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"Gilets jaunes" : les réponses aux dix questions que vous vous posez sur le flash-ball et son utilisation par les forces de l'ordre

Article rédigé par Catherine Fournier, Marion Bothorel
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 17 min
Un membre des forces de l'ordre équipé d'un lanceur de balles de défense lors de la journée de mobilisation des "gilets jaunes" à Paris le 9 décembre 2018. (KARINE PIERRE / HANS LUCAS)

Cette arme intermédiaire et non létale utilisée par les forces de l'ordre lors des journées de mobilisation a fait plusieurs blessés depuis le début du mouvement. Elle fait régulièrement l'objet de controverses. Franceinfo vous explique pourquoi. 

A chaque nouvelle mobilisation des "gilets jaunes", il concentre toutes les attentions. Le lanceur de balles de défense (LBD), plus communément appelé flash-ball, est l'une des armes utilisées par les forces de l'ordre quand les rassemblements virent à l'affrontement. Régulièrement sous le feu des critiques, ce "gomme-cogne", pistolet de défense tirant des balles de caoutchouc, a déjà occasionné de nombreuses blessures parmi les manifestants depuis le début du mouvement, y compris parmi des journalistes et des lycéens.   

A l'occasion de la neuvième journée de contestation, samedi 12 janvier, franceinfo se penche sur l'histoire de cette arme intermédiaire et non létale, dont le modèle et l'emploi ont évolué depuis les années 1990 en France. 

1Qu'est-ce qu'on appelle un flash-ball ?

Le Flash-ball est une marque française déposée d'arme non létale, appartenant aux lanceurs de balles de défense (LBD). Un ancien professeur et expert en balistique mosellan l'a inventée en 1990 dans son garage. Pierre Richert souhaitait "faire le contraire de ce que tout le monde avait fait, petit calibre et grande vitesse qui font des trous. Je voulais venir au gros projectile à faible vitesse qui tape fort sans blesser", expliquait-il à France 3 en 1995. 

Selon Verney-Carron, l'entreprise basée à Saint-Etienne qui l'a fabriqué et commercialisé à l'échelle industrielle, le flash-ball est une arme "non létale de calibre 44 mm au look dissuasif, à la prise en main immédiate" qui "s'adapte à toutes les situations". Dotée de deux canons tirant chacun une balle en caoutchouc de 28 grammes, cette arme est dangereuse en deçà de 7 mètres et moins précise au-delà de 12 mètres.

Le flash-ball dit "Compact" peut être acquis par des particuliers, à condition de le déclarer et de détenir un permis de chasse ou une licence de tir. La présentation d'un simple certificat médical attestant que l'état de santé physique et psychique est compatible avec la détention de ce type d’arme peut suffire. L'obtention du modèle "Super-Pro", utilisé par les forces de police et de gendarmerie, est, en revanche, soumise à autorisation, accordée "pour le tir sportif ou en cas de risque professionnel", pour cinq ans maximum et avec renouvellement.

Un flash-ball "SuperPro" dans les ateliers du fabricant Verney-Carron, à Saint-Etienne (Loire), le 23 mai 2002. (JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP)

Depuis 2007, le flash-ball est progressivement remplacé par une autre arme : le LBD 40, permettant des tirs à plus longues distances, de 30 à 40 mètres, et pourvu d'un viseur. Mais le mot "flash-ball" reste le terme générique pour désigner les lanceurs de balles de défense, tous modèles confondus.

2Depuis quand est-il utilisé par les forces de l'ordre en France ?

Dès son invention par Pierre Richer en 1990, le flash-ball est expérimenté par les unités d'élite de la police et de la gendarmerie françaises, telles que le Raid et le GIGN. Son usage est étendu aux policiers de la BAC (Brigade anti-criminalité) en 1995, après la blessure par balle d’un policier à Mantes-la-Jolie (Yvelines).

Comme l’indique Libération en 1995, cette décision s'inscrit alors dans une "stratégie de lutte contre les violences urbaines" et non de "maintien de l'ordre". Ces armes intermédiaires "sont destinées à être utilisées uniquement dans les cas de légitime défense pour arrêter un individu menaçant les policiers d'un pistolet à grenaille ou d'une arme blanche", explique alors le directeur central de la sécurité publique.

Au début des années 2000, Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, annonce que les policiers de proximité "qui se trouvent près des cités difficiles et dangereuses" seront également dotés de cette arme pour "impressionner".

