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À quoi correspond exactement la Cour de justice de la République devant laquelle est renvoyé Eric Dupond-Moretti ?

Le garde des Sceaux est soupçonné de prise illégale d'intérêts. La Cour de justice de la République, seule instance qui peut juger les ministres en exercice, a ordonné un procