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"Quinze heures sans bouger, avec des sacs de poisson et de manioc sous les jambes" : vous nous avez raconté vos galères de train à l'étranger

Si l'origine de la panne qui a causé le chaos à la gare Montparnasse ce week-end a été identifiée, les perturbations se poursuivent, attisant la grogne des usagers. Mais est-ce vraiment mieux ailleurs ? Nos lecteurs témoignent. 

Article rédigé par Louis San - Alexis Magnaval
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8 min
Un train en Inde, le 16 juillet 2017. (NARINDER NANU / AFP)

Week-end infernal à la gare Montparnasse. Et ce n'est pas fini. L'origine de la panne qui a perturbé le réseau SNCF depuis dimanche, a été identifiée mardi. Mais les perturbations se poursuivent et le trafic ne devrait redevenir normal que mercredi 2 août. Retards de plusieurs heures, annulations à la dernière minute et changements inopinés de trains ont rythmé les départs en vacances des aoûtiens (ou les retours des juillettistes), provoquant leur colère.

Un énième épisode qui vient s'ajouter à la longue liste des récriminations des voyageurs contre la compagnie ferroviaire nationale, accusée de tous les maux. La SNCF, qui était pourtant classée deuxième en 2012 au classement du cabinet BCG des performances des transports ferroviaires, a reculé à la 7e place dans le dernier palmarès, derrière la Suisse, le Danemark, la Finlande, l'Allemagne, l'Autriche et la Suède. L'étude pointe notamment une hausse des accidents (+14% entre 2010 et 2014) et une baisse de l'investissement dans le rail. Mais la SNCF est sauvée par la fréquentation de ses passagers et son niveau global de sécurité. 

Des lacunes dont les usagers français ne manquent pas de se plaindre. Mais, dès qu'ils ont testé les voyages en train à l'étranger, les voyageurs français relativisent. Les galères arrivent partout. Et sont parfois bien pires que celle de la gare Montparnasse ce week-end. Voici ce que nous ont raconté plusieurs internautes

La grève ? Pas une spécificité française

Qui n'a jamais râlé contre un train supprimé pour cause de grève ? Rageant... mais pas uniquement français et toujours dommageable. "Le jour où je devais prendre l'avion pour rentrer en France à Noël, il y a eu des grèves, raconte un internaute qui vit au Royaume-Uni. Aucun train sur le réseau Southern [élue compagnie la moins performante d'Angleterre avec 30% des trajets à l'heure] pour aller à Gatwick. L'aéroport, qui se trouve normalement à quarante minutes de chez moi, n'était donc accessible en train que depuis les gares très centrales de Londres." Pour éviter le métro à l'heure de pointe avec 25 kg de bagages, notre témoin s'en est sorti grâce à un covoiturage jusqu'à l'aéroport.

Les transports ferroviaires britanniques sont loin d'être exemplaires (8e, juste derrière la France dans le classement BCG). En cause : les retards sur les tarifs élevés et le manque de ponctualité des trains des compagnies régionales. Selon une enquête auprès des passagers, les trois "pires" compagnies seraient celles qui officient à Londres et dans le sud du pays. D'après l'indice GoEuro du transport en 2016, le Royaume-Uni est le 2e pays le plus cher pour les billets de train en Europe. Chaque mois, les Britanniques qui se rendent au travail en train dépensent 14% de leur salaire uniquement pour leurs billets ou leur abonnement.

"La Deutsche Bahn m'a fait regretter la SNCF"

Un expatrié en Allemagne a, lui, des récriminations auprès de la Deutsche Bahn, pourtant classé quatrième en Europe, après quatre ans de pratique des transports ferroviaires allemands. "Il y a aussi les accidents de personne en pleine nuit, qui immobilisent le train pour trois heures sans info et sans bus de remplacement, les retards courants de une heure non remboursés, les changements inopinés sur des trajets supposés directs." En bref, "la Deutsche Bahn m'a fait regretter la SNCF", plante l'usager du réseau.

Avec des écarts de développement importants d'un pays à l'autre, les soucis viennent aussi des infrastructures. Aurélie, photographe et auteure du blog de voyages Madame Oreille, raconte une mésaventure à Madagascar. "Au mois de mai, le wagon dans lequel j'étais, en direction de Manakara, a déraillé. C'est un wagon qui vient de Suisse et qui doit avoir quarante ans. Il ne s'est pas couché et a été remis sur les rails par les voyageurs qui ont fait levier avec des cailloux, quasiment à mains nues. On a calculé que pour faire notre trajet, on a finalement circulé à la vitesse moyenne de 13 km/h. On est partis vers 8 heures et on est arrivé vers 1 heure du matin. D'ailleurs, à Madagascar, il y a un horaire de départ mais il n'y a pas d'horaire d'arrivée."

Réseau inadapté, surchargé... 

Quand l'étourderie s'empare des compagnies ferroviaires, les wagons n'ont pas besoin d'être vétustes pour semer le désordre. En 2014, la SNCF avait été raillée pour avoir commandé 341 TER trop larges pour les quais… Une erreur imitée la même année à Montréal( Canada), où des rames de métro, trop hautes pour passer sous les tunnels, ont dû être rabotées.

