On vous explique ce qu'est la "cheapflation", cette pratique critiquée qui consiste à modifier une recette pour faire baisser les coûts
Après la "shrinkflation", la "cheapflation". Six grandes marques des groupes Nestlé, Unilever et Mondelez sont dans le viseur de Foodwatch, qui milite pour plus de transparence dans le secteur agroalimentaire. After Eight, Bordeau Chesnel, Findus, Fleury Michon, Maille et Milka sont ainsi soupçonnées par l'ONG de réduire, supprimer ou substituer un ingrédient par un autre ingrédient moins cher et/ou de moins bonne qualité. Franceinfo vous explique en quoi consiste cette pratique, pointée du doigt pour son manque de transparence dans un contexte d'inflation, avec une hausse des prix de l'alimentation de 5,7% sur un an en janvier 2024.
En quoi consiste cette pratique ?
La "cheapflation" est un mot-valise, né de la contraction des mots anglais "cheap", qui signifie "bas de gamme" ou "bon marché", et inflation. Elle "qualifie la dégradation de la qualité nutritionnelle d'un produit, à savoir la valeur énergétique, la teneur en lipide, en protide, en vitamines ou organoleptique liée à l'aspect, au goût, à la saveur, et l'augmentation de son prix au litre ou au kg", décrypte Foodwatch.
Dans son étude, l'ONG prend comme exemple la marque Findus, qui, en avril 2023, a diminué la quantité de chair de poisson de 75% à 71% dans son colin d'Alaska à la bordelaise. En parallèle, le prix au kg du produit a augmenté de 47% en tenant compte de l'inflation. Autre exemple : la mayonnaise "fins gourmets" de Maille, dont la proportion de jaune d'œuf a baissé de 24,7% entre novembre 2023 et janvier 2024, rapporte Le Parisien.
"Avec la 'cheapflation', les consommateurs et consommatrices sont doublement perdants", s'indigne Audrey Morice, chargée de campagnes chez Foodwatch.
"Les gens achètent des produits qui sont moins bons et qu'ils payent plus chers."
Audrey Morice, chargée de campagnes pour Foodwatchà franceinfo
Ce procédé n'existe pas qu'en France. Aux Etats-Unis, une crème glacée est ainsi devenue "dessert glacé" car "on lui a retiré tellement de produits laitiers (...) qu'elle ne peut plus être légalement appelée crème glacée", explique John Plassard, auteur d'une étude sur le sujet publiée en avril 2022. "La 'cheapflation' est la dernière trouvaille des industriels pour maintenir leur marge et permettre à leurs clients de 'presque' pouvoir continuer à manger leurs produits préférés, malgré la hausse de l'inflation qui grève leur pouvoir d'achat."
Comment se défendent les marques ?
Les marques justifient leurs choix notamment par la hausse des coûts des matières premières sur fond de grippe aviaire, de manque de céréales et d'explosion des prix en raison de la guerre en Ukraine. Le groupe Unilever explique ainsi à Foodwatch qu'il a modifié sa recette de mayonnaise "compte tenu des tensions sur le marché des œufs liées notamment à l'épidémie de grippe aviaire". La marque Bordeau Chesnel invoque de son côté "des évolutions nécessaires dans un contexte de grippe aviaire" pour ses rillettes au poulet rôti en cocotte dont la viande de poulet a été réduite de 5,5%.
La multinationale américaine Mondelez a elle remplacé dans des cookies Milka de l'huile de tournesol par de l'huile de palme. Un changement de recette qu'elle justifie par "les défis liés à la volatilité de la chaîne d'approvisionnement et les enjeux d'inflation".
"Les changements de recettes sont quasiment imperceptibles. On a de moins en moins d'ingrédients nobles alors que les prix dans les rayons augmentent parfois jusqu'à près de 50%."
Audrey Morice, chargée de campagnes pour Foodwatchsur franceinfo
"Le problème, c'est qu'on a l'impression qu'on perd en qualité alors que le prix au kilo augmente dans les rayons", résume la responsable française de Footwatch.
Est-ce que c'est légal ?
La "shrinkflation" avait été qualifiée "d'arnaque" par Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie. La "cheapflation", elle, est critiquée pour son opacité. Pour Foodwatch, "il faut remettre de la transparence dans ce système alimentaire à la dérive".
"Ça suffit les magouilles des industriels. Eux voient leurs marges et leurs profits exploser. Mais c'est toujours les consommateurs et consommatrices qui, en bout de chaîne, trinquent."
Audrey Morice, chargée de campagnes pour Foodwatchà franceinfo
Mais cette pratique "n'est en rien illégale", commente Guillaume Forbin, avocat spécialisé en droit de la consommation chez Kramer Levin, interrogé par l'AFP. Elle peut toutefois "poser un problème d'image", dans le cas où "la liste d'ingrédients sur l'emballage a bien été changée", ajoute l'avocat qui rappelle que celui qui ne respecte pas le droit "très strict" de la consommation s'expose à "des amendes très élevées".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.