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Infographies Crise de l'énergie : les centrales nucléaires françaises vont-elles redémarrer à temps pour l'hiver ?

A l'approche de l'hiver, le contre-la-montre est lancé. Le redémarrage de certains réacteurs a été reporté, mais les températures clémentes et la baisse de consommation d'électricité pourraient dans un premier temps réduire les risques de coupures.

Article rédigé par Brice Le Borgne
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
La centrale de Civaux (Vienne), à l'arrêt en raison de réparations, le 11 novembre 2022. (JEAN-FRANCOIS FORT / HANS LUCAS)

L'hiver arrive, les températures commencent à baisser, mais le nucléaire tourne toujours au ralenti. La crise énergétique française, dont les premiers symptômes se sont fait sentir l'été dernier, entre dans le vif du sujet. Redémarrage de réacteurs reporté, prévisions d'EDF revues à la baisse... Plusieurs indicateurs renforcent les craintes pour la saison à venir, même si elles sont nuancées par des prévisions météorologiques rassurantes.

Le nucléaire en sous-régime

Ces dernières semaines, comme pour l'ensemble de l'année 2022, le nucléaire bat des records de faiblesse. Depuis l'été dernier, la production d'électricité via le nucléaire, réputé être un fleuron national, s'est en permanence située en dessous de celle des années précédentes (entre 2015 et 2021). D'après les données de production d'électricité publiées par RTE, la production nucléaire nous apporte à peine 30 gigawatts (GW), soit un peu moins de la moitié des 61,4 GW que pourraient fournir, au maximum, l'ensemble des réacteurs français. L'atome tourne à 48% de ses capacités maximales, contre 70% en moyenne lors des sept années précédentes.

Cette contre-performance est en partie liée aux températures : le mois d'octobre a été le plus chaud jamais mesuré en France, réduisant les besoins en énergie, pour le chauffage notamment, et donc la production. Mais elle est aussi due à l'état du parc nucléaire français, dont une bonne partie des réacteurs est à l'arrêt.

Depuis plusieurs mois, plusieurs réacteurs sont paralysés par des visites décennales, obligatoires pour prolonger la vie du parc nucléaire. D'autres sont arrêtés pour des raisons de maintenance, notamment après la découverte par EDF de problèmes de corrosion sous contrainte dans des zones très sensibles de plusieurs réacteurs.

Des prévisions régulièrement revues à la baisse

Côté prévisions, le planning des redémarrages ne cesse de changer. Le 3 novembre, EDF a annoncé la prolongation de l'arrêt de quatre réacteurs, touchés par des contrôles et réparations pour corrosion sous contrainte. Parmi eux, un réacteur de la centrale de Cattenom (Moselle), dont la réouverture prévue par EDF a été retoquée par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). D'après l'électricien français, le planning des redémarrages a aussi été affecté par les mouvements sociaux survenus en octobre, dans six des 18 centrales que compte l'Hexagone.

Résultat, les prévisions du nombre de réacteurs disponibles ont plusieurs fois été revues à la baisse. Comme le montre le graphique ci-dessous, réalisé à partir du planning des indisponibilités du parc nucléaire, EDF espérait début juillet que 39 réacteurs soient en service au 21 novembre. Les prévisions ont ensuite été revues plusieurs fois à la baisse. D'après le planning prévisionnel du 16 novembre, l'électricien en prévoit finalement neuf de plus à l'arrêt, soit seulement 30 disponibles.

EDF est donc engagé dans une course contre la montre, et cette dernière semaine de novembre sera décisive. Le 7 novembre, l'entreprise a annoncé qu'elle comptait disposer de 42 réacteurs en décembre et de 46 en janvier. Si l'on s'en tient aux dernières prévisions, ces chiffres pourraient être tout juste atteints. Mais au regard des nombreux aléas survenus ces derniers mois, la promesse semble fragile. Pour s'y tenir, EDF a tout de même mobilisé une centaine de soudeurs canadiens et américains pour renforcer les équipes.

Quoi qu'il en soit, 2022 sera une année noire pour le nucléaire français, en termes de production. En début d'année, EDF prévoyait une production allant de 300 à 330 térawatt-heure (TWh) générés grâce à l'atome pour 2022. Mais après trois révisions à la baisse, dont la dernière date du 3 novembre, ces prévisions ont dégringolé : 275 et 285 TWh pour l'année. Un niveau jamais atteint sur ces trente dernières années.

Des températures clémentes et une consommation réduite

Faut-il alors craindre des coupures cet hiver ? Pour le mois de décembre, RTE se veut rassurant. Si EDF remet en service les réacteurs manquants pour atteindre les 42 promis pour décembre, "on sera dans le haut de nos prévisions", assure RTE. Une manière de dire que ses modèles, qui jusque-là ne se sont pas trompés, prennent déjà en compte de potentiels imprévus supplémentaires.

D'après les toutes dernières prévisions, publiées vendredi (PDF), la situation est "moyennement risquée" pour début décembre, "du fait des prévisions météorologiques et plus généralement du niveau de la consommation". Les températures supérieures à la normale, qui ont notamment pour effet de réduire les besoins en chauffage, devraient dans un premier temps compenser la baisse de production nucléaire, d'après le gestionnaire.

Une analyse rassurante pour le début de l'hiver que partage Nicolas Goldberg, spécialiste énergie chez Colombus Consulting. "Pour la dernière quinzaine de décembre, la consommation d'électricité chute du fait de la moindre production industrielle à cette période. Cela aurait été plus compliqué si les températures avaient été deux ou trois degrés en dessous des normales", appuie l'expert, qui n'est donc pas inquiet pour décembre.

Pour janvier, c'est une autre affaire. "Au cœur de l'hiver, les baisses de consommation anticipées, notamment dans le secteur industriel, ne sont pas de nature à compenser la baisse prévisible de la production nucléaire", prévient RTE. Le gestionnaire a revu ses prévisions, estimant que le nucléaire pourrait ne fournir qu'entre 40 et 45 GW début janvier, bien en deçà des 50 à 60 GW généralement disponibles à cette période. Le risque de recours au signal rouge d'Ecowatt est donc "élevé", mais dépendra des conditions climatiques. RTE donne rendez-vous à la mi-décembre pour une nouvelle mise à jour de ses prévisions.

Pour éviter les coupures, RTE compte par ailleurs sur les stocks de gaz, remplis à 99%. Ces derniers jours, cette ressource nous a permis de produire entre 10 et 15% de notre électricité, d'après des données publiées quotidiennement par RTE. Autre variable qui rassure le gestionnaire du réseau : les stocks d'énergie hydraulique. Après un été particulièrement sec, le niveau des lacs est revenu à un niveau proche de la moyenne 2015-2021.

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