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Un journaliste de "Cash Investigation" répond à vos questions sur l'enquête sur les "Panama Papers"

Benoît Bringer, journaliste pour l'émission de France 2, a répondu aux questions des internautes de francetv info.

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Cash Investigation, le Casse du Siècle. (Cash Investigation)

Cent neuf rédactions de 76 pays qui travaillent ensemble, et pendant des mois, sur 11,5 millions de fichiers : l'enquête du Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ), qui a révélé le contenu des "Panama Papers", dimanche 3 avril, est d'une ampleur peu commune. Une équipe de "Cash Investigation", l'émission de France 2, a été impliquée dès le départ dans le travail de l'ICIJ. Le résultat : une enquête diffusée mardi.

> Regardez l'émission de "Cash Investigation" consacrée aux "Panama Papers"

Dans notre live, les lecteurs de francetv info ont adressé de nombreuses questions aux auteurs du documentaire, les journalistes Edouard Perrin et Benoît Bringer. Ce dernier y a répondu.

Anonyme : Comment les documents ont-ils été récupérés, par les journalistes allemands puis par “Cash Investigation” ?

Benoît Bringer : C’est une source anonyme qui, par le biais d’échanges sécurisés, a contacté Bastian Obermayer et Frederick Obermaier, journalistes à la cellule investigation de la Süddeutsche Zeitung, un grand quotidien allemand. Cette source leur a proposé de leur remettre les documents gracieusement. Elle a expliqué vouloir agir ainsi pour mettre fin à ces "crimes".

Face à l’immensité de la tâche et au nombre des documents, la Süddeutsche Zeitung a décidé de contacter l'ICIJ. Edouard Perrin, journaliste à l’agence Premières Lignes qui produit "Cash Investigation" pour France 2, est membre du consortium. C’est comme ça que nous sommes entrés dans la boucle.

Anonyme : Comment un groupe de journalistes du monde entier, aussi nombreux, a-t-il réussi à garder le silence sur cette affaire ? Y a-t-il eu des fuites ?

À ma connaissance, il n’y a eu aucune fuite. Nous avons été extrêmement vigilants. La sécurisation de nos échanges était une préoccupation constante. Nous avons échangé via un forum sécurisé par un mot de passe qui se renouvelle toutes les 30 secondes. Les documents, eux, étaient accessibles grâce à un moteur de recherche sécurisé. En tapant un nom dans la barre de recherche, on pouvait voir s'il apparaissait dans les documents.

Mais ce n’est pas parce qu’une personne apparaît dans les documents qu’elle a forcément une société offshore et quelque chose à cacher. Il a donc fallu enquêter, rencontrer des sources, recouper les informations. Un travail de fourmi mené dans le secret pendant de long mois. Nous en disions le moins possible à nos interlocuteurs, ce qui n’était pas évident. Dans nos entourages, très peu de personnes ont été mises dans la confidence. C’était le moyen le plus sûr de garder l’opération secrète.

Anonyme : C'est à vous journalistes de révéler et donner à l'Etat tous les noms des fraudeurs : pourquoi France 2 ne donne-t-il pas toutes les infos au fisc ?

Notre travail consiste à révéler des informations d’intérêt public. Nous ne sommes pas des auxiliaires de justice. Cela serait un dangereux mélange des genres qui brouillerait la confiance avec nos sources et le public. Par ailleurs, des services fiscaux de plusieurs pays ont acquis au moins une partie de ces données, et ce, sans l’aide de journalistes.

Anonyme : Savez-vous s’il y a eu des pressions pour que l’émission ne soit pas diffusée ?

France Télévisions nous a laissé une liberté totale dans notre enquête. Une telle liberté à la télévision est assez rare pour être soulignée. Par contre, les avocats ou communicants de certains chefs d’entreprise présents dans les "Panama Papers" se sont montrés quelque peu menaçants lorsque nous les avons sollicités. Voici un exemple de ce que nous sommes amenés à recevoir en réponse à nos questions : "Nous ne saurions accepter que des affirmations fausses et mensongères puissent être assénées telles des vérités au public de l’émission. Le cas échéant, l’ensemble des sociétés et/ou personnes citées ne manqueront pas d’user de l’ensemble de leurs droits afin que la vérité soit établie."

Lionel : Mis à part un Etat et quelques multinationales américaines, aucun citoyen américain n'a été mis en cause par "Cash Investigation". Pour quelle raison ? Ils ne trichent pas au pays de l'oncle Sam ?

Il y a dans les "Panama Papers" de nombreux éléments dérangeants à propos du Delaware, du Nevada et du Wyoming, qui abritent des sociétés-écrans. Nous avons d’ailleurs consacré une partie de l’émission au Delaware. Il y a aussi dans les "Panama Papers" des citoyens américains. Nous n’avons pas enquêté sur cet aspect, car nous nous sommes intéressés au système dans son ensemble et aux liens avec la France.

Mais je souhaite apporter quelques éléments de réponse. La législation anti-fraude fiscale et anti-blanchiment est très sévère aux États-Unis. Les documents montrent d’ailleurs que Mossack Fonseca est très vigilant vis-à-vis des citoyens américains, par peur d’enquêtes judiciaires et de sanctions. Autre élément : les prélèvements obligatoires sont moins élevés aux États-unis. Enfin, les documents ne concernent qu’un cabinet dans un paradis fiscal.

Il ne serait pas possible d’expurger les ressortissants d'un pays de 11 millions et demi de documents. Je rappelle que les "Panama Papers" ne sont pas une simple liste, mais des mails, des scans, des tableaux Excel, des documents légaux…

Anonyme : Pourquoi les Etats-Unis, ou au moins le Delaware, ne sont-ils pas sur la liste des paradis fiscaux ?

Sans doute parce qu’il serait très compliqué diplomatiquement de mettre un État américain sur une liste de paradis fiscaux. Notamment compte tenu de leur puissance économique.

Mtrb : Savez-vous comment contacter Stéphanie Gibaud, invitée à la fin de l'émission, qui a perdu son emploi à cause de son rôle de lanceuse d'alerte ? J'aimerais lui venir en aide.

Pour ceux qui se demandent comment soutenir Stéphanie Gibaud, je pense que le mieux est de lui poser la question sur son compte Twitter. Une cagnotte pour financer un fonds de soutien à la lanceuse d'alerte a également été lancée, ainsi qu'une pétition demandant qu'elle soit décorée de la légion d'honneur.

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