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Barrages filtrants, barbecue géant et gilets jaunes : à quoi vont ressembler les blocages du 17 novembre ?

Plusieurs centaines d'opérations sont organisées, samedi, à travers la France, pour réclamer notamment une baisse des taxes sur les carburants.

Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Des motards en gilets jaunes défilent dans les rues de Narbonne (Aude), le 9 novembre 2018. (IDRISS BIGOU-GILLES / HANS LUCAS / AFP)

Combien seront-ils à se mobiliser ? Après des semaines de polémique sur les prix des carburants, le mouvement des "gilets jaunes" organise, samedi 17 novembre, une journée de blocage des axes routiers dans toute la France. Les organisateurs ont publié une carte interactive, consultée environ 15 millions de fois, recensant des centaines d'opérations. Pour discuter les détails de chaque mobilisation, des pages locales ont été créées sur Facebook. Ici et là, des dizaines, des centaines ou des milliers de personnes ont promis d'être au rendez-vous, sans compter les internautes se disant "intéressés".

De nombreux groupes de "gilets jaunes" ont décidé de se concentrer sur les ronds-points stratégiques situés en périphérie des villes. L'accès aux zones commerciales s'annonce donc difficile et la circulation automobile devrait être fortement ralentie, même si le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, a promis l'intervention des forces de l'ordre en cas de "blocage total".

A Epernay (Marne), où l'affiche est surmontée du slogan "Bloquons tout", les leaders du mouvement ont ainsi revu leurs ambitions à la baisse. L'un d'eux précise que de simples "barrages filtrants" seront installés, "donc obligation de laisser une voiture passer toutes les heures". A une trentaine de kilomètres plus au nord, à Reims, "on bloquera 20 minutes, puis on laissera passer pendant 10 minutes, et ainsi de suite", selon le porte-parole local, qui envisage de "durcir au fur et à mesure".

Feu vert pour les véhicules d'urgence et de santé

Bien souvent, les internautes s'interrogent sur le type d'obstacles à installer sur les routes. "J'ai un camion utilitaire et une remorque si vous voulez", propose par exemple un maçon sur la page d'un rassemblement prévu à Blois (Loir-et-Cher). D'autres partagent des astuces pour empêcher tout enlèvement de voiture : "Il faudra absolument retourner dans vos voitures si des plateaux arrivent pour enlever les véhicules. Dans ce cas, aucun enlèvement n'est possible."

Le tuyau que tout le monde se refile, de page en page, plus ou moins sérieusement, explique comment "bloquer un rond-point en toute légalité". Des dizaines de manifestants doivent marcher autour du carrefour afin, du fait de la priorité accordée aux piétons sur les passages protégés, de bloquer la circulation. "Dites que vous cherchez du boulot", ironise le groupe de Sens (Yonne), en référence à l'invitation d'Emmanuel Macron aux chômeurs à "traverser la rue" pour trouver un emploi.

Qui pourra bénéficier du filtrage des barrages ? Où qu'ils se trouvent sur le territoire, les organisateurs insistent sur la nécessité de ne pas entraver la circulation des véhicules sanitaires et d'urgence, qui auront des voies réservées. Ce serait même la "condition" pour que les forces de l'ordre ne verbalisent pas les bloqueurs, selon une porte-parole du comité de Saint-Affrique (Aveyron).

>> Que risquent les "gilets jaunes" en manifestant le 17 novembre ?  

La consigne est notamment inscrite dans ce graphique, largement relayé sur les réseaux sociaux.

Les sections les mieux organisées ont désigné des référents sécurité pour chaque point de blocage, qui communiqueront avec le responsable local du mouvement, lequel sera en lien direct avec les autorités. "Gardez à l'esprit que ce mouvement est pacifique, nous voulons une démonstration par le nombre et non par la force", souligne une organisatrice de Reims.

Des actions pas toujours déclarées en préfecture

Avant même le début des blocages, et malgré les appels à la retenue, la tension monte toutefois sur les pages des "gilets jaunes". Le responsable de l'opération à Bastia (Haute-Corse) affirme que des supporters de l'équipe de foot locale ont prévenu que "ça risquait de mal se passer" en cas de difficultés d'accès au stade pour le match, à 20 heures.

