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Enregistrement de policiers de la Brav-M : ce que l'on sait de l'interpellation durant laquelle des manifestants ont été insultés et menacés

Le préfet de police de Paris a saisi l'IGPN après la diffusion d'un enregistrement, dans lequel des policiers tiennent des propos injurieux et menaçants.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié
Temps de lecture : 5 min
Une unité de police motorisée, pendant les manifestations contre les retraites le 23 mars à Paris. (CARINE SCHMITT / HANS LUCAS)

Vingt-trois minutes accablantes pour la Brav-M, une unité anti-émeute motorisée régulièrement accusée de violences policières. Un enregistrement, authentifié et publié par Le Monde vendredi 24 mars, a jeté une lumière crue sur une interpellation survenue lors d'une manifestation contre la réforme des retraites, lundi à Paris. Dans ce document audio, que franceinfo a pu consulter, les policiers tiennent des propos injurieux et menaçants à l'égard des jeunes personnes arrêtées, et des bruits de gifles se font entendre.

Quelques heures après la publication de cet enregistrement, le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, a annoncé avoir saisi l'IGPN, la police des polices, pour éclaircir les circonstances de cette interpellation. Franceinfo vous résume ce que l'on sait pour l'instant de cette intervention policière.

Une interpellation lors d'une manifestation sauvage

Les faits se déroulent dans la soirée du lundi 20 mars, alors qu' "à peu près 2 000" personnes en "petits groupes éclatés" manifestent dans le centre de la capitale, dressant des barricades et brûlant des poubelles, d'après le préfet de police. A l'angle des rues des Minimes et de Béarn, dans le 3e arrondissement de Paris, un groupe de sept personnes est interpellé sans qu'il soit permis d'établir, pour le moment, leur participation aux dégradations, précise Le Monde.

Un cliché de l'interpellation survenue le 20 mars 2023 à Paris, au cours de laquelle des policiers de la Brav-M sont soupçonnés  d'avoir été violents et menaçants. (Franceinfo)

Le petit groupe a été appréhendé par une dizaine de policiers, d'après une photo de l'arrestation obtenue par franceinfo. Ces derniers portent des casques de moto, élément habituel de l'uniforme des unités de la Brav-M, qui se déplacent en binômes en deux-roues. Un enregistrement sonore est alors réalisé à l'insu des fonctionnaires.

Des propos humiliants et menaçants tenus par les policiers

Dans l'audio récupéré, les policiers enchaînent les propos humiliants, menaçants et intimidants. "Quand j'étais au sol, j'ai reçu un 'Connasse, connasse'. J'ai dit : 'Comment ?', et il m'a dit 'Ta gueule'", témoigne Salomé , une étudiante arrêtée . "C'était vraiment un florilège d'insultes gratuites et de menaces physiques. Ils nous disaient qu'on pouvait être contents, parce qu'un autre soir, ils nous auraient pété les genoux."

Un jeune homme semble particulièrement ciblé par les remarques des fonctionnaires de police. "La prochaine fois qu'on vient, tu ne monteras pas dans le car pour aller au commissariat, tu vas monter dans un autre truc qu'on appelle ambulance pour aller à l'hôpital", peut-on ainsi entendre dans l'enregistrement. Deux bruits de gifles sont également audibles, avant que l'un des policiers ne lance : "Tu commences à bégayer ! T'en re-veux peut-être une, que je te remette la mâchoire droite ?"

"J'espère que demain t'es déferré, tu vas prendre quoi ? Six mois [de prison] ? Six mois, c'est bien, et une OQTF [obligation de quitter le territoire]", lance un autre policier à Souleymane, un jeune homme interpellé de nationalité tchadienne. "C 'était le seul jeune noir de l'équipe. Il s'est pris une succession de blagues racistes et à connotation sexuelle sur son pénis", souligne en outre Salomé auprès de Loopsider. "J'ai entendu les coups également, il a été frappé."

"Juste parce que je souriais, il m'a donné des baffes" complète Souleymane au micro de franceinfo, samedi. "J'ai fait l'erreur de manifester, je me suis senti humilié," déplore le jeune homme visiblement intimidé. "Au moment des palpations", le jeune homme déclare par ailleurs avoir été victime d'une agression sexuelle. "[Un policier] m'a fouillé et puis il m'a attrapé par le sexe. Il m'a dit 'T'as même pas de couilles', des propos très sexistes", ajoute le jeune homme. "Par peur", Souleymane indique cependant ne pas vouloir déposer plainte à l'encontre du policier.

Une enquête de l'IGPN en cours 

Le préfet de police Laurent Nuñez a annoncé vendredi avoir saisi l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) pour faire la lumière sur ces événements. "Ces propos sont graves et inacceptables déontologiquement" a déclaré ce 25 mars le préfet au micro de franceinfo. "Comme le veut la procédure", l'ancien secrétaire d'État auprès du ministre de l'Intérieur du gouvernement d'Edouard Philippe assure qu'il prendra les mesures administratives nécessaires à l'issue de l'enquête de l'IGPN. Le démantèlement de la Brav-M n'est toutefois "pas à l'ordre du jour" a insisté Laurent Nuñez, estimant cette "unité indispensable pour le maintien de l'ordre républicain". "Le comportement de quelques individus ne doit pas jeter l'opprobre sur une unité qui a prouvé son utilité", a conclu le préfet de police de Paris.

A gauche, La France insoumise réclame la dissolution de la Brav-M

Réagissant aux propos de Laurent Nuñez, Thomas Portes, député de Seine-Saint-Denis, insiste sur la nécessité d'une "dissolution" de la Brav-M. "Nous ne pouvons pas tolérer qu'une brigade de police sème la terreur, tienne des propos racistes, passe à tabac les manifestants en toute impunité", justifie l'élu insoumis sur Twitter le 25 mars. "Les Brav, c'est le bordel ! Merci aux gendarmes de leur rappeler qu'ils n'ont rien à faire dans le 'maintien de l'ordre'", s'émeut également Ugo Bernalicis, député La France insoumise du Nord.

Après avoir réclamé le "démantèlement à titre provisoire de la Brav-M" dans un courrier adressé mercredi 22 mars à Gérald Darmanin, les deux députés font désormais circuler sur les réseaux sociaux une pétition adressée à l'Assemblée nationale réclamant la dissolution de l'unité.

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