Quand les policiers en sont équipés, les voyous ne viennent pas les chercher. Dire que la police doit rester républicaine, ce n'est pas la condamner à l'inefficacité.

Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur

dans "Le Monde" du 31 mai 2002

Les émeutes de 2005 en banlieue, puis celles de novembre 2007 à Villiers-le-Bel (Val-d'Oise), accélèrent la généralisation de cette arme. Peu à peu, le lanceur de balles de défense devient un outil de maintien de l’ordre, y compris dans les manifestations. Pour Vincent Denis, maître de conférences en histoire moderne à la Sorbonne et spécialiste de la police, interrogé par l'AFP, cette utilisation marque "un tournant" car "la doctrine du maintien de l'ordre depuis 1945 était de ne pas tirer sur les manifestants".

3Peut-on mourir d'un tir de flash-ball ?

En théorie, non. C’est du moins ce qu'assurait son inventeur, expliquant que la balle en caoutchouc s'écrase sur la surface touchée mais ne la perfore pas. Tirée à une distance de 15 à 20 mètres, elle ne provoquerait "au pire" "qu'un gros hématome". Un avantage pour les policiers et gendarmes "qui ont peur des bavures", selon les termes de Pierre Richert, qui se félicitait d'un "travail propre".

Sa théorie prend du plomb dans l’aile en décembre 2010, lorsque Mustapha Ziani, 45 ans, meurt des suites d'un tir de flash-ball au thorax lors de son interpellation dans un foyer de travailleurs à Marseille (Bouches-du-Rhône). L'autopsie atteste que le tir, effectué à environ 4,40 mètres de la victime, était bien la "cause directe et exclusive" de sa mort.

Six ans après les faits, l'auteur du tir, le policier Xavier Crubezy, est condamné à six mois de prison avec sursis. Entre temps, plusieurs dizaines de cas de blessés graves par tirs de flash-ball ont défrayé la chronique.

Dès janvier 2008, la Commission nationale de déontologie de la sécurité – dont les missions ont été depuis transférées au Défenseur des droits – demande de proscrire l'usage du flash-ball "Super-Pro" dans le cadre de manifestations, estimant qu'un tir à moins de 10-15 mètres accroît "considérablement les risques". En cause, "l'imprécision des tirs [...] malgré les qualités du tireur et les conditions idéales du tir". Thierry Launois, délégué national formation à l'Unsa Police, le reconnaît. 

Ça correspond à un coup de poing de Mike Tyson. Ce n’est pas censé tuer quelqu’un mais à partir du moment où il est utilisé au mauvais endroit…

Thierry Launois, délégué national formation à l'Unsa Police

à franceinfo

Selon une étude américaine (en anglais) publiée en décembre 2017 dans la revue médicale britannique BMJ Open, 3% des personnes grièvement blessées par un tir de flash-ball décèdent des suites de leurs blessures. Les cas français ne sont pas pris en compte dans cette enquête.

4A quoi ressemble le LBD 40, qui remplace progressivement le flash-ball ?

Au vu des nombreux incidents provoqués par le flash-ball, les autorités ont fini par se ranger à l’avis de la Commission nationale de déontologie de la sécurité. En 2007, le LBD 40, une autre arme de 4e catégorie, apparaît dans les rangs des forces de l'ordre françaises pour une expérimentation. Fabriqué par la firme suisse Brügger et Thomet, il est doté d'un viseur électronique permettant un tir plus précis et puissant à 30 mètres. L'arme ressemble à une mitraillette et tire des munitions de 40 mm, d'un poids de 95 g et composées d'une douille en plastique et d'un projectile en mousse. 

Un LBD 40 utilisé par les escadrons de la gendarmerie mobile à Vaubecourt (Meuse), le 17 octobre 2013. (MAXPPP)

Malgré un blessé lors d’une manifestation à Nantes en 2007 – un lycéen est éborgné –, ce nouveau "gomme-cogne" commence à être généralisé en 2009. Il cohabite une dizaine d'années avec le flash-ball "Super-Pro", jusqu’à ce que celui-ci soit progressivement retiré de l'équipement des policiers et gendarmes à partir de 2018. "Pour chaque LBD arrivé dans un service, un flash-ball est retiré de l'équipement", résume une source policière auprès de LCI.

