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L'affaire Bernard Arnault en six actes

Le patron de LVMH a demandé la double nationalité franco-belge, mais assure qu'il ne s'agit pas d'exil fiscal.

Article rédigé par franceinfo
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Bernard Arnault, patron du groupe de luxe LVMH, à Paris, le 4 février 2012. (ERIC PIERMONT / AFP)

EXIL FISCAL - Il a demandé la double nationalité franco-belge, mais assure qu'il ne s'agit pas d'exil fiscal. Si Bernard Arnault, l'homme le plus riche de France, espérait effectuer cette démarche "personnelle" en toute discrétion. C'est raté. La révélation de sa requête par La Libre Belgique, samedi 8 septembre, a déclenché un torrent de réactions politiques indignées. Et ce n'est pas fini.

Acte 1 : Bernard Arnault demande la double nationalité

C'est La Libre Belgique qui révèle la démarche du grand patron de LVMH. Le journal affirme, samedi 8 septembre, que le milliardaire a déposé une demande à la commission des naturalisations de la Chambre des représentants, l'une des deux chambres du Parlement belge. Le président de cette commission, Georges Dallemagne, interrogé par le quotidien, confirme que la requête a été reçue une semaine plus tôt. "Le dossier sera traité comme tous les autres, il y en a 47 000 sur notre table", affirme-t-il.

Le Code de la nationalité belge "prévoit qu'un candidat à la naturalisation doit avoir 18 ans accomplis, prouver trois ans de résidence en Belgique et, si ce n'est pas le cas, démontrer qu'il a des attaches véritables avec la Belgique". Le quotidien belge se permet d'émettre des doutes sur les motivations de Bernard Arnault. Elles sont en effet restées "confidentielles même si tout le monde les imagine fiscales".

Acte 2 : Bernard Arnault dément

Le jour même, le milliardaire confirme avoir "sollicité la double nationalité franco-belge", mais à seule fin de développer ses investissements personnels dans le pays. "Contrairement aux informations publiées ce jour, M. Bernard Arnault précise qu'il est et reste résident fiscal français", assurent ses services dans un communiqué. "L'obtention éventuelle de la double nationalité franco-belge ne change rien à cette situation, ni à sa détermination de poursuivre le développement du groupe LVMH et les créations d'emplois qui en sont la conséquence en France", souligne le texte.

Acte 3 : le résultat de "décisions stupides" de Hollande

Les critiques fusent. Premier à réagir, le PCF dénonce une "lâche trahison" du patron de LVMH et appelle à "mettre hors d'état de nuire les dirigeants irresponsables et cupides". Philippe Poutou évoque une "blague belge". Pour l'ancien candidat du NPA à la présidentielle, une seule solution, la confiscation : "Si Bernard Arnault prétend préserver ses profits en s'expatriant en Belgique, la sanction devrait être la confiscation de sa fortune, l'expropriation de ses sociétés. Qu'il parte s'il le veut, mais l'argent doit rester !"

Mais les attaques ne visent pas uniquement le capitaine d'industrie. François Hollande en prend pour son grade. "Quand on prend des décisions stupides, on arrive à ces résultats effrayants", s'agace le candidat à la présidence de l'UMP François Fillon, samedi. "Le patron de l'une des plus belles entreprises au monde (…), connue dans le monde entier, pourrait être amené à changer de nationalité en raison de la politique fiscale qui est menée dans notre pays", commente-t-il.

Entracte : "Si tu reviens, j'annule tout"

Sur Twitter, certains internautes rappellent avec humour que Bernard Arnault s'était déjà exilé aux Etats-Unis, après l'arrivée de François Mitterrand au pouvoir, en 1981.

 

D'autres ne manquent pas une occasion de plaisanter.

 

Acte 4 : Bernard Arnault dément encore une fois

Sous la pression des critiques, Bernard Arnault réaffirme dimanche qu'il ne s'agit pas d'exil fiscal. "Je suis et je resterai fiscalement domicilié en France et, à ce titre, je remplirai, comme tous les Français, l'ensemble de mes obligations fiscales", répète-t-il à l'AFP.

"Notre pays doit compter sur la contribution de chacun pour faire face à une crise économique profonde", souligne la première fortune de France et d'Europe et quatrième fortune mondiale. Il assure que sa "démarche personnelle engagée depuis plusieurs mois" en Belgique "ne doit faire l'objet d'aucune interprétation politique".

Acte 5 : un maire belge balance

L'homme d'affaires prépare en effet son départ depuis quelques mois, comme le confirme le bourgmestre d'Uccle, petite ville située au sud de Bruxelles. L'élu assure lundi à La Libre Belgique que Bernard Arnault était déjà "domicilié à Uccle" et a "payé le précompte immobilier" (équivalent de la taxe foncière).

A la RTBF, il affirme que le Français "a un ressentiment par rapport à une politique de son pays qu'il considère peu accueillante par rapport à l'entreprise et à l'esprit d'entreprise". Le grand patron français lui aurait aussi expliqué "que si certaines mesures fiscales étaient prises, cela aurait comme conséquence pour lui que les impôts qu'il paierait dépasseraient ses revenus".

Acte 6 : Bernard Arnault porte plainte, "Libé" lui répond

Lundi, le quotidien Libération s'empare de l'affaire et y consacre sa une. Présenté en photo avec une valise à la main, le patron de LVMH est écrasé par le titre "Casse-toi riche con !". Hissé en "symbole de l'égoïsme des plus fortunés", Bernard Arnault digère mal cette une et annonce dans un communiqué lundi après-midi qu'il porte plainte contre Libération pour "injures publiques proférées à son égard".

"Bernard Arnault n'a d'autre choix, compte tenu de l'extrême vulgarité et de la violence du titre du quotidien en date du 10 septembre 2012, que d'assigner le journal Libération en justice", souligne le texte, rappelant que le dirigeant a "précisé qu'il était et qu'il restait résident fiscal français".

Une de Libération le lundi 10 septembre 2012. (DR)
 

Mardi 11 septembre, le quotidien s'adresse encore une fois à l'homme le plus riche de France, avec le titre "Bernard, si tu reviens, on annule tout !". Un titre qui fait allusion à un texto qu'aurait envoyé Nicolas Sarkozy à son ex-femme Cécila, comme le rapportait en 2008 L'Express.

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