Reportage "J'espère avoir des gens à qui parler" : le coliving, un habitat partagé qui séduit les familles monoparentales
Lorsqu'elle donne rendez-vous, Margaux préfère aller dans un café, car son appartement, dans le 16e arrondissement de Paris n'est, dit-elle, plus adapté : "36 mètres carrés avec deux bambines, c'est bien encombré, avec des jeux partout... C'est vraiment le bazar, chez moi !" Seule avec des jumelles de 20 mois, la Parisienne aimerait tenter, dans la capitale, l'expérience du coliving, un mélange d'habitat privé et d'espaces partagés.
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Jusque-là, le coliving séduisait surtout les étudiants, comme une sorte de colocation remise au goût du jour. Mais les clients sont de plus en plus divers : actifs, seniors ou même famille monoparentale. Margaux veut tenter cette formule différente : "Je vois l'attrait de vivre davantage ensemble tout en gardant ces espaces privés. C'est en partie du rêve, parce que ça dépend beaucoup de comment ça se passe en vrai. Mais je trouve ça super que mes filles puissent voir d'autres enfants de tout âge et des adultes, d'autres façons de faire tout en respectant la mienne. J'espère avoir des gens à qui parler, avec qui échanger, avoir moins de solitude. Pouvoir cuisiner tous ensemble. C'est un moment de communion qui peut être sympa."
Compenser une perte de niveau de vie et de lien social
En France, une famille sur quatre est monoparentale. À Paris, c'est même une sur trois, selon Ruben Petri, cofondateur de Commune. Cette startup lancée sur le marché du coliving va ouvrir à l'automne des logements partagés dédiés aux parents célibataires et à leurs enfants, dans les Yvelines et près de Lille (Nord). "Les familles monoparentales perdent en moyenne 26 % de leur niveau de vie un an après leur séparation, souvent, très brutalement".
"Les familles monoparentales doivent se reloger, s'éloigner de leur cercle social ou de l'école de leurs enfants. C'est un peu ça qu'on a essayé de couvrir, des choses très pratiques".
Ruben Petri, cofondateur de Commune colivingà franceinfo
Chaque famille possède son "unité de vie" indépendante, avec kitchenette et salle de bain. Les espaces de vie collectifs comportent notamment une grande cuisine partagée et une grande salle de jeux pour les enfants. "On a envisagé plein de services, énumère Ruben Petri. Baby-sitting, transport scolaire, préparation de repas, de l'assistance juridique, de l'assistance scolaire, aussi, pour les enfants. Les familles monoparentales sont à la recherche d'intimité et de communauté".
Un habitat qui attire aussi les seniors
Un autre profil de clients commence à s'intéresser au concept du co-living, observe Guy Tapie, professeur de sociologie à l'École nationale supérieure d'architecture et de paysage de Bordeaux : "Pour les seniors, quand on partage des activités et des services, c'est plus facile d'éviter de se retrouver dans un Ehpad. Il y a quand même cette idée de solidarité. Jusqu'à présent, on était très ancrés dans l'habitat individuel."
Selon Guy Tapie, l'engouement pour le co-living va continuer de croître. "Il y a une dimension utopique, capitaliste aussi, parce que c'est une manière de gérer la pénurie de logements, analyse le sociologue. Donc oui, je pense que ça va se développer".
Selon un rapport remis au gouvernement en juin 2020 dans le cadre de la loi sur le grand âge, la France devra disposer de 150 000 logements "inclusifs" pour répondre à l'enjeu du vieillissement de la population. Le coliving, qui n'est qu'une forme d'habitat partagé parmi d'autres, représente moins de 10 000 logements aujourd'hui.
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