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"CumEx Files" : ce que l'on sait du "pillage fiscal à 140 milliards d’euros" révélé par plusieurs médias

Le non-paiement de taxes sur les dividendes a fait perdre 33 milliards d'euros de recettes fiscales à la France en vingt ans, selon l'enquête d'un collectif d'investigation révélée par "Le Monde".

Article rédigé par franceinfo
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Le ministère des Finances à Paris dans le 12e arrondissement, photographié le 14 octobre 2021. (SERGE ATTAL / AFP)

Des montants faramineux. Ces vingt dernières années, 140 milliards d'euros auraient échappé au fisc d'une dizaine de pays européens, dont 33 milliards uniquement pour la France, selon Le Monde (article abonnés) du jeudi 21 octobre. En cause : un mécanisme d'optimisation fiscale permettant à des investisseurs étrangers d'échapper à la taxe sur les dividendes. 

Cette méthode d'évasion fiscale avait déjà été mise en lumière en 2018 par 19 médias européens regroupés dans un collectif d'investigation baptisé "CumEx Files" (en anglais). Ce collectif avait révélé que plusieurs Etats de l'Union européenne, dont la France, l'Allemagne et le Danemark, avaient perdu quelque 55 milliards d'euros à cause d'un vaste montage financier impliquant des traders, des banques et des avocats.

Que faut-il retenir des dernières révélations publiées, où sont revues à la hausse les sommes soustraites aux caisses des Etats ?

Une fraude aux dividendes toujours en vigueur

Premier enseignement : malgré le scandale suscité par les révélations de 2018, des montages financiers sont toujours utilisés par "l'immense majorité des investisseurs étrangers dans les sociétés cotées françaises" pour "optimiser leurs dividendes", selon Le Monde. Le Parlement "avait pourtant voté une réforme censée mettre fin à ces pratiques à la frontière de la légalité", rappelle le journal, mais la majorité macroniste avait ensuite "affaibli le dispositif, en n'interdisant que les montages les plus simples". Il reste donc facile de le contourner.

En quoi consiste ce dispositif ? Comme l'avait expliqué franceinfo en 2018, la pratique du "CumCum" est une opération d'optimisation fiscale qui joue sur la différence de fiscalité entre investisseurs nationaux et étrangers. Les investisseurs étrangers sont taxés sur les dividendes qu'ils touchent sur les actions de groupes français cotés en Bourse. Pour alléger la facture ou pour échapper à l'impôt, ils revendent brièvement leurs titres à des banques françaises à l'approche du jour de versement des dividendes. Cela leur permet d'échapper à la ponction liée au versement de ces bénéfices.

Personne n'est donc taxé et les investisseurs récupèrent quelques jours plus tard leurs actions ainsi que les dividendes associés. Au passage, les banques se servent en prenant une commission. L'administration fiscale n'y voit que du feu et, en bout de chaîne, ce sont le fisc et les contribuables qui sont les grands perdants. 

Une perte de 140 milliards d'euros pour les Etats européens

Résultat : des sommes énormes ne sont pas versées aux impôts. Selon Le Monde, plus de 140 milliards d'euros ne seraient pas rentrés dans les caisses d'une dizaine d'Etats européens ces deux dernières décennies. La France est le pays le plus touché par cette évasion fiscale avec 33,3 milliards, affirme le quotidien. Une somme équivalente à celle débloquée par l'exécutif dans le cadre du plan de relance 2030. 

Parmi les pays champions de ce type d'optimisation fiscale viennent ensuite l'Allemagne, avec 28,5 milliards non versés au fisc, les Pays-Bas (27 milliards) et l'Espagne (18,8 milliards), selon Le Monde, qui s'appuie sur des données recueillies par Christoph Spengel, professeur de fiscalité internationale à l'université allemande de Mannheim. 

Quatre grandes banques françaises mises en cause

Soupçonnées d'aider leurs clients à se soustraire à la taxe sur les dividendes, quatre grandes banques françaises sont dans le viseur de l'administration fiscale : BNP Paribas, la Société générale, Natixis et le Crédit agricole, par l'entremise de sa filiale Cacib. Les banques "n'ont pas souhaité s'étendre sur le sujet", assure Le Monde, mais elles considèrent qu'elles respectent les règles d'optimisation fiscale en vigueur.

La revente et le rachat d'actions, même pour une durée brève, est en effet légale. En revanche, l'industrialisation de cette pratique pour échapper au fisc peut être sanctionnée. L'issue du bras de fer entre les banques et Bercy est donc incertaine. En 2018, BNP Paribas, Crédit agricole et Société générale figuraient déjà parmi les banques françaises épinglées par le collectif d'investigation "CumEx Files" pour ce type de pratiques. 

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