L'arme de poing continue toutefois à être utilisée par certains services non spécialisés, comme les pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG) et les polices municipales. "De plus en plus de polices municipales s'équipent aujourd'hui en flash-ball afin d'avoir un premier niveau de réponse à létalité atténuée en cas de problème", indique à franceinfo Guillaume Verney-Carron, le directeur de l’entreprise du même nom.

5Le LBD 40 est-il vraiment moins dangereux que son prédécesseur ? 

Ce ne sont pas les conclusions du Défenseur des droits, qui a plaidé pour son retrait dans un rapport publié en janvier 2018. "On constate que malgré leur précision, les LBD 40 ont à ce jour généré autant de victimes que les flash-balls 'Super-Pro'", souligne-t-il, se basant sur le recensement effectué par l'Acat entre 2000 et octobre 2017. Sur les 44 blessés répertoriés par cette ONG de défense des droits de l'homme, 18 l'ont été par un tir de flash-ball "Surper-Pro" et 18 par un tir de LBD 40. Le modèle utilisé pour les huit autres n'est pas établi. "Ce chiffre n'est pas exhaustif et tient compte uniquement des blessés graves et médiatisés", précise l'Acat à franceinfo.

Comme le flash-ball en 2010, le LBD 40 pourrait également être impliqué dans la mort d'un homme, victime d’un arrêt cardiaque en janvier 2017 à Auxerre (Yonne) après avoir été touché à la poitrine lors de son interpellation. La responsabilité de cette arme n'est pas encore établie par la justice puisqu'une instruction est toujours en cours. 

"Je continue de penser que le LBD 40 à courte distance (5 à 15-20 mètres) est plus dangereux que notre flash-ball", réagit la société française Verney-Carron auprès de franceinfo, regrettant la confusion entre les deux armes parmi les "gilets jaunes". 

6Dans quel contexte et par qui le LBD 40 peut-il être utilisé ?

L'utilisation du LBD 40 est strictement encadrée par la loi. Lors d'une manifestation, par exemple, les forces de l'ordre peuvent avoir recours à ce lanceur de balles pour dissiper un attroupement "susceptible de troubler l'ordre public" mais seulement "en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée". Comme le stipule l’article L211-9 du Code de la sécurité intérieure, un attroupement peut être dissipé par la force publique après deux sommations restées sans effet. "En cas de violences ou voies de fait commises à l'encontre des forces de l'ordre ou si les forces de l'ordre ne peuvent défendre autrement le terrain qu'elles occupent", les sommations (avertissements par haut-parleur et/ou envoi d’une fusée rouge) ne sont pas nécessaires.

En gendarmerie, l'emploi du LBD 40 est conditionné par l'obtention d'un certificat initial d'aptitude, obtenu lors d'une formation au Centre national d'entraînement des forces de gendarmerie à Saint-Astier (Dordogne). Une piqûre de rappel doit être effectuée tous les ans. Mais selon Frédéric Le Louette, président de Gend XXI, l'association professionnelle nationale des militaires de gendarmerie, cinq stages sur six ont été annulés en 2018 pour les escadrons de gendarmerie mobile. "Ils sont suremployés actuellement donc tout ce qui est accessoire saute", regrette-t-il. Frédéric Le Louette pointe aussi le manque de munitions d’exercice, qui limite l’entraînement.

Dans les rangs de la police, la formation initiale requise pour pouvoir utiliser le LBD 40 est de six heures, avec un "recyclage", c'est-à-dire une piqûre de rappel, tous les trois ans. "On tire cinq cartouches pour avoir l'habilitation, explique Nicolas Comte, le porte-parole du syndicat Unite-SGP Police FO, sur franceinfo. En général par manque de temps, d'argent, il n'y a pas d'entraînement annuel." Une munition de LBD, comprenant la douille et le balle en caoutchouc, coûte environ 20 euros."Vu le nombre de missions entre les migrants à Calais et les manifestations des 'gilets jaunes', ils ont largement leur 'recyclage'", nuance Thierry Launois, de l'Unsa Police.

On peut estimer qu’un "recyclage" est nécessaire quand on ne tire pas souvent au LBD. Quand on voit ce qui est tiré chaque samedi en ce moment, on se dit que ce n'est pas nécessaire.

Thierry Launois, délégué formation à l'Unsa police

à franceinfo

7Quelles sont les règles à respecter lors du tir ?

Elles figurent noir sur blanc dans une instruction signée par les directeurs de la police et de la gendarmerie nationale en septembre 2014. "Dans la mesure du possible, le tireur s'assure que les tiers éventuellement présents se trouvent hors d'atteinte, afin de limiter les risques de dommages collatéraux", peut-on lire.

