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Insultes proférées contre Alain Finkielkraut par des "gilets jaunes" : on vous résume l'affaire

Article rédigé par Juliette Campion
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
L'académicien Alain Finkielkraut, ici le 12 octobre 2017, a été l'objet d'insultes en marge d'une manifestation des "gilets jaunes" à Paris, le 18 février 2019. (THOMAS PADILLA / MAXPPP)

Le parquet de Paris a ouvert une enquête pour "injure publique en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion" après les injures qui ont visé le philosophe, samedi à Paris. 

"La haine à l’état brut dans les rues de Paris". Sur Twitter, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a fermement condamné les insultes dont le philosophe Alain Finkielkraut a été victime, à Paris, lors de la 14e journée de mobilisation des "gilets jaunes", samedi 16 février. "Sale sioniste de merde, tu vas mourir !", "sale race !" ont hurlé des manifestants, qui l'ont pris à partie pendant quelques minutes. 

>> Politiques, intellectuels, journalistes... Ils s'indignent après les insultes antisémites proférées à l'encontre d'Alain Finkielkraut

L'essayiste a reçu le soutien d'Emmanuel Macron, qui a condamné "les injures antisémites dont il a fait l’objet". Une enquête a été ouverte dimanche par le parquet de Paris et un suspect a été identifié. Franceinfo revient sur cette agression verbale et ses conséquences. 

Que s'est-il passé ? 

La scène s'est déroulée samedi en début d'après-midi, sur le boulevard du Montparnasse, dans le 14e arrondissement de la capitale. Aux abords du cortège, plusieurs "gilets jaunes" repèrent Alain Finkielkraut, qui passait par hasard dans le quartier sans intention de se joindre aux manifestants. Le philosophe a expliqué sur LCI qu'il sortait d'un taxi alors qu'il venait de raccompagner sa belle-mère après un déjeuner. Rapidement, sa présence déclenche une vague d'hostilité de la part de manifestants qui commencent à l'encercler. Le philosophe reçoit alors un flot d'insultes, comme on peut le voir sur les images tournées par Yahoo Actualités.

Insultes Alain Finkielkraut
Insultes Alain Finkielkraut Insultes Alain Finkielkraut

"Je voulais rentrer chez moi. Et en même temps, je vois cette manifestation qui défile, donc je vais quand même regarder. Je n’étais pas là depuis une minute que j’ai été en effet pris à partie de manière très violente par des manifestants" a-t-il expliqué sur LCI. 

Des policiers l'évacuent dans la foulée par la rue Campagne-Première, qui fait l'angle avec le boulevard du Montparnasse. "J'ai été obligé de fuir de peur qu’ils me cassent la gueule et je pense que ça aurait pu mal tourner" a raconté le philosophe au Parisien

Quelles insultes ont été proférées ? 

Dans les images mises en ligne par Yahoo, on entend crier de nombreuses menaces et des insultes : "Barre-toi, sale sioniste de merde !" lance l'un, "Nique ta mère", crie un autre, tandis que l'on entend certains crier : "Palestine !". "Espèce de raciste, t'es un haineux, tu vas mourir, tu vas aller en enfer, espèce de sioniste !" crie un autre tout près de la caméra.

D'autres images tournées d'un peu plus loin par le journaliste indépendant Charles Baudry, on entend : "Facho ! Palestine ! Rentre chez toi, rentre chez toi en Israël" mais aussi : "La France est à nous. Rentre à Tel-Aviv", "Tu vas mourir"

Dans le brouhaha ambiant, certains disent avoir entendu crier "Sale juif !". Dans un tweet, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a ainsi condamné "la haine à l’état brut dans les rues de Paris contre Alain #Finkielkraut hué aux cris de 'sale Juif'". La directrice du Média Aude Lancelin lui a répondu en contredisant cette version, affirmant que cette "phrase est inaudible dans la vidéo" et l'accuse au passage d'inventer "un nouveau mensonge gravissime pour faire monter la haine dans le pays".

Franceinfo a réécouté la vidéo à plusieurs reprises et, dans le bruit ambiant, il est impossible d'affirmer avec certitude que cette insulte a bien été proférée. Interrogé par CheckNews, le journaliste Charles Baudry qui était présent sur place, n'a pas été en mesure de confirmer ou pas cette insulte. Toutefois, l'invective "sale race" est bien audible. 

