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De maire de Paris à candidate à la présidentielle, la mue d'Anne Hidalgo en vue de 2022

La socialiste, qui ne voulait pas entendre parler de la présidentielle, a longuement muri sa décision avant de se présenter.

Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8 min
La maire de Paris, Anne Hidalgo, est candidate à l'élection présidentielle de 2022. (PIERRE-ALBERT JOSSERAND / FRANCEINFO)

Elle n'avait cessé de le répéter. Non, non et non, il ne faudrait pas compter sur elle pour 2022. "Je ne cherche rien d'autre (...) Paris me comble. Je ne serai pas candidate à la présidentielle", clamait encore Anne Hidalgo le 23 juin 2020, dans une interview à L'Express. Mais, en politique, on le sait, les promesses n'engagent que ceux qui les croient. Après des semaines de faux suspense, la maire de Paris a donc annoncé sa candidature à l'élection présidentielle de 2022, dimanche 12 septembre. "Je ne me projetais pas du tout dans cette candidature, mais j'ai vu aussi beaucoup de femmes et d'hommes, d'élus, de représentants d'associations, de Françaises et de Français, qui sont venus me dire : 'Tu ne peux pas échapper à cette responsabilité qui est la tienne'", a déclaré sur France 2 l'ancienne première adjointe de Bertrand Delanoë.

Alors, comment comprendre ce revirement ? "On était en pleine campagne des municipales. Elle a répondu à cette question sincèrement, justifie un proche d'Anne Hidalgo. Ce sont les circonstances qui l'ont conduite à évoluer." "Un an avant les municipales, on disait qu'elle ne pouvait pas gagner. C'était tellement énorme de relever ce défi qu'il n'y avait pas de place pour autre chose", abonde le sénateur PS de Paris David Assouline. De l'avis de tous, la réélection nette d'Anne Hidalgo dans la capitale, le 28 juin 2020, lors du second tour des municipales, marque la première étape de son cheminement personnel vers la présidentielle. "Le fait d'être réélue redonne une légitimité, une confiance en soi et permet de rendre possible des choses qui ne l'étaient pas auparavant", décrypte Jean-François Debat, maire PS de Bourg-en-Bresse (Ain) et proche de la candidate.

La petite musique de 2022

Les choses sont encore loin d'être claires dans l'esprit d'Anne Hidalgo au lendemain des municipales. Ce sont ses proches, son entourage politique, mais aussi ses soutiens de la société civile et d'ailleurs qui pendant de nombreux mois vont la pousser à se présenter. Dès l'été 2020, ils sont plusieurs à lui faire entendre la petite musique de 2022. En juillet, elle voit, par exemple, David Assouline qui n'hésite pas à mettre les pieds dans le plat.

"Je lui dis : 'Tu ne peux pas dire que tu restes à Paris si tu es la personne idoine. Il ne faut pas qu'on ait le même choix Macron-Le Pen que la dernière fois.'"

David Assouline, sénateur PS de Paris

à franceinfo

Anne Hidalgo ne cille pas. "Elle élude", glisse David Assouline. La maire de Paris est convaincue de la nécessité d'une alternative au fameux duo Le Pen-Macron mais ne voit pas qu'elle peut précisément l'incarner. "Je la sens à l'écoute, mais elle ne voulait pas aborder très concrètement la question", se souvient le sénateur.

L'été s'écoule et la rentrée marque le retour de l'édile dans les médias. Déjà, on le sent, le ton est différent. "Je vois bien que le regard sur moi a changé. J'entends les commentateurs, je vois les réactions chaleureuses des Parisiens, celles des Français que j'ai croisés cet été", se réjouit Anne Hidalgo dans une interview au Point en septembre 2020, avant d'assurer qu'elle prendra "toute [sa] part dans la bataille qui s'annonce". Elle répète cette promesse dans un entretien deux mois plus tard avec Libération"Aujourd'hui, sur le plan politique, nous devons répondre à cette question : est-ce qu'on arrive à sortir de nos divisions mortifères et à projeter une vision commune qui rassemble le plus grand nombre ? Ma réponse est oui", affirme Anne Hidalgo.

"Il faut que tu y ailles"

Parallèlement, ses proches continuent à la solliciter en privé. Le climatologue Jean Jouzel, qui présidait son comité de soutien pour les municipales, la voit en décembre. "Je lui ai assuré que je la suivrais si elle était candidate, et que je pensais qu'elle se présenterait", confie-t-il. Carole Delga, la présidente de la région Occitanie, la rencontre à Paris quelques semaines plus tard. "Tu as toutes les qualités pour être présidente de la République, il faut que tu y ailles. Si jamais tu y vas, je t'aiderai de toutes mes forces', promet l'élue socialiste à la future candidate.

"Elle m'écoute et me dit qu'elle n'est pas encore dedans, qu'elle réfléchit."

