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Etre riche et vivre dans un logement social : où est le problème ?

Malgré des revenus élevés, trois candidats de droite aux municipales à Paris bénéficient de logements aidés. Rien, dans les textes, ne les oblige à les quitter.

Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Vue de Paris, en décembre 2001. (MEHDI FEDOUACH / AFP)

Il gagne plus de 6 000 euros par mois et vit encore dans un appartement HLM parisien. L'élu UMP du Conseil de Paris Jean-Jacques Giannesini a annoncé, mercredi 13 novembre, qu'il rendait son logement social, après que sa situation a été révélée par Le Lab d'Europe 1. Chef de file de son parti pour les municipales dans le 19e arrondissement, le candidat s'est résolu à abandonner son appartement de 80 mètres carrés de l'office HLM Paris-Habitat, payé 1 200 euros par mois, pour se mettre "en conformité avec la demande de Nathalie Kosciusko-Morizet", qui brigue la mairie de Paris.

En France, environ 4 millions de personnes vivent dans l'attente d'un logement social et 10 millions d'habitants résident dans un HLM. Parmi ces bénéficiaires, des populations pauvres et des membres de la classe moyenne. Mais aussi quelques milliers de ménages aisés, qui auraient les moyens de louer dans le secteur privé. C'était le cas de Jean-Jacques Giannesini, mais aussi celui du chef de file UMP dans le 11e arrondissement, Jack-Yves Bohbot, et de la conseillère UDI de Paris Edith Gallois, comme l'a rappelé francetv info.

Aucune obligation à quitter le parc social

"Même si c'est choquant, il est possible, réglementairement, de vivre dans un logement social avec des revenus élevés", explique à francetv info Jean-François Debat, maire PS de Bourg-en-Bresse. Nommé en début d'année par la ministre du Logement, Cécile Duflot, à la tête d'un comité de sages sur les conditions d'attribution des logements sociaux, il indique que "les revenus ne sont vérifiés que lors de l'entrée dans les lieux" et que s'applique ensuite un "droit au maintien dans les lieux".

D'où la situation de Jean-Jacques Giannesini, qui s'est défendu en indiquant que son logement lui avait été "attribué en 1990 alors [qu'il était] simple conseiller d'arrondissement sans rémunération et [qu'il sortait] d'une période de chômage".

Le "surloyer" et ses limites

Il existe un système pour inciter les plus riches à se tourner vers le parc privé. Le supplément de loyer de solidarité, surnommé "surloyer", est dû dès que les ressources du locataire se mettent à dépasser les plafonds d'au moins 20%. Son montant est d'autant plus élevé que le dépassement du plafond est important, mais la somme du loyer et du surloyer ne peut pas dépasser 25% des ressources du ménage. "Quatre pour cent des locataires HLM sont susceptibles de payer" le surloyer, selon l'Union sociale pour l'habitat (USH). Ce surloyer ne concerne pas les zones urbaines sensibles"pour maintenir une certaine mixité sociale" et éviter une ghettoïsation, selon Jean-François Debat. 

La mixité au sein du parc social est par ailleurs assurée par la diversité de logements proposée. Tandis que les célèbres HLM (habitations à loyer modéré) sont destinées aux catégories à revenus modestes, les ILM (immeubles à loyer moyen) et les ILN (immeubles à loyer normal) visent principalement les catégories moyennes, tout comme les logements dits intermédiaires, avec des loyers plus élevés.

"L'effet dissuasif du surloyer fonctionne presque partout, car il rend le privé plus intéressant pour les locataires aisés, estime Jean-François Debat. Malheureusement, dans une ville comme Paris, ce mécanisme ne suffit pas à réduire l'écart avec le privé et cela génère des effets d'aubaine qui entachent l'image du logement social." 

"Trouver des garde-fous"

Dès lors, comment éviter les abus ? La loi Boutin de 2009 a permis de transformer les baux des locataires qui dépassent le double des plafonds en baux de trois ans maximum - ce qui concerne 10 000 ménages, selon l'USH. Certains souhaitent aller plus loin, avec la remise en cause du droit au maintien dans les lieux, afin de libérer des logements et de les réaffecter. "Cela ne fait pas partie des pistes de travail, indique l'élu socialiste, car la France est attachée au maintien, dans ces lieux, de ménages modestes qui ne sont pas forcément précaires."

Le projet de loi ALUR, voté en première lecture à l'Assemblée nationale en septembre, n'apporte guère de réponse au problème. La difficile question de l'attribution des logements sociaux n'est abordée que par la mise en place d'un dossier unique de demande et un meilleur accès aux informations pour les demandeurs, selon Le Monde. Le gouvernement cherche avant tout à atteindre son objectif de construire, chaque année, 150 000 logements sociaux locatifs. "Nous n'y sommes pas", a regretté Jean-Marc Ayrault, en juillet, lors de la signature d'un pacte avec le mouvement HLM.

"Il faut toutefois trouver des garde-fous pour éviter l'indécence, affirme Jean-François Debat. Ces situations très marginales, liées à un manque d'éthique, ont un impact considérable sur la réputation du logement social." Déjà en 2009, Delphine Batho, Jean-Pierre Chevènement et Fadela Amara avaient reçu une lettre de la Régie immobilière de la ville de Paris, les invitant "par déontologie et exemplarité" à quitter leur logement. Les trois avaient refusé l'invitation.

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