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On parle beaucoup du statut des cheminots, mais de quoi s'agit-il exactement ?

La fin du statut des cheminots pour les nouvelles embauches figure parmi les mesures les plus contestées de la réforme de la SNCF, annoncée par Edouard Philippe lundi 26 février. 

Article rédigé par franceinfo - Juliette Campion
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Des cheminots de la SNCF en train de travailler sur des rails à Arras (Pas-de-Calais), le 1er septembre 2017 (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

"Les conditions de la croissance" sont réunies, selon Christine Lagarde, pour "s'attaquer à toute une série de vaches sacrées." Sur le plateau de France Inter, la présidente du FMI vise, entre autres, la SNCF et plus particulièrement les cheminots. Le rapport remis par Jean-Cyril Spinetta, l'ancien patron d'Air France, propose l'extinction progressive de leur statut. Une préconisation suivie par Edouard Philippe dans le cadre de son "nouveau pacte ferrovaire", puisque le Premier ministre a annoncé mettre fin à ce statut "particulièrement rigide" pour tous les futurs salariés de la SNCF.

Mais que sait-on précisément de ce statut ? Franceinfo vous en dit plus sur les particularités du régime des cheminots.  

Un héritage vieux d'un siècle...

L'essentiel des acquis des cheminots datent du début du XXe siècle. C'est la loi Bertaux du 21 juillet 1909 qui met en place un régime de retraite spécifique pour les cheminots : l'âge de départ est fixé à 55 ans. Mais c'est en 1920, au terme de longues grèves, qu'est créé le tout premier statut des cheminots. Par ce geste, l'Etat remercie la corporation "pour les services rendus à la nation", comme l'explique l'historien Georges Ribeill. D'après ce spécialiste du monde ferroviaire, ce statut "précurseur" prévoit "la présence d'élus syndicaux dans les instances de promotion et de sanction de salariés." Il contribue également "à figer, sur un critère d'ancienneté, le mode d'avancement des agents du rail."  

En situation de plein emploi, il était alors compliqué d’attirer une main-d’œuvre qualifiée qui redoutait les conditions de travail difficiles des chemins de fer. Il fallait des avantages suffisamment intéressants pour compenser cette pénibilité. Christian Chevandier, auteur de Cheminots en grève (éd. Maisonneuve et Larose) raconte au Huffington Post : "Il faut avoir en tête que le métier de cheminot était alors très éprouvant. Chauffeurs et mécaniciens étaient exposés aux brûlures (...) Les corps de l'époque supportaient des intempéries que nous ne supporterions plus." La SNCF – Société nationale des chemins de fer français – voit le jour sur papier le 31 août 1937, moment où l’Etat nationalise par un décret les cinq compagnies de chemin de fer. En fusionnant, elles forment la SNCF, entreprise officiellement née le 1er janvier 1938. Le statut de cheminot survit à cette nationalisation.

... qui concerne 92% des effectifs...

Tous les employés "au cadre permanent", c'est-à-dire 92% des effectifs de la SNCF total (environ 150 000 salariés), selon des statistiques diffusées par le groupe en 2016. Les autres sont des contractuels. Edouard Philippe souhaite mettre un terme à ce statut pour les salariés qui arriveront prochainement à la SNCF : "Aux nouvelles générations, aux apprentis, à tous ceux qui veulent s'engager à la SNCF, nous disons qu'ils bénéficieront des conditions de travail de tous les Français, celles du Code du travail."

... et qui octroie plusieurs avantages 

Un emploi garanti à vie. Les cheminots sont à l’abri du licenciement économique. Le statut de cheminot prévoit seulement trois cas de départ : démission, retraite ou radiation. En contrepartie, la période d’essai des salariés peut atteindre deux ans et demi pour les cadres. 

Un régime spécial de retraite. La retraite des cheminots a un avantage principal : elle est calculée sur le salaire des six derniers mois, au lieu des 25 meilleures années pour le régime général. Mais Eric Meyer, secrétaire fédéral du syndicat SUD Rail, précise à franceinfo que la contrepartie est que les cheminots "payent 12% de cotisations retraite supplémentaires par rapport aux salariés du privé."

La pension de retraite des cheminots reste tout de même supérieure à la moyenne française puisqu'elle s'élevait en moyenne à 1 940 euros brut en 2013, contre 1 760 euros brut pour les salariés du privés au régime général. Ce montant est majoré de 10% pour les parents de trois enfants, puis de 5% supplémentaires par enfant à partir du quatrième. 

Jusqu'en 2016, l'âge d'ouverture des droits était de 55 ans pour les sédentaires et 50 ans pour les conducteurs (10% des cotisants). Mais la durée de cotisation nécessaire pour toucher une pension à taux plein a été progressivement relevée depuis 2008 pour être alignée sur celles du régime général. Les agents nés après 1961 ne peuvent toucher leur retraite à taux plein qu’à partir de 172 trimestres, soit 43 ans de service. Soit le même nombre d'annuités que les salariés du régime général.

Un avancement de carrière automatique. Un agent SNCF gagne un échelon supplémentaire et donc une augmentation de son salaire tous les trois ans. Le salaire moyen d'un cheminot est de 3 090 euros brut, soit 100 euros de plus que le salaire moyen en France, selon Les Echos. Mais, comme le souligne Marianne, ce chiffre cache "une grande disparité", qui dépend du poste occupé : "Les cadres supérieurs touchent de confortables émoluments, quand 60% des cheminots gagnent en réalité moins de 3 000 euros brut par mois, selon les données de la SNCF." 

Des congés adaptés au poste. L'ensemble des salariés est soumis aux 35 heures de travail hebdomadaires et dispose de 28 jours de congés annuels (soit trois jours de plus que les cinq semaines légales). Les salariés de l'administration disposent de 10 jours de RTT, les conducteurs et contrôleurs de train de 22 jours et les agents qui travaillent de nuit disposent de 28 jours de RTT. Ces jours supplémentaires doivent notamment compenser le fait que le personnel "roulant" n'a que douze week-ends libres garantis dans l'année, précise Marianne.

L'accès à des logements. Des milliers de logements sont mis à la disposition des cheminots, dont une grande part à loyers réduits. Pour Eric Meyer, certains salariés (comme les agents du matériel) ne gagnent pas assez leur vie pour accéder à un logement, "surtout dans des villes avec des loyers exhorbitants, comme Paris." Il explique également à franceinfo que ces logements sont en partie réservés aux agents d'astreinte, qui doivent rester en permanence à proximité de leur gare d'affectation. 

Un régime de Sécurité sociale spécial et des billets gratuits. Dans plusieurs grandes villes de France, les agents de la SNCF ont accès à des centres médicaux gratuits. Par ailleurs, leurs billets de train sont gratuits et leurs conjoints et enfants (de moins de 21 ans) bénéficient de 16 billets gratuits par an. Les ascendants (parents et grands-parents) des agents, ainsi que ceux de leurs conjoints, ont droit à quatre voyages gratuits par an. D'après le rapport annuel de la Cour des comptes de 2014, c'est au total 1,1 million de personnes qui voyagent à prix réduits, mais seulement 15% d'entre elles sont des cheminots en activité. D'après la Cour des comptes, le coût direct du dispositif est évalué à près de 25 millions d'euros par an. 

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