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Immobilier : les divorcés, de propriétaires à locataires

Pour illustrer le rapport des Français à l'immobilier, francetv info a demandé à des Français de témoigner. Elisabeth et Marie, passées de propriétaire à locataire après leur divorce, racontent leur expérience.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Les changements familiaux bouleversent l'accès à la propriété. De nombreux parents divorcés redeviennent locataires mais choisissent des appartements où ils peuvent accueillir leurs enfants. (PASCALE BOUDEVILLE / FRANCETV INFO)

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Se retrouver célibataire et locataire à la quarantaine : ce n'est pas le point de départ d'une comédie hollywoodienne, mais bien la réalité de certains Français. A respectivement 46 et 41 ans, Elisabeth et Marie sont passées de propriétaire à locataire après leur divorce. 

Pourquoi ce choix ? Parce que se loger est devenu trop cher et que les séparations, mais aussi les remariages et les familles recomposées, modifient les possibilités d'accéder à la propriété. "Entre la fin des années 1990 et mi-2008, les prix des logements anciens ont augmenté de façon ininterrompue", selon l'Insee. Pour illustrer ce phénomène, francetv info a demandé à des Français de raconter leur expérience dans l'immobilier.

1Elisabeth, ex-propriétaire, loue un studio à Paris

Il y a quinze ans, Elisabeth, 56 ans, sans enfant, fonctionnaire dans le service administratif d'une faculté de pharmacie, possédait un appartement de 85 m2 dans le 14e arrondissement de la capitale. Aujourd'hui, elle loue un studio de 27 m2 pour environ 700 euros par mois, dans le 17e arrondissement. Entre les deux, un divorce "terrible". Son pouvoir d'achat immobilier a "dégringolé" en dix ans.

Elisabeth aimerait racheter un appartement à Paris pour retrouver un certain confort. "Etre propriétaire donne une assurance au quotidien que l'on n'a pas quand on est locataire", estime-t-elle. Problème : elle n'a pas de moyens financiers suffisants pour acquérir un bien immobilier qui correspond à ses désirs. Mais elle refuse de s'apitoyer sur son sort. Aujourd'hui, son critère principal est "la qualité du logement" : "De ce point de vue-là, ça va. Certes, la cuisine est dans la pièce principale, mais mon logement n'est pas insalubre", détaille-t-elle.

2Marie, ex-propriétaire, loue un appartement à Nantes

Marie (le prénom a été changé), elle, habite à Nantes (Loire-Atlantique). Agée de 41 ans, mère de deux enfants de 11 et 13 ans, professeure d'anglais, elle s'est séparée de son mari en mai 2012. De ce fait, elle se retrouve locataire d'un appartement de 100 m2, qu'elle loue 890 euros par mois, alors qu'elle était propriétaire avec son ex-mari d'une maison de 90 m2 avec 200 m2 de jardin environ, acquise en septembre 2001.

"Je pense racheter un appartement un jour, mais je prends mon temps car je souhaite trouver quelque chose qui me plaît, et qui ne m'oblige pas à me priver de loisirs à côté. (...) Si je trouvais un loyer moins onéreux, je resterais peut-être locataire, car dans quelques années, mes enfants auront besoin de louer un appartement pour leurs études, et il faudra que je puisse le financer. L'argent que j'ai obtenu en vendant ma maison pourra y contribuer. Elle était peu chère à l'époque où nous l'avions achetée, j'ai donc fait une plus-value", explique Marie. Mais cette somme lui permet déjà d'assurer ses fins de mois. "Donc c'est à moi de bien gérer cet argent pour qu'il ne parte pas en fumée !" s'exclame-t-elle.

Que révèlent ces deux témoignages ?

Comme le montrent les expériences d'Elisabeth et Marie, les changements familiaux bouleversent l'accès à la propriété, surtout au sein des classes moyennes. D'après les auteurs d'une étude de l'université Paris-Dauphine (document PDF), la "classe moyenne inférieure" – composée de personnes seules qui gagnent moins de 1 800 euros net par mois et de couples sans enfants qui ont des revenus inférieurs à 2 700 euros –, "par [son] refus du HLM", "s'avère encore plus sensible que les classes populaires aux aléas de la vie, en l'occurrence l'instabilité professionnelle et familiale qui, avec l'insuffisance des ressources et la perte d'emploi, sont un motif de la perte de la propriété".

"Le phénomène est nouveau par son ampleur, indique aussi le résumé de l'étude (document PDF) de Paris-Dauphine. Il révèle un fait de taille : à savoir que la propriété n'est plus un aboutissement, ni même une garantie. C'est le signe que les classes moyennes peuvent désormais connaître des parcours résidentiels descendants." Ainsi, 39,2% de ménages de la classe moyenne inférieure ont changé de logement sous la contrainte, selon cette enquête. 

"Entre 40 et 49 ans, les ménages sont plus souvent locataires en 2010 qu'en 2005 (+ 5 points) et moins souvent accédants. Cette tranche d'âge est celle où la proportion de ménages d'une personne a le plus augmenté", relèvent les auteurs d'une étude de l'Insee sur les conditions de logement entre 2005 et 2010 (document PDF).

Ainsi, le nombre de divorces prononcés, passé de 114 000 en 2000 à près de 131 000 en 2010, avec un pic en 2005 à 152 000, selon l'Ined, modifie le rapport à la propriété. Certaines personnes cherchent ensuite un bien immobilier pour une famille recomposée, ou pour accueillir leurs enfants quand ils en ont la garde. "Il s'agit d'un logement où tout le monde a sa place, même quand il n'est pas là. Des logements grands, avec de nombreuses chambres, sont recherchés, par des ménages pourtant moins importants statistiquement parlant", commente Yankel Fijalkow, sociologue urbaniste rattaché au Centre de recherche sur l'habitat, interviewé par francetv info. C'est le cas de Marie, qui a pris soin de louer un T4 avec trois chambres : une pour elle et une pour chacun de ses enfants, qui vivent chez elle une semaine sur deux.

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