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Grève du 5 décembre : tirs de LBD, grenades de désencerclement... Ils témoignent de leur peur d'aller manifester

Quelque 260 manifestations sont attendues dans toute la France jeudi, pour protester contre la réforme des retraites. Sur les réseaux sociaux, plusieurs internautes ont évoqué leur crainte de se mobiliser, par peur d'être blessés lors d'interventions des forces de l'ordre. 

Article rédigé par Valentine Pasquesoone
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Des personnes manifestent contre la réforme des retraites, le 5 décembre 2019 à Perpignan (Pyrénées-Orientales).  (RAYMOND ROIG / AFP)

Un dispositif particulièrement renforcé, face à une mobilisation qui s'annonce d'ampleur. Jeudi 5 décembre à Paris, pas moins de 6 000 gendarmes et policiers vont encadrer la manifestation contre la réforme des retraites, qui s'élance en début d'après-midi de la gare du Nord pour rejoindre la place de la Nation. Sur le trajet du cortège parisien, la préfecture de police a ordonné la fermeture de l'ensemble des commerces, se préparant à la présence d'"environ un millier de casseurs"

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Mais alors que les dispositifs des forces de l'ordre se renforcent pour les encadrer, des manifestants témoignent, sur les réseaux sociaux, de leur peur d'aller dans la rue. En cause : une escalade de la violence lors des précédentes manifestations, et la crainte d'être blessé lors d'interventions des forces de l'ordre. 

Pierre, l'auteur de l'un de ces messages, n'en est pas à sa première manifestation. Cet homme de 32 ans, habitant à Toulouse (Haute-Garonne), s'est déjà mobilisé à plusieurs reprises, en 2006 et 2009, contre des réformes de l'université. Il y a un an, il a participé à la manifestation #NousToutes contre les violences faites aux femmes. Mais pour la première fois, "je vais manifester avec la peur, confie-t-il. J'ai peur d'aller manifester car la police est dangereuse. Elle crée un climat de violence et des situations qui rendent les manifestations dangereuses", affirme le trentenaire. 

Je suis en fauteuil roulant électrique. J'ai peur des mouvements de foule créés par des charges de CRS, et d'un tir de LBD. Etant plus bas, même s'ils ne visent pas la tête, je pourrais me le prendre dans le visage.

Pierre

à franceinfo

Comme Pierre à Toulouse, Sarah Massoud, secrétaire nationale du syndicat de la magistrature, se rendra dans le cortège à Paris jeudi après-midi. Mais "de plus en plus, la question d'aller manifester se pose, concède-t-elle. Au vu des nombreuses atteintes à l'intégrité physique, des personnes qui ont perdu leurs yeux, leurs mains... Forcément, on y pense." Auprès de Mediapart, la magistrate a confié "avoir presque peur d'aller manifester" jeudi. "Parce que j'ai peur de qui ? J'ai peur des policiers", a-t-elle déclaré. 

Sarah Massoud, qui se remémore avoir déjà quitté une manifestation à cause de l'usage de bombes lacrymogènes, craint comme nombre d'autres les tirs de LBD et grenades de désencerclement, mais également "la multiplication des nasses", cette technique des forces de l'ordre visant à encercler et bloquer les manifestants. La politique de maintien de l'ordre n'est plus "une philosophie de protection des manifestants", déplore la syndicaliste. "Moi, ça ne me dissuade pas d'aller manifester, mais pour ceux qui n'ont pas d'activité militante ou syndicale, qu'en est-il ?" 

"La police fait peur"

Depuis peu, ces risques de dérives policières ont conduit Laurent*, écrivain et philosophe consultant, à ne plus se rendre à certaines manifestations. Ce dernier se rendra dans le cortège parisien, mais avec "la boule au ventre", confie-t-il sur Twitter.

"L'intégrité physique, la sécurité sont devenues les préoccupations principales pour aller en manifestation", regrette auprès de franceinfo le jeune homme de 28 ans. Il se souvient d'un épisode particulièrement marquant lors d'une manifestation au printemps. "Une grenade de désencerclement a éclaté en l'air à deux mètres de moi", relate Laurent. "J'ai pu me retourner assez vite", mais le manifestant a ensuite vu deux jeunes "matraqués à la tête par la police". Des dérives, selon lui, désormais "systématiques" au cours des manifestations.

J'ai vu des personnes qui leur donnaient des premiers secours. Ils souffraient de coups dans le cou, d'ouvertures au niveau des sourcils et du crâne.

Laurent

à franceinfo

Si l'écrivain compte encore manifester, d'autres, tels Lorelei, préfèrent éviter la mobilisation de jeudi. Cette mère de 34 ans, vivant à Poitiers (Vienne), ne peut faire grève pour des raisons financières. Elle doit aussi garder sa fille, dont les enseignants font grève ce jeudi. Même sans cela, Lorelei n'y serait probablement pas allée. "La police fait peur. Si je me fais emmener, comment ça va se passer ensuite ?, s'interroge-t-elle. Ils [les policiers] tirent dans le tas, ils foncent dans tout le monde. Je suis en surpoids, je ne pourrais pas courir et m'enfuir." 

Pourtant, cette trentenaire soutient le mouvement de grève qui débute jeudi. "Il est temps que l'on manifeste notre mécontentement et je trouve ça bien. C'est le moment de faire quelque chose, mais je ne suis pas très téméraire, confie Lorelei. Si je n'avais pas été bercée de témoignages de violences, j'y serais allée."

* Le prénom a été modifié à la demande de l'intéressé.

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