1er-Mai : la direction de la Pitié-Salpêtrière a-t-elle entravé la grève en cours aux urgences lors de la visite de Christophe Castaner ?
A l'occasion du déplacement du ministre de l'Intérieur mercredi soir, des salariés de l'hôpital affirment avoir été contraints de se mettre à l'écart. Une banderole aurait aussi été retirée. Contactée par franceinfo, la direction de l'AP-HP a une autre version des faits.
"Il fallait qu'on parte !" Benjamin n'a pas croisé Christophe Castaner à la Pitié-Salpêtrière, mercredi 1er mai à Paris. Et pour cause, certains salariés de l'hôpital ne semblaient pas les bienvenus, notamment les grévistes comme lui. "Vers 18h30, la directrice de l'organisation médicale est venue nous trouver, explique à franceinfo cet infirmier aux urgences. Elle nous a dit qu'on ne pouvait pas rester là parce que le ministre de l'Intérieur était en train d'arriver pour s'exprimer sur les événements qui venaient d'avoir lieu."
Sur la blouse de Benjamin, comme sur celle de ses collègues qui ont entamé une grève illimitée mi-avril pour dénoncer leurs conditions de travail, de gros morceaux de sparadrap sont collés. Dessus, il est écrit "urgence en grève" ou "plus de moyens, moins de baratin". Le petit groupe comprend alors qu'il n'est "pas le bienvenu", qu'il "gêne". Le ton serait monté d'un cran. "La directrice nous a alors dit qu'il y avait un temps pour tout, et que celui-ci n'était pas le temps de la grève !", lâche Morgane, elle aussi infirmière aux urgences.
Elle ne voulait pas que les journalistes qui accompagnaient le ministre puissent croiser les grévistes. Il fallait qu'on soit hors du champ des caméras.
Morgane, infirmièreà franceinfo
Les salariés en grève affirment que la direction a également demandé aux CRS présents d'enlever la banderole accrochée en face de l'entrée des urgences (photo ci-dessous). "Ils se sont exécutés sans broncher et l'ont mise à la poubelle", raconte Morgane, qui assure avoir tout vu.
Enervé, le collectif Inter-Urgences, créé fin mars par des paramédicaux, s'est aussitôt fendu d'un tweet, partagé un millier de fois depuis.
Inadmissible !! Mme Welty, directrice de l'@HopPitieSalpe demandant aux #CRS de décrocher les banderoles des #urgences en #grève, et qui s'exécutent, lors de la venue de @CCastaner !
— L'Inter-Urgences (@InterUrg) 1 mai 2019
Certains salariés voient dans le comportement de la direction "une atteinte au droit de grève". "C'est du mépris total, regrette Orianne, elle aussi gréviste. C'est comme si on ne voulait pas qu'on existe." Nous avons posé la question à une avocate en droit social à Paris. "Demander à des syndicalistes ou des grévistes de retirer des affiches ou des panneaux, c'est une atteinte à liberté d'expression et à la liberté syndicale", rappelle-t-elle. Sans se prononcer sur le fond de l'affaire, elle renvoie à l'article L2141-4 du Code du travail.
Une direction ne peut pas obliger des salariés à cesser leur activité de grévistes parce qu'une personnalité arrive.
Une avocate en droit socialà franceinfo
Contactée par franceinfo, l'AP-HP a une autre version des faits : la fameuse banderole "n'était pas située dans la zone faisant l’objet de l’accord entre les personnels et la direction". Et évoque une confusion : "La directrice du groupe hospitalier a donc demandé qu’elle soit retirée à une personne dont elle pensait qu’il s’agissait d’un agent de l’hôpital, mais qui était en fait un membre des forces de l’ordre en civil présent sur place." Une explication qui surprend les témoins sur place. "L'un des policiers était bien en uniforme. Surtout, il était dans un fourgon de police avec son collègue en civil", tiennent à préciser les témoins joints par franceinfo. par ailleurs, la direction de l'AP-HP n'a pas commenté l'affirmation des salariés, qui assurent avoir été contraints de se mettre à l'écart.
Une fois le ministre de l'Intérieur reparti place Beauvau mercredi soir, les grévistes ont repris leur place. Quant à la banderole qui avait été retirée, elle a pu être récupérée dans la poubelle : elle doit retrouver sa place sur le mur dans les prochaines heures.
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