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Réforme des retraites : "Il faut une condition d'urgence" pour que le personnel gréviste soit réquisitionné, explique une avocate spécialiste du doit du travail

L'avocate Diane Reboursier explique quelles sont les règles en matière de réquisition lorsqu'il y a des grèves.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Temps de lecture : 4min
À Paris, des éboueurs en grève contre la réforme des retraites ont été réquisitionnés pour ramasser les déchets dans la capitale. Photo d'illustration. (SYLVIE LEFORT  / MAXPPP)

"Il faut une condition d'urgence" pour que le personnel gréviste soit réquisitionné, explique mardi 21 mars sur franceinfo Diane Reboursier, avocate au cabinet August Debouzy, spécialiste du droit du travail. Depuis mardi matin, du personnel gréviste a été réquisitionné au dépôt pétrolier Exxon Mobil de Fos-sur-Mer, dans le département des Bouches-du-Rhône, touché par des pénuries de carburants.

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À Paris, des éboueurs en grève ont également été réquisitionnés depuis le week-end dernier pour ramasser les déchets dans la capitale. "Il n'est pas question de retourner à la normale mais vraiment d'assurer le service minimum", précise l'avocate.

franceinfo : Quelles sont les règles en matière de réquisition lorsqu'il y a des grèves ?

Diane Reboursier : La réquisition est une atteinte au droit de grève, c'est certain. Mais ce n'est pas la question. La question, c'est de savoir si cette atteinte, qui est très encadrée, est grave et disproportionnée par rapport au droit de grève qui est fondamental.

Donc, que ce soit pour les raffineries ou pour le ramassage des déchets, c'est prévu par un même article du Code des collectivités territoriales et il faut une condition d'urgence. Il faut que le préfet prenne un arrêt motivé en expliquant quelles personnes il va réquisitionner, pour quelle période et sur quelles fonctions très précises au poste près, c'est-à-dire à la personne près qui va être réquisitionnée pour faire un service minimum.

"Il n'est pas question de retourner à la normale mais vraiment d'assurer le service minimum, comme on l'a vu par exemple pour les stations-service, pour le personnel essentiel."

Diane Reboursier, avocate

à franceinfo

Qui détermine quand il y a une situation d'urgence ?

Le préfet doit motiver. Si des grévistes des syndicats ne sont pas d'accord, ils peuvent faire un recours devant le tribunal administratif. Et là, c'est le juge qui va déterminer s'il y avait de l'urgence et si toutes les conditions étaient remplies. Il s'agit d'un référé, une procédure accélérée. On appelle ça le référé liberté et le juge administratif doit statuer sous 48 heures. Donc c'est très rapide et il va vérifier s'il y a eu une atteinte à la sécurité publique, à la salubrité ou à la tranquillité et si la réquisition est proportionnée, c'est-à-dire, par exemple, que tous les grévistes n'ont pas été réquisitionnés sur le site.

Quelles sont les limites ? Est-ce possible de bloquer des sites, ou de déposer des ordures devant certains sites bloqués par des manifestants ?

À certains stades, on peut arriver à des atteintes illégales. On peut dépasser le droit de grève. Si on arrive à des violences, des voies de fait ou des détériorations, là on penche vers une atteinte pénale. Il peut y avoir des sanctions contre les grévistes pour ces atteintes pénales.

Est-ce que ce sont des dossiers particulièrement sensibles, est-ce que d'un côté ou de l'autre, on hésite parfois à aller justement en justice ?

C'est très rare que les employeurs demandent à ce que l'on effectue des réquisitions. On le voit jamais ou quasiment jamais en pratique. Du côté des syndicats bien évidemment, et dès lors qu'ils estiment que l'atteinte est disproportionnée ou trop grave au droit de grève, ils n'hésitent pas à aller en justice. Il y a eu pas mal de décisions rendues sur le sujet depuis 2020 et 2022 en particulier.

On avait une décision de Bordeaux il y a quelques années, qui avait constaté quand il y avait des risques d'incendie, ce qui est le cas aujourd'hui à Paris, de danger pour les enfants ou de rongeurs qui prolifèrent là, on pourrait être dans une situation d'urgence qui nécessite en particulier des réquisitions.

Est-ce que l'État ou d'autres autorités ont le droit de faire appel à des prestataires pour réaliser des missions ou faut-il uniquement réquisitionner le personnel gréviste ?

Avant de réquisitionner normalement, on doit essayer justement de trouver des solutions alternatives, comme faire appel à des prestataires extérieurs, et ça va être vu par le juge.

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