Tout comprendre à la bataille entre Free, Orange et BFMTV
Le groupe Altice, maison mère des chaînes BFMTV, RMC Découverte et RMC Story ainsi que de l'opérateur SFR, et son concurrent Iliad, maison mère de Free, tout comme l'opérateur Orange, n'ont pas réussi à trouver d'accord concernant la diffusion des trois chaînes sur les box internet.
"Cette chaîne devrait être disponible de nouveau ici prochainement" : le message s'affiche dans un carré blanc sur fond noir. Depuis jeudi 5 septembre, 9 heures, faute d'accord avec Altice, Orange a cessé de diffuser BFMTV, RMC Story et RMC Découverte sur ses Livebox, selon un un porte-parole du fournisseur d'accès à internet. Et depuis le mardi 27 août à minuit, les chaînes du groupe Altice ne sont plus disponibles directement sur les Freebox.
BFMTV a-t-elle totalement disparu des Freebox et des Livebox ?
Oui et non. Lorsqu'un abonné reçoit la télévision via sa box internet, le signal transite via la ligne téléphonique ou la fibre optique, selon qu'il s'agit d'un abonnement ADSL ou FttH, et non par l'antenne hertzienne, la célèbre antenne râteau. Depuis l'apparition des box au début des années 2000, plus de la moitié des foyers français qui regardent la télévision le font via ces boîtiers. C'est sur ce moyen de transmission que BFMTV, ainsi que ses petites sœurs RMC Découverte et RMC Story, ne sont plus disponibles pour les abonnés Free et Orange.
Cependant, ces derniers peuvent toujours recevoir ces chaînes s'ils le souhaitent, au prix d'une petite manipulation : brancher leur box sur leur prise d'antenne TV, ce qui leur permet de recevoir l'ensemble des chaînes gratuites françaises via la TNT, la télévision numérique terrestre. Les box sont en effet équipées d'un décodeur TNT. Il faudra également relancer une recherche de chaînes sur le téléviseur, pour recalibrer les bonnes fréquences. Free détaille cette procédure sur un bandeau remplaçant les chaînes concernées.
Que demande le groupe Altice ?
Depuis 2016, les groupes télévisuels tentent de se faire rémunérer pour la diffusion de leurs chaînes via les box des fournisseurs d'accès internet. Car ils estiment que ces derniers font de leurs offres "triple play" (combinant internet, téléphone et télévision) un argument commercial pour attirer les abonnés. Pour Alain Weill, PDG d'Altice France et fondateur de BFMTV, la question de fond est celle du financement des chaînes de télévision classiques, bousculé par les nouveaux modes de consommation et en premier lieu l'arrivée des plateformes de streaming de type Netflix ou Amazon Prime.
Début août, le tribunal de grande instance a considéré que "Free n'a pas le droit de diffuser sans autorisation" les trois chaînes sur ses réseaux et a ordonné à l'opérateur télécom de "cesser cette diffusion, sous astreinte de 100 000 euros par jour de retard et par chaîne à compter du 27 août". La coupure était donc attendue, d'autant plus qu'elle avait été autorisée cet été par le Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Que répondent Illiad et Orange ?
Les opérateurs téléphoniques estiment, pour leur part, qu'il n'y a pas de raison de payer pour des chaînes gratuites et pour lesquelles les groupes télévisuels ne payent pas l'usage des fréquences, à la différence des opérateurs télécoms pour le mobile. Le groupe TF1 a essuyé les plâtres, ferraillant avec les opérateurs et en particulier Orange, avant de finalement signer avec l'opérateur historique puis Bouygues Telecom (filiale du groupe Bouygues, comme TF1), SFR (filiale d'Altice) et Free (groupe Iliad) ainsi que Canal+, également concerné. M6 a fait de même dans la foulée.
Pour Iliad, s'il est acceptable de payer pour les services à valeur ajoutée, la rémunération de chaînes normalement gratuites est plus difficile à accepter. Par ailleurs, la maison mère de Free souhaiterait conditionner le versement de la rémunération à la qualité de ces services, qu'il estime pour l'heure insuffisante. L'option "replay", en particulier, semble moins pertinente pour une chaîne d'information en continu comme BFMTV que pour des émissions de divertissement.
Même son de cloche du côté de chez Orange. "Nous considérons qu'il y a un équilibre entre les éditeurs de chaînes et les opérateurs que nous sommes : en transportant gratuitement les chaînes, nous leur assurions une audience, sans demander de rémunération en retour", a ainsi expliqué Stéphane Richard, jeudi matin. Le PDG d'Orange rappelle par exemple que l'accord de diffusion signé avec les groupes TF1 et M6 concerne les "services associés". "Je ne veux pas préjuger des négociations à venir que nous aurons avec Altice mais pour l'heure, [ces services associés] il n'y en a pas", a ajouté Stéphane Richard. "La question n'est pas celle du montant du chèque, nous paierons s'il y a un service supplémentaire apporté au consommateur, pas dans le cas contraire", a-t-il insisté.
Combien de temps cette bataille peut-elle durer ?
Les groupes vont certainement se reparler rapidement, car l'interruption des chaînes d'Altice sur la Freebox a des conséquences sur les audiences. Surtout pour BFMTV, d'habitude leader des chaînes d'information en continu.
#Audiences chaînes info mercredi 28/08
— Pierre Dezeraud (@PierreDzrd) August 29, 2019
BFMTV passe sous les 2% (1,9%)
LCI (0,9%)
CNews (0,8%)
franceinfo (0,6%)
"On peut imaginer que l'audience de BFMTV va mécaniquement baisser", a concédé Alain Weill, PDG d'Altice France, invité à réagir mardi sur franceinfo au conflit qui oppose son groupe à Free. "En pleine rentrée, alors que LCI, CNews et Franceinfo ont musclé leur grille, BFMTV ne résistera pas six mois", parie Le Parisien.
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