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"Jusqu'à 10°C dans les classes" : face à la flambée des prix de l'énergie, les communes peinent à chauffer les écoles

Article rédigé par Rachel Rodrigues
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Un préfabriqué à l'école maternelle Tolbiac, dans le 13e arrondissement de Paris, le 19 février 2019.  (ARTHUR NICHOLAS ORCHARD / HANS LUCAS / AFP)

Depuis plusieurs semaines, de nombreux enseignants et parents d'élèves se plaignent des températures dans les classes. A l'origine de ce retard à l'allumage, l'explosion des prix de l'énergie pour les mairies.

Il y a quelques jours encore, écharpes et gants étaient indispensables pour les élèves de l'école élémentaire du Bois Bohy d'Evreux (Eure). Pas seulement dans la cour, mais jusque dans les salles de classe. "En arrivant avec ma fille un matin de cette semaine, l'enseignant m'a prévenue qu'il faisait 12°C, raconte Marie*, mère d'une élève de CE2, mercredi 23 novembre. Exceptionnellement, les enseignants ont laissé les enfants garder leurs écharpes et leurs gants en classe." Dans l'école de sa fille, le chauffage vient à peine d'être correctement réglé.

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Elle n'est pas la seule. Partout en France, de nombreuses écoles ont constaté le même retard. A Limeil-Brévannes (Val-de-Marne), il a fallu attendre le 28 novembre pour que tous les établissements scolaires soient correctement chauffés, après plusieurs semaines de plaintes répétées des parents. "Les enfants ne peuvent pas apprendre dans de telles conditions", dénonce Eric Labastie, président de la FCPE. Si le problème du chauffage se pose chaque année dans de nombreux établissements vétustes, la crise énergétique complique la donne. Plusieurs mairies interrogées par franceinfo affirment devoir économiser pour tenir leur budget et faire face à l'explosion des factures.

"Les enfants doivent s'habituer à ces conditions"

Dès le début du mois d'octobre, la colère est montée dans les écoles de Limeil-Brévannes. Les températures estivales avaient commencé à laisser place à la fraîcheur de l'automne. Mais dans les salles de classe de plusieurs écoles, élémentaires comme maternelles, les radiateurs restaient froids. "Des parents ont fait des relevés de température, on était à 10-12°C", assure Audrey Gouffé, vice-présidente de l'association locale de parents GIPE.

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L'association décide alors de rédiger une pétition pour exiger l'allumage du chauffage dans les classes. Malgré des relances, la demande reste lettre morte. "La mairie nous a dit qu'étant donné la situation, les enfants devaient s'habituer à travailler dans ces conditions", assure Audrey Gouffé.

A Limeil-Brévannes, les élèves de petite section, qui ont classe dans des préfabriqués mal isolés, grelottent. "Lorsque les températures baissent, les préfabriqués sont les premiers touchés", illustre Diana, mère d'un enfant de 4 ans dans une école de la ville. Elle explique avoir à plusieurs reprises contacté les services de la mairie, qui lui ont répondu que les classes se réchauffaient souvent à la mi-journée. Un argument "irrecevable" pour ce type de bâtiments "mal isolés", objecte la mère.

"On ne peut pas laisser les enfants faire la sieste sans chauffage."

Audrey Gouffé, parent d'élève et vice-présidente de l'association GIPE

à franceinfo

Impuissants, les instituteurs conseillent aux parents de "bien couvrir" leurs enfants, et de "multiplier les couches" de vêtements. Dans l'école du fils de Diana, le personnel prévient les parents des faibles températures en classe à l'aide d'affiches accrochées à la grille. Le lendemain, la mère décide de retirer son fils de classe, pour éviter qu'il tombe malade. "10°C pour un élève de 4 ans, je trouvais ça inadmissible, déplore-t-elle. Cela faisait deux jours que mon fils se plaignait d'avoir froid à l'école, je me suis sentie idiote de ne pas l'avoir cru."

Couvertures et chauffages d'appoint

Des solutions ponctuelles sont proposées pour pallier le froid. Limeil-Brévannes fournit des couvertures aux établissements dès la mi-octobre, puis des chauffages électriques d'appoint pour les préfabriqués. "Certains chauffages ne fonctionnaient déjà plus au retour des vacances de la Toussaint", selon Audrey Gouffé.

Comme à Limeil-Brévannes, d'autres écoles ont dû s'armer de patience. A Limoges, les enfants ont également fait l'expérience de faibles températures dans les salles de classes, lors de la rentrée des vacances de la Toussaint. A Evreux, c'est presque "de force" que le chauffage est finalement activé dans les écoles maternelles, le jour où des parents bloquent des établissements, le 27 septembre, comme le rappelle Paris-Normandie. Mais dans plusieurs écoles élémentaires d'Evreux, il faut attendre plusieurs semaines après le retour de vacances scolaires. La mairie leur avait pourtant donné la date du 15 octobre pour l'allumage du chauffage.

Interrogée par franceinfo, la municipalité d'Evreux justifie ce report par la nécessité de réduire ses dépenses énergétiques dans le cadre d'un plan de sobriété adopté à l'automne. Parmi une trentaine de pistes retenues pour limiter les dépenses figure l'ajustement du chauffage des bâtiments publics. Cela implique d'allumer le chauffage au cas par cas, "en tenant compte des besoins de chaque école, selon les températures extérieures et les conditions météo", précise la mairie.

Des factures énergétiques qui explosent

Dans un contexte de flambée des prix de l'énergie, de nombreuses municipalités se retrouvent dans l'incapacité d'absorber les dépenses face à des factures énergétiques qui explosent. La mairie de Limeil-Brévannes évalue à 3,7 millions d'euros le surcoût lié à la hausse des prix de l'énergie.

"Le coût du chauffage tel qu'il est annoncé va mettre l'ensemble des communes de France face à un mur."

Julien Laudet-Haddad, directeur de cabinet à la mairie de Limeil-Brévannes

à franceinfo

Outre l'explosion des factures énergétiques, des problèmes techniques plus ponctuels surviennent dans certains établissements vétustes. De manière générale, "de nombreux établissements représentent des gouffres de dépenses énergétiques", affirme Eric Labastie.

A long terme, le directeur de cabinet de la mairie de Limeil-Brévannes ignore si la commune parviendra à maintenir tous les services publics, malgré la fermeture ponctuelle déjà entamée de plusieurs bâtiments administratifs. La Première ministre, Elisabeth Borne, a présenté fin octobre un bouclier tarifaire destiné aux collectivités territoriales, comprenant notamment un "amortisseur "électricité" qui vise à prendre en charge une partie des factures. Mais à l'heure actuelle, les municipalités contactées par franceinfo n'en ont toujours pas vu la couleur.

*Le prénom a été modifié à la demande de l'intéressé(e)

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