont décomptés, et les médias doivent s'assurer que les autres forces politiques "bénéficient, en contrepartie, d'un accès équitable à l'antenne."

En mai, l'Arcom avait choisi "l'option hard"

Tout devrait donc dépendre de ce que dira le président de la République dans son interview sur France 2 et TF1. "Quand Emmanuel Macron s'exprimera en tant que chef de l'Etat sur l'Ukraine, par exemple, ça sera du régalien et ça sera un autre décompte, estime une source à France Télévisions. Mais quand il donnera des éléments sur sa vision de l'Europe, on considérera que c'est du soutien à Valérie Hayer, et on le comptera dans le temps de parole de la candidate."

"Il parlera un peu des européennes", anticipe un membre de l'équipe de campagne de cette dernière, qui regrette que le gendarme de l'audiovisuel ait choisi "l'option hard", début mai, en demandant de décompter l'intégralité d'un discours présidentiel sur l'avenir de l'Europe, à la Sorbonne, comme du temps de parole pour la majorité. Si cette "option dure" est de nouveau retenue au sujet de l'interview de jeudi, "il faut se préparer" à une dernière journée de campagne réduite à la portion congrue, souffle ce même membre de l'équipe de Valérie Hayer.

Cette interview très tardive du chef de l'Etat, qui intervient en même temps que le dernier meeting du camp présidentiel, à Nice, bouleverse quoi qu'il en soit le calendrier prévu par les chaînes de télévision. "On va faire tous nos meilleurs efforts pour respecter l'équité du temps de parole, mais à l'impossible, nul n'est tenu, et l'Arcom devra en prendre en compte, soupire-t-on à France Télévisions. Il ne sera pas possible de tout rééquilibrer." La réponse de l'Arcom aux responsables politiques qui l'ont saisie sera sans nul doute très attendue et débattue.

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