Les problèmes de réseau sont d'ailleurs récurrents au Canada, où "les trains sont parfois en retard, car les trains de marchandises ont la priorité sur ceux de passagers, relate un internaute. Or, il n'y a souvent qu'une seule voie. Assez surprenant quand on vient de France où le fret est sous-développé." En 2016, le journal canadien Metro a ainsi compté 264 retards sur des trains de banlieue à Montréal à cause d'un train de marchandises qui leur bloquait le chemin. Ce qui fait dire à un autre de nos internautes, victime d'un retard nocturne de trois heures : "Passer la frontière entre le Canada et les Etats-Unis, c'est une aventure !"

Et quand la nature s'y met, l'imprévu n'est jamais loin. Même en Finlande, pourtant classée 3e en Europe, les voyages en train peuvent se révéler éprouvants. Surtout en pleine tempête de neige. "Un arbre est tombé sur les rails, explique un Français revenu d'un séjour Erasmus dans le pays. Nous étions au milieu de nulle part et sommes restés coincés plusieurs heures avant de reprendre le trajet. Bien sûr, je ne comprenais rien aux annonces en finnois." Et l'apothéose à l'arrivée : "Plus de transports en commun, j'ai dû rentrer à pied. A côté de cela, les retards de la SNCF me font toujours rire. Ils font au mieux..."

Correspondances infinies, trains bondés...

Même lacunes en communication en Europe centrale, où Fabien était en voyage en Interrail avec des amis en 2012. L'imprévu est survenu lors d'un trajet en train de nuit entre Budapest (Hongrie) et Zagreb (Croatie). "On espérait se réveiller à Zagreb. Vers minuit, le train s'est arrêté dans une minuscule gare. Tous les passagers sont descendus. Certains avaient l'air prévenus, puisque des amis les attendaient. Ce n'était pas notre cas. Un train de nuit, on y passe la nuit en général. On a alors dû embarquer dans un car pour aller dans une autre gare, où on espérait pouvoir remonter dans un train. Raté, il a fallu attendre, dans la gare. Au petit matin, on a embarqué, on a roulé un peu et le train s'est de nouveau arrêté, cette fois pour faire monter des douaniers croates, qui ont méticuleusement contrôlé tous nos papiers."

C'est justement un souci de passeport qui a valu une mésaventure à Sarah, en voyage en Inde, en juin 2016. "Là-bas, des organismes réservent des places aux étrangers pour être sûrs d'en avoir, vu qu'il y a énormément de monde. Sauf que tu dois prouver que tu es étranger, chose qu'on ne pouvait pas faire parce qu'on s'était fait voler nos passeports. On a donc dû faire la queue plusieurs heures sous 40°C pour avoir des billets locauxAu retour, on avait la deuxième plus basse, dans un train bondé sans climatisation pendant quatre heures trente."

La foule est aussi un souvenir de voyage marquant pour Pierre, ingénieur au Gabon, qui a passé "quinze heures sans pouvoir bouger, avec des sacs de poisson et de manioc sous les jambes". A bord du Transgabonais, qui relie Libreville à Franceville, "beaucoup de gens font le trajet pour ramener de la nourriture à leur famille. La veille de mon départ, des villageois ont protesté contre le gouvernement et se sont mis sur les rails en pleine jungle. Le train n'a jamais pu partir. On était collé comme du bétail. Ma voisine d'infortune m'a raconté que son train avait déjà mis trente-huit heures pour faire 700 kilomètres".

Des galères et quelques perles

Sur le moment, ces incidents semblent pourtant perçus avec philosophie. Victime d'un retard en Bolivie, au cours d'une nuit glaciale à 3 700 mètres d'altitude, Jim retient malgré tout "le charme vintage incomparable des trains, le lever de soleil sur un lac et les flamants roses qui s'envolaient au passage du train".

Sans paysage idyllique pour se consoler, les réactions versent parfois dans la véhémence. Antoine, Français expatrié en Belgique, prend le train tous les jours et a relevé deux écoles : "Côté flamand, on accepte en général plutôt bien les perturbations, ça grince un peu des dents, mais sans plus. Côté wallon, les voyageurs râlent généralement un peu plus même s'il y a aussi en général plus de perturbations de ce côté du pays. Dans tous les cas, cela reste moins fort qu'en France. Contrairement à l'Hexagone, je n'ai jamais vu de passagers s'en prendre de manière agressive à des agents SNCB."

Aurélie, la blogueuse voyages, tient néanmoins à relever une chose : "La France reste un endroit où je n'aime pas prendre le train parce que c'est hors de prix. Prendre le train à Madagascar ne coûte que quelques centimes d'euros, donc on peut supporter quelques problèmes. En France, quand on voit le prix de certains trains sans carte de réduction, quand on réserve au dernier moment parce qu'on n'a pas le choix, ça pique un peu quand même."

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