Peut-on parler d'antisémitisme ? 

Ces injures ont un caractère antisémite, estime la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), qui a annoncé dimanche matin dans un tweet qu'elle saisissait la justice. Alain Jakubowicz, avocat et président d'honneur de la Licra, a réclamé sur franceinfo une réponse politique dans la lutte contre le racisme et l'antisémitisme : " Le sujet c'est : quand est-ce qu'on va s'attaquer au problème de fond ? (...) C'est un cancer et aujourd'hui il faut mettre la France sous chimiothérapie."

Samedi soir, quelques heures après l'altercation, Emmanuel Macron a réagi aux injures visant Alain Finkielkraut en parlant "d'injures antisémites" contre ce "fils d'émigrés polonais devenu académicien français"

D'autres politiques ont également employé ce terme comme Olivier Faure, patron des socialistes, qui déplore une "insupportable agression antisémite" ou encore Marine Le Pen qui dit regretter dans un tweet "la tentative d’’infiltration du mouvement des #GiletsJaunes par l’extrême-gauche antisémite"

Dans un article publié par franceinfo, le journaliste et écrivain Dominique Vidal, auteur de l'essai Antisionisme = antisémitisme ? Réponse à Emmanuel Macron (éditions Libertalia), explique pourquoi les insultes qui ont visé Alain Finkielkraut sont antisémites et pas seulement antisionistes. "A partir du moment où il y a un caractère haineux dans les propos, comme c'était le cas des 'gilets jaunes' face à Alain Finkielkraut, il s'agit forcément d'un délit, condamnable par la justice. Quand on lui dit 'sale sioniste de merde', on n'est plus dans la théorie politique. C'est juste purement raciste"

De plus, le parquet de Paris a annoncé dimanche matin avoir ouvert une enquête pour "injure publique en raison de l'origine, l'ethnie, la nation, la race ou la religion, par parole, écrit, image ou moyen de communication électronique". Les investigations sont confiées à la BRDP (Brigade de répression de la délinquance à la personne). 

Qu'en dit Alain Finkielkraut ? 

Le philosophe est revenu sur ce moment d'extrême tension. Pour lui, les injures dont il a été victime le visent personnellement et revêtent aussi un caractère antisémite : "La haine est là, et elle m'attend assez souvent. C'est terrible à dire puisqu'à travers moi, ce qui est visé, ce sont les juifs en tant que sionistes, c'est-à-dire du fait de leur souci d'Israël" a-t-il déclaré sur France 3. Pour lui, ceux qui l'ont insulté ne sont pas des "gilets jaunes d'origine" a-t-il déclaré dans Le Parisien. "Je pense que je n’aurais pas subi ce même genre d’insultes sur les ronds-points" a-t-il affirmé au quotidien. 

Sur LCI, l'essayiste a expliqué pourquoi il ne souhaitait pas porter plainte. "J'aurais porté plainte si on m'avait cassé la figure" a-t-il déclaré. Au Parisien, il a précisé : "Il ne faut pas trop en faire non plus, j’ai l’impression que beaucoup de gens ont été plus traumatisés que moi et que les images leur ont fait plus peur qu’à moi."

Où en est l'enquête ? 

Sur Twitter, le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, a indiqué qu'un suspect a d'ores et déjà été identifié. Il s'agit selon lui du "principal auteur des injures".

C'est ce qu'a également déclaré Laurent Nuñez, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur, sur BFMTV. Mais le parquet de Paris n'était pas en mesure, dimanche, de confirmer cette information.

Que risquent les personnes impliquées ?

En France, le Code pénal prévoit jusqu'à 12 000 euros d'amende pour injure publique. Si le caractère raciste  ou antisémite est retenu, l'auteur encourt un an d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.

Mais les responsables risquent d'être difficiles à identifier. Et l'enquête devra déterminer quelles paroles ont été prononcées par les uns ou les autres. 

L'incident s'est déroulé sur fond de recrudescence des faits antisémites, qui ont augmenté l'an dernier de 74% en France, passant de 311 en 2017 à 541 en 2018, après deux années de baisse, selon le gouvernement. 

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