Carole Delga, présidente de la région Occitanie

à franceinfo

Selon David Assouline, la maire de Paris prend son temps, notamment parce que son agenda parisien reste très chargé. "Il y a le Covid, on pare d'urgence en urgence, les choses ont été lentes."

Mais, Anne Hidalgo est une femme d'expérience. L'ancienne inspectrice du travail, ex-bras droit de Bertrand Delanoë et désormais deux fois maire de Paris, sait qu'une candidature à la présidentielle se travaille bien en amont. En début d'année, elle rencontre Jean-François Debat, un très proche d'Emmanuel Grégoire, le premier adjoint d'Anne Hidalgo et de Jean-Marc Germain, ex-député socialiste et mari de l'élue. "Je la sens prête à engager une démarche et à voir si elle peut être la femme de la situation", assure le maire PS de Bourg-en-Bresse (Ain). La maire de Paris est persuadée que "la renaissance de la gauche" ne passera que par "ceux qui ont eu la légitimité de l'élection depuis 2017".

La naissance d'une ambition

Or, si Anne Hidalgo a beaucoup consacré à Paris, ses réseaux hors de la capitale sont bien maigres. Tout est donc à construire. Une fois par semaine, Jean-François Debat, surnommé au sein du collectif "le sélectionneur de l'équipe de France des maires", organise un échange en visioconférence avec généralement quatre élus. "Elle s'est nourrie de ce qu'on lui a dit, la plupart ne la connaissaient pas, ça a conduit à une maturation de sa réflexion politique", explique-t-il. Ces échanges virtuels se font en parallèle de ce que l'on a appelé "le tour de France d'Anne Hidalgo" qui débute à Nancy fin février. "L'idée était de voir s'il y avait une attente car elle n'était pas sûre d'y aller, et ça l'a confortée : elle a vu qu'il y en avait une", glisse un de ses proches.

Structurer les réseaux et préparer le projet. En mars, est lancée à Douai (Nord) la plateforme "Idées en commun" afin de faire remonter les initiatives locales. "Ce sont des groupes de travail mis en place avec des personnes de la société civile afin de nous faire remonter des idées", détaille Carole Delga, responsable du projet. La candidature d'Anne Hidalgo se précise de plus en plus. Fin juin, 200 élus locaux appellent dans une tribune l'édile à être candidate. "Pour nous, Anne Hidalgo représentera dignement la France et possède toutes les qualités pour être la prochaine présidente de la République française", écrivent-ils dans Ouest-France.

La promesse d'une "très belle aventure démocratique"

Cette tribune est remise officiellement à Anne Hidalgo à Villeurbanne (Rhône), le 12 juillet. Ce jour-là, elle réunit publiquement ses soutiens et fait un pas décisif vers sa candidature. "Les aventures individuelles, ça ne marche pas, ça peut marcher sur un malentendu, mais ça ne dure pas", assure à la presse la socialiste, assurant vouloir "porter quelque chose de solide".

A en croire les proches d'Anne Hidalgo, Villeurbanne marque vraiment la concrétisation de son ambition présidentielle. "Pour elle, c'est quelque chose de très fort, vous avez tous ces élus qui disent : 'bon, faut y aller', ça donne une crédibilité", soutient le maire PS de Montpellier (Hérault), Michaël Delafosse. "Elle a vu qu'elle pouvait avoir une équipe derrière elle. Villeurbanne a joué un rôle important dans sa décision et son engagement total", abonde Carole Delga.

Anne Hidalgo réunit ses soutiens à Villeurbanne (Rhône), le 12 juillet 2021. (PHILIPPE DESMAZES / AFP)

Après le soutien public des proches, restait à obtenir l'adoubement du parti. Anne Hidalgo, qui s'est toujours tenue loin des logiques d'appareil (et de divisions) du parti socialiste, est accueillie avec le tapis rouge à Blois (Loir-et-Cher), lors de l'université d'été du PS. Le patron du parti, Olivier Faure, est venu personnellement la chercher à la gare et lui a réaffirmé son soutien. "Je suis convaincu qu'elle fait et qu'elle fera son chemin dans l'élection présidentielle", dit-il. Si Anne Hidalgo ne fait aucune déclaration officielle, elle continue de semer ses petits cailloux en vue de 2022 en promettant "une très belle aventure démocratique" aux militants.

Autre étape importante de tout prétendant à l'Elysée : se dévoiler dans un livre. C'est chose faite avec Une femme française, publié le 15 septembre prochain. "Les Français savent qui elle est mais peu de gens la connaissent, réalise Jean-François Debat. Alors oui, elle n'a pas vécu avec cette ambition présidentielle chevillée au corps, mais je trouve cela sain d'avoir une responsable politique pour qui une carrière politique peut être réussie sans l'Elysée, cela évite les logiques d'écurie." En misant sur le cheval Hidalgo, les socialistes – qui doivent formellement la désigner candidate lors d'un vote – espèrent éviter la débâcle de 2017. Il leur reste tout à faire : Anne Hidalgo n'est créditée que de 7% à 9% dans les sondages.

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