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Vrai ou faux La hausse du point d'indice de la fonction publique cache-t-elle une perte de pouvoir d'achat pour les fonctionnaires ?

La revalorisation de 3,5% de l'indice sur lequel est basée la grille de rémunération des fonctionnaires est la plus importante depuis 1985, mais elle ne compense pas à elle seule la forte inflation, anticipée à 5,8% en 2022.

Article rédigé par Pauline Lecouvé
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le ministre de la Transformation et de la fonction publiques, Stanislas Guerini, et la Première ministre, Elisabeth Borne, à Matignon (Paris), le 29 juin 2022. (JULIEN DE ROSA / AFP)

"C'est la plus forte augmentation depuis 37 ans", s'est exclamé Stanislas Guerini sur Twitter, mardi 28 juin. Le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, a annoncé une augmentation de la valeur du point d'indice de la fonction publique de 3,5% à partir du 1er juillet. "Le gouvernement renforce le pouvoir d'achat des agents de la fonction publique", a également salué la porte-parole du gouvernement, Olivia Grégoire.

Cet axe de communication du gouvernement n'a pas tardé a faire réagir. "Chère cousine… Non c'est la perte de pouvoir d'achat des fonctionnaires qui va être historique. Bisous", a répondu le sociologue Mathieu Grégoire à la porte-parole du gouvernement. Alors, hausse historique du point d'indice ou perte tout aussi historique de pouvoir d'achat ? Qui dit vrai ou "fake" ?

La plus forte hausse du point d'indice depuis 1985

Avec une augmentation de 3,5% de la valeur du point d'indice, sur lequel est indexée la grille de rémunération de la fonction publique, Stanislas Guerini a raison d'affirmer qu'il s'agit de la plus importante augmentation annuelle depuis 1985. Cependant, cette hausse ne signifie pas une augmentation équivalente du pouvoir d'achat des fonctionnaires.

"On est face à la plus forte hausse de l'inflation depuis 40 ans. Il faut regarder le point d'indice par rapport à l'inflation", souligne pour franceinfo Eric Heyer, économiste à l'OFCE. Or l'inflation atteint 5,8% sur un an, selon la dernière estimation provisoire de l'Insee. Pour les fonctionnaires, la revalorisation du point d'indice de 3,5% ne compense donc pas la hausse des prix. L'écart entre les deux reste de 2,3 points.

Mais une inflation rarement gommée

Mathieu Grégoire n'a donc pas tort d'affirmer que la perte de pouvoir d'achat s'annonce importante sur l'année pour les fonctionnaires, même si le record reste l'année 1986, avec 2,7 points d'écart entre le niveau du point d'indice et celui de l'inflation. Depuis le milieu des années 1980, la hausse du point d'indice n'a effacé qu'à neuf reprises l'inflation, toujours de moins d'un point et pour la dernière fois en 2016.

Dans la fonction publique, la rémunération ne dépend toutefois pas seulement du point d'indice. Elle est aussi fixée en fonction de l'échelon du fonctionnaire. Le gouvernement entend donc tabler sur les augmentations individuelles pour maintenir le pouvoir d'achat de ses agents. "L'augmentation du point d'indice de 3,5%, additionnée aux augmentations individuelles moyennes de 1,5% par an représente donc une progression moyenne de 5% de la rémunération des agents de la fonction publique", calcule Stanislas Guerini sur Twitter. Cependant, "si vous stagnez sur la grille, votre pouvoir d'achat va baisser", relève Eric Heyer.

Un empilement de mesures individuelles

Le gouvernement a aussi recours à des compensations individuelles. Dans son compte rendu de la Conférence salariale 2022 (PDF), le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques met ainsi en avant des mesures ciblées sur certaines catégories d'agents. Parmi celles-ci, la reconduction de la Garantie individuelle de pouvoir d'achat (Gipa), "une indemnité versée pour tous les agents dont le traitement indiciaire brut aurait évolué moins vite que l'indice des prix à la consommation, en cumul, sur une période de 4 ans".

"Avec les compensations individuelles (Gipa), les agents qui sont déjà sur la grille ne perdent pas de pouvoir d'achat. En revanche, pour les fonctionnaires qui passent le concours, il n'y a pas de compensation individuelle et la grille est de moins en moins attractive par rapport aux possibilités dans le privé", relève l'économiste à l'OFCE Guillaume Allègre. Le ministère annonce également des revalorisations de rémunération en début de carrière, une aide à la mobilité douce et une participation aux frais de restauration des agents publics. Selon le gouvernement, le dégel du point d'indice, combiné à ces mesures, devrait permettre de maintenir le pouvoir d'achat des agents de la fonction publique.

Un pouvoir d'achat grignoté au fil des années

La revalorisation du point d'indice à hauteur de 3,5% est en outre à relativiser au vu du gel maintenu sous le premier quinquennat d'Emmanuel Macron. La dernière revalorisation remonte à 2017, sous la présidence de François Hollande. Dans un communiqué du 28 juin, le syndicat Solidaire Fonction publique dénonce ainsi une augmentation insuffisante qui ne couvre ni l'inflation pour 2022, ni la perte de pouvoir d'achat cumulée depuis 2017.

Au fil des mandats présidentiels et des législatures, la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires a été de plus en plus faible. Elle a chuté à la fin de la présidence de François Mitterrand sous la cohabitation, stagné sous Jacques Chirac, puis chuté encore sous Nicolas Sarkozy et François Hollande.

Depuis le début des années 1990, le pouvoir d'achat des fonctionnaires a ainsi été grignoté par les fluctuations de l'inflation. "Jusqu'ici, le gouvernement se reposait sur une inflation faible, mais qui s'accumulait tous les ans, pour diminuer la grille de salaire de la fonction publique. Cela passait relativement inaperçu d'une année sur l'autre, explique Guillaume Allègre. Sur vingt ans, cela représente une perte de salaire importante. Le retour d'une très forte inflation oblige le gouvernement à augmenter le point d'indice."

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