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"Un service de plus en plus cher qui marche de moins en moins bien" : le gouvernement dit-il vrai sur la SNCF ?

Depuis l'annonce de la réforme de la SNCF, le gouvernement a tenu des propos durs vis-à-vis de l'entreprise du rail. Franceinfo analyse ses déclarations.

Article rédigé par franceinfo
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Des passagers à la gare de Lyon, à Paris, le 2 avril 2018. (YOAN VALAT / EPA)

La semaine s'annonce comme une épreuve de force pour le gouvernement. "Déterminé" à tenir "le cap" sur la réforme de la SNCF, l'exécutif se prépare à un bras de fer avec les cheminots, qui entament une grève au long cours. Depuis la remise du rapport Spinetta sur l'avenir du transport ferroviaire en février, plusieurs membres de l'exécutif ont tenu des discours particulièrement cinglants vis-à-vis de la SNCF.

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"Situation alarmante", coûts exorbitants, statut des cheminots "inchangé"... Le gouvernement dit-il vrai sur la situation de l'entreprise ferroviaire ? Franceinfo a analysé quelques déclarations.

"Les Français paient de plus en plus cher pour un service qui marche de moins en moins bien"

Ce que dit le gouvernement. Lors de la présentation de la réforme ferroviaire à la presse, le 26 février, le Premier ministre Edouard Philippe déclare que la situation de la SNCF est "alarmante" et que les Français "paient de plus en plus" pour un service "de moins en moins bien".

Ce qu'il en est. Cet état des lieux est nuancé dès le lendemain par la publication des résultats financiers 2017 de la compagnie ferroviaire, précise LibérationSi l'on se réfère à ses seuls résultats financiers, la SNCF marche de mieux en mieux. En 2017, elle a réalisé un chiffre d’affaires de 33,5 milliards d’euros, soit une hausse de 4,2% par rapport à 2016. Elle a engrangé un bénéfice net de 679 millions d'euros, le triple par rapport à 2016.

En revanche, au niveau de la qualité des services, le rapport Spinetta (PDF) rappelle qu'en 2016, 5% des trains programmés ont été supprimés, 11% des trains sont arrivés avec un retard de plus de 5 minutes à leur terminus et 10% en moyenne des TER sont arrivés en retard. "Avec un taux de régularité de 90,3% pour les trains régionaux, la France se situe loin derrière ses voisins européens, en particulier les Pays-Bas (97,5%), la Suisse (96,8%), l’Allemagne (96,3%)", note le rapport.

Quant à la contribution des Français, une étude du site de vente de billets GoEuro citée par le rapport Spinetta estime que le tarif moyen pour parcourir 100 km par voie ferrée est de 7,8 euros en France contre 29,7 euros au Danemark, 28,6 euros en Suisse, 24 euros en Autriche.

"Le TGV représente 1% des déplacements alors qu’il a concentré 16% des investissements ces dernières années"

Ce que dit le gouvernement. Dans une interview au JDD, le 16 septembre 2017, la ministre des Transports Elisabeth Borne assure qu'elle souhaite "l'amélioration des transports du quotidien", étant donné que le TGV "représente 1% des déplacements" alors qu'il a concentré "16% des investissements ces dernières années".

Ce qu'il en est. Cette affirmation n'est pas exacte. Selon le rapport de la Commission des comptes des transports de la nation cité par Le Monde, entre 1990 et 2015, 38% des investissements réalisés dans les infrastructures ferroviaires ont été faits pour les lignes à grande vitesse. Cela représente 30 milliards d’euros sur un total de 78 milliards investis en 25 ans dans les rails.

Si l'on prend en compte toutes les lignes à grande vitesse, cela paraît peu. Mais comparé au nombre de voyageurs empruntant le TGV, c'est un investissement conséquent. Sur 1,16 milliard de trajets effectués par an sur le réseau SNCF, seuls 9,5% sont effectués en TGV, reprend le quotidien.

Néanmoins, différents types de voyages peuvent être effectués en TGV, faire un Paris-Lyon n'est pas pareil qu'un Lamballe-Saint-Brieuc, au niveau de la durée, des kilomètres parcourus ou de la fréquence. Si on se réfère à l'unité de mesure "voyageur-kilomètre", le TGV totalise 52,8% du kilométrage vendu par la SNCF, reprend Le Monde.

"La SNCF mobilise 14 milliards d’euros chaque année, c’est plus que la police et la gendarmerie dans notre pays"

Ce que dit le gouvernement. Invité de LCI le 15 mars, Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement et secrétaire d'Etat chargé des Relations avec le Parlement, affirme que la SNCF coûte "14 milliards d'euros chaque année"  et qu'il faut "sauver" l'entreprise.

Ce qu'il en est. Ce chiffre est exact, si l'on en croit le rapport Spinetta. Le système ferroviaire français représentait en 2016 10,5 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter 3,2 milliards d'euros de subventions pour le régime de retraite, soit au total 13,7 milliards d'euros. Selon le ministère de l'Intérieur, le budget alloué à la police et la gendarmerie en 2018 est, à titre de comparaison, de 12,8 milliards d'euros

"La SNCF, c’est 5 000 euros de dette par minute"

Ce que dit le gouvernement. Dans une interview au JDD (article payant), le 17 mars, la ministre de la Santé Agnès Buzyn affirme que la SNCF représente "5 000 euros de dette par minute".

Ce qu'il en est. Pour arriver à ce nombre, la ministre a divisé la dette de la SNCF par le nombre de minutes dans une année, soit 46,6 milliards d'euros de dette pour SNCF Réseau divisé par 525 600 minutes. Un calcul surprenant puisque l'endettement de la SNCF correspond à des décisions de son actionnaire, l'Etat, et n'est pas constant ni régulier.

Par exemple, en 2007, à l'issue du Grenelle de l'environnement, le gouvernement avait décidé de créer 2 000 km de lignes TGV supplémentaires, mais la SNCF ne disposait pas à cette période de fonds propres financer cette mesure. Logiquement, l'endettement s'est alourdi, rappelle Libération.

"Un statut des cheminots qui n'a pas changé depuis un demi-siècle"

Ce que dit le gouvernement. "Je ne sais pas expliquer que ce statut ait pu rester inchangé", a déclaré Benjamin Griveau, porte-parole du gouvernement, sur France Inter, le 25 février. "On a d'un côté des exploitants du monde agricole qui n'ont pas de retraites, ou quasiment, et de l'autre un statut qui n'a pas bougé depuis un demi-siècle."

Ce qui l'en est. L'essentiel des acquis des cheminots datent du début du XXe siècle. En 1920, au terme de longues grèves, le tout premier statut des cheminots est créé. Pour l'Etat, ce statut permet à la fois de remercier la corporation pour ses services rendus et d'attirer davantage de main-d'œuvre pour développer le rail. Ce statut octroie plusieurs spécificités, emploi garanti à vie (hors faute grave), congés adaptés au poste... Cependant, le statut n'est pas inamovible. Il a déjà été modifié en 2008 lors de la réforme des retraites. Comme pour les salariés du secteur privé, la durée de cotisation est passée de 37,5 à 41,5 années.

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