Le tireur doit également tenir compte de la distance à laquelle le tir est effectué, sachant que les "risques lésionnels" sont "plus importants en deçà de 10 mètres". Il doit aussi éviter de tirer sur une personne vulnérable (femme enceinte, personne handicapée ou âgée…). Enfin, il doit viser "le torse ainsi que les membres supérieurs ou inférieurs" et éviter la tête.

En revanche, ces conditions ne s'appliquent pas aux policiers et aux gendarmes lorsque l'emploi de l'arme à feu létale est légalement justifié. "Dans la réalité, c’est le principe de proportionnalité qui s'applique", explique le service communication de la police nationale. 

Si quelqu'un est en train de mettre des coups de batte de base-ball à une autre personne, le policier peut procéder à un tir au visage pour protéger la victime. Tout comme s'il est visé par une personne qui lui jette un cocktail Molotov.

Le service communication de la police nationale

à franceinfo

Ce principe de proportionnalité est au cœur des controverses entourant le LBD 40. Certaines des personnes visées par des tirs lors des journées de mobilisation des "gilets jaunes" ne présentaient visiblement pas de danger. Comme ce manifestant touché au bas-ventre alors qu'il faisait face à une rangée de CRS, bras levés. Interrogé par "Envoyé Spécial", sur France 2, un colonel de gendarmerie reconnaît qu'il s’agit "d'une faute" et que cet usage "ne correspond pas à ce qui est enseigné en gendarmerie."

"On utilise l'armement LBD de façon un peu déviante, comme une arme d'attaque et non de défense", reconnaît Frédéric Le Louette, de Gend XXI. "Des fois, on dirait qu'ils l'utilisent uniquement pour se faire plaisir", témoigne auprès de franceinfo Paul Conge, un journaliste d'Explicite touché dans le dos samedi 8 décembre à Paris.

"Les tirs sont systématiquement des tirs tendus – à hauteur d'homme – alors qu'ils n'en ont pas le droit", relève l'avocat Jérémie Assous, qui représente huit journalistes touchés par des tirs de LBD 40 lors des manifestations.

Ces personnes ont-elles été atteintes par erreur ? "Le LBD 40 a beau être plus précis que le flash-ball, la précision du tir atteint ses limites dans une manifestation où les personnes sont en mouvement", plaide le service communication de la police. "L'erreur de cible, je n'y crois pas trop, indique à franceinfo Boris, un journaliste de la radio A2PRL touché aux côtes. J'avais bien le brassard presse en évidence et quand j'ai traversé, j'étais seul au milieu de l'avenue."

8Combien de blessés le LBD 40 a-t-il fait depuis le début du mouvement des "gilets jaunes" ?

Aucun recensement précis du nombre de blessés par des tirs de LBD 40 n'est pour l'heure disponible. Les autorités ne communiquent pas sur le sujet. Des "gilets jaunes" tentent de faire leur propre décompte, notamment via des appels à témoignages lancés sur Facebook. Depuis début décembre, David Dufresne, journaliste et documentariste indépendant, procède à un examen minutieux des vidéos et des témoignages de victimes de violences policières présumées. Sur Twitter, l'auteur de l'enquête Maintien de l'ordre (Editions Pluriel) avait effectué plus de 250 "signalements" début janvier, interpellant directement le ministère de l'Intérieur avec un "allo @Place_Beauvau".

Parmi ces violences policières présumées, des dizaines concerneraient des tirs de LBD 40. L'Acat est elle-même en train d'effectuer son propre recensement. Sur les photos qui circulent sur les réseaux sociaux, dont franceinfo a pu vérifier l'authenticité de certaines, les blessures provoquées sont diverses et d'une gravité variable. Cela va des bleus et contusions à l'ablation de testicules en passant par des fractures au visage et de plaies sévères aux jambes. Franceinfo a pour l’instant recensé une demi-douzaine d'individus qui ont perdu la vue lors des dernières manifestations des "gilets jaunes" à la suite d'un tir de LBD, les handicapant à vie.

A ce jour, la police des polices a été saisie 54 fois depuis le début du mouvement mais mais ces saisines concernent toutes les violences policières présumées et le détail sur les tirs de LBD 40 n'est pas communiqué. Quant à l'IGGN (Inspection générale de la gendarmerie nationale), la vingtaine de signalements sur la plateforme (toutes violences présumées confondues) n'ont donné lieu à aucune saisine judiciaire, selon nos informations.