Appelant à "respecter ceux qui doivent travailler", un homme prévient qu'il "n'acceptera aucun blocage" de son camion de lait devant livrer une société de Rebourguil (Aveyron), au pays du Roquefort. A Blois, un internaute se montre plus menaçant : "Franchement, si on ne me laisse pas passer... J'espère qu'il y aura les flics à ce moment-là." Une femme, elle, redoute une retenue de salaire pour son mari travaillant dans la sécurité. Réponse d'un partisan des "gilets jaunes" : "En Mai-68, ils sont restés combien de temps sans salaire ? Les Français, toujours à se plaindre..."

Par endroits, il est presque impossible pour les travailleurs du samedi de prendre leurs dispositions, faute d'informations fiables sur les actions. Certains organisateurs n'ont pas fait de déclaration officielle en préfecture. D'autres ont choisi de restreindre l'accès à leur groupe Facebook ou d'annoncer les lieux de rendez-vous au dernier moment, comme à Rennes (Ille-et-Vilaine). Aux Sables-d'Olonne (Vendée), la "méthode" de blocage ne sera dévoilée que le jour-même.

Opérations escargot, même à Paris

La "révolution des ronds-points" se mettra parfois en mouvement en direction de péages. A Bordeaux (Gironde), les manifestants disent vouloir "aller bloquer la station de péage à Virsac, ainsi que le pont d’Aquitaine". A Antibes (Alpes-Maritimes), un des groupes mobilisés lancera "une opération escargot jusqu'au péage". Dans la région caennaise (Calvados), une "grande opération coup de poing", baptisée "Coup de pompe", consiste à "aller bloquer et filtrer gratuitement le péage de Dozulé" puis à s'engager au ralenti sur l'A13 en payant avec de la petite monnaie.

L'une des actions les plus surveillées sera l'opération escargot sur le périphérique parisien, qui pourrait être suivie d'une marche "direction l'Elysée à pied ou en voiture". Les "gilets jaunes" gourmands préféreront peut-être filer en Moselle, où les barbecues et des food trucks seront de sortie sur la N4.

Capture d'écran d'un événement Facebook des "gilets jaunes" organisé à Sarrebourg (Moselle). (FACEBOOK)

Le blocage du 17 novembre débutera parfois dès le petit matin. "Pourquoi 8 heures ? Vous êtes sérieux là ?" s'étrangle un internaute en découvrant l'horaire d'un rendez-vous. "Oui avant l'ouverture des magasins", lui répond la cheffe de groupe, qui entend ralentir l'activité économique. A Sedan (Ardennes), sept barrages filtrants doivent être volontairement positionnés à proximité de stations-service et de grandes surfaces pour "ne pas impacter les petits commerces du centre-ville déjà en grande difficulté".

Des appels à limiter sa consommation sont même lancés sur certaines pages pour priver l'Etat des revenus issus des taxes sur le carburant, le tabac ou encore l'alcool. "Zéro rentrée dans les caisses de l'Etat", réclame l'initiatrice de l'action de Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire).

Des blocages jusqu'à quand ?

Si l'ampleur de la mobilisation nationale des "gilets jaunes" est une grande inconnue, la durée du mouvement l'est tout autant. A Brignoles (Var), où une "mission barrière ouverte" doit avoir lieu au péage le matin, le leader local reconnaît que le programme de l'après-midi n'a pas été défini. "On verra, rien de vraiment prévu mais, selon le monde, y aura des actions à faire", hasarde-t-il.

A Saint-Affrique, le mouvement déclaré en préfecture doit prendre fin à minuit, samedi. Mais le coup de sifflet final pourrait retentir plus tôt, selon l'affluence. "Il faudrait au moins qu’on tienne jusqu'à 19-20 heures, jusqu’à la fermeture des magasins", espère un manifestant cité par un site local. A Guéret (Creuse), la déclaration prévoit des actions jusqu'à mardi.

Les organisateurs au plan national préparent déjà l'après-17 novembre. Ils travaillent à un blocage se poursuivant pendant une semaine, devant des "frontières, ports, aéroports, voies ferrées et raffineries", avec notamment le renfort de chauffeurs routiers. 

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