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L'âge pivot a-t-il vraiment été retiré de l'avant-projet de réforme des retraites ?

Le système que le gouvernement appelle "âge d'équilibre" n'est pas retiré du projet. Son application est juste provisoirement suspendue à partir de 2022. 

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le Premier ministre Edouard Philippe avant un entretien au "20 heures" de France 2, le 12 janvier 2020. (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

L'âge pivot est-il réellement retiré de l'avant-projet de loi sur les retraites ? La réponse est simple : non. L'"âge d'équilibre", comme l'appelle l'exécutif, figure toujours dans le texte. Le Premier ministre Edouard Philippe a seulement annoncé, samedi 11 janvier, aux syndicats le retrait à titre provisoire de la mesure de court terme, destinée à renflouer l'équilibre des caisses de retraite à l'horizon 2027. Cette mesure devait commencer à s'appliquer en 2022 et portait progressivement à 64 ans l'âge du départ à taux plein en 2027. Temporairement suspendue, elle pourrait être rétablie et l'âge d'équilibre doit de toute manière être mis en œuvre en 2037. Vous avez du mal à suivre ? C'est normal. On vous explique, étape par étape.

Age pivot, âge d'équilibre, âge du taux plein

Premier élément de compréhension : les journalistes parlent d'"âge pivot", mais l'exécutif préfère les termes d'"âge d'équilibre" ou d'"âge du taux plein". Ces expressions sont synonymes. Cet âge pivot doit remplacer la durée de cotisation, dans le futur système de retraites voulu par le gouvernement. Dans son rapport rendu en juillet 2019 sur le système universel à points, l'ancien Haut-Commissaire aux retraites Jean-Paul Delevoye préconisait de fixer cet âge "à 64 ans au démarrage de la réforme, en 2025".

Sauf exceptions (carrières longues, métiers régaliens…), tout départ à la retraite avant d'avoir atteint l'âge requis entraînera une décote, qui serait de 5% a priori. Si un assuré part à l'âge légal minimal de 62 ans, alors que l'âge pivot est de 64 ans, sa pension sera amputée de 10% (il part deux ans plus tôt, donc il a un malus de 2 x 5% =10%).

L'âge pivot ne sera peut-être pas mis en place dès 2022…

Qu'a annoncé le Premier ministre Edouard Philippe dans sa lettre aux syndicats publiée samedi 11 janvier ? Il s'est dit prêt, comme l'avait demandé le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger, à renoncer à la mesure d'âge pivot à court terme. En clair : il ne renonce pas à l'"âge d'équilibre" inscrit dans la réforme et prévu dans le futur système. Il suspend provisoirement son application dès 2022, mais il faut garder à l'esprit que cette mesure a la préférence de l'exécutif, qui garde la main sur l'ensemble de la réforme.

Jusque-là, l'âge pivot devait toucher des personnes qui ne seront pas concernées par le système par points : celles partant à la retraite entre 2022 et 2027, dont la pension aurait donc dû être calculée en combinant l'âge pivot et le système actuel. Cette mise en place progressive est sortie de l'avant-projet de loi.

Mais la conférence de financement a peu de solutions de rechange

Edouard Philippe a toutefois posé une condition. A l'occasion d'une conférence de financement, proposée par la CFDT, les partenaires sociaux doivent proposer, d'ici fin avril, des moyens de renflouer les caisses de retraite à l'horizon 2027 (environ 12 milliards d'euros). Pour cela, ils ne doivent recourir "ni à la baisse des pensions, ni à la hausse du coût du travail". Impossible de proposer une hausse des cotisations, donc.

Les partenaires sociaux pourront recourir à un arsenal de mesures, à combiner à leur façon. L'âge pivot reste une des solutions en lice, avec d'autres dont la possibilité de modifier "l'âge d'ouverture des droits" à la retraite pour certains salariés. En dernier lieu, le gouvernement tranchera par ordonnance. Si les partenaires échouent à trouver un accord, "le gouvernement, éclairé par les travaux de la conférence, prendra par ordonnance les mesures nécessaires". L'âge pivot n'est par conséquent pas totalement écarté pour 2022.

L'âge pivot prévu pour 2037, au plus tard

A long terme, le futur système universel à points comportera bien "un âge d'équilibre", a rappelé Edouard Philippe. Il constituera "un des leviers de pilotage du système collectif dans la durée". La future Caisse nationale de retraite universelle, qui gérera le système, décidera des bonus-malus appliqués. "A défaut, lors de l'entrée en application du système universel de retraite, ils seront fixés par décret à 5% par an", précise le texte de loi.

Cet âge d'équilibre concernera les générations nées à partir de 1975, qui basculent dans le système à points. Si l'âge légal minimal de départ à la retraite est maintenu à 62 ans, elles pourront partir en 2037 au plus tôt. Mais l'"âge d'équilibre" les incitera financièrement à partir plus tard, en 2039 (à 64 ans), voire en 2040 (à 65 ans). 

Mais cette mesure peut aussi intervenir plus tôt. Car la Caisse nationale de retraite universelle, qui doit être créée en décembre 2020, aura un rôle de veille et d'alerte sur l'équilibre financier du système. En cas de risque, le gouvernement peut parfaitement décider, avant 2037, de réimposer l'âge pivot, au nom de la règle d'or exigeant l'équilibre du système de retraite sur cinq ans.

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