Du côté du Défenseur des droits, sept saisines liées à des blessures occasionnées par le LBD 40 ont été effectuées en 2018, dont cinq depuis le début de la contestation des "gilets jaunes" et des lycéens.

9Une interdiction du LBD 40 est-elle envisagée par les autorités ?

"Choquées" par les images des "gilets jaunes" et des lycéens blessés, quelque 200 personnalités, dont plusieurs députés de gauche, ont appelé début décembre à interdire "immédiatement" l'usage de ces fusils d'épaule pour réprimer les manifestations. Lors de son audition par la mission du Défenseur des droits à la fin 2017, le préfet de police de Paris, Michel Delpuech, avait lui-même indiqué avoir pris la décision de proscrire l'utilisation du LBD 40 dans les opérations de maintien de l'ordre. Mais cette interdiction a été de courte durée et levée pour la manifestation du 1er mai, émaillée de violences

Sollicitée par franceinfo, la préfecture de police de Paris assure toutefois que ses unités "engagées pour assurer le maintien de l'ordre lors des manifestations de voie publique déclarées n'y ont plus recours", soulignant que la plupart des rassemblements des "gilets jaunes", non déclarés, ne rentrent pas dans ce cadre et évoluent en "violences urbaines"

"Le retrait de ce type de matériel mettrait en danger les fonctionnaires de police", assure à l'AFP Jean-Louis Courtois, expert en armes auprès de la Cour d'appel de Paris et rédacteur en chef de la revue Commando magazine. Selon lui, l'utilisation du LBD est "un mal nécessaire".

On en a besoin. En face de nous, on nous lance du bitume, du pavé…

Thierry Launois, délégué formation de l'Unsa police

à franceinfo

Les autorités continuent donc de défendre cette arme non létale. Et pour l'heure, elles ont eu gain de cause sur le plan judiciaire : la Cour européenne des droits de l'homme a rejeté le 18 décembre une requête de manifestants blessés par des tirs de LBD 40 et qui en demandaient l'interdiction en urgence.

Comme en témoignent les rapports annuels de l’IGPN, l’usage du LBD 40 ne cesse d'ailleurs d'augmenter, quand celui du flash-ball diminue. Selon les chiffres communiqués aux médias lors de la présentation desdits rapports, près de 2 500 tirs ont été effectués en 2017, soit une hausse de 46% par rapport à l’année précédente. L'année 2016 avait pourtant été marquée par les manifestations contre la loi Travail, entraînant déjà une augmentation des tirs de LBD 40 (1 705 tirs, soit une hausse de 66% par rapport à 2015). 

Le LBD 40 semble ainsi avoir encore de beaux jours devant lui. Comme l'a révélé Libération, le ministère de l'Intérieur a lancé le 23 décembre un appel d'offres pour l'acquisition de 1 280 nouveaux exemplaires.

10Qu'en est-il dans les autres pays européens ?

Au Royaume-Uni, en Allemagne et en Belgique, les lanceurs de balles de défense ne sont pas utilisés pour les opérations de maintien de l'ordre. Mais la France n'est pas le seul pays à y avoir recours dans ce cadre : en 2014, un rapport conjoint de l'IGPN et l'IGGN mentionnait l'utilisation de "balles de gomme" par les forces de l’ordre espagnoles lors des dispersions de foule, faisant état de 16 blessés graves causés par ces projectiles au cours des dix dernières années.

En Belgique, un rapport issu d’un groupe de réflexion composé de praticiens de la police fédérale, de la police locale et de l'Académie nationale de police belge, cité par le Défenseur des droits, a conclu en août 2016 que l'usage des armes telles que les lanceurs de balle de défense était "difficile à concilier avec les principes de gestion générale et socialement inacceptable dans le contexte actuel".

Quant au flash-ball, il continue de bien se vendre… à l’étranger. Verney-Carron communique seulement sur les chiffres de vente du modèle "Compact", accessible aux particuliers. Sur son site, pas moins de 37 pays importateurs sont mentionnés, comme la Russie, les Etats-Unis, la Zambie et 16 pays de l'Union européenne. Les données sur les ventes du modèle "Super-Pro", réservé aux forces de sécurité, ne sont pas disponibles car relevant du "secteur sensible". "Notre activité sécurité réalise 80% de son chiffre d'affaires hors de France", assure toutefois le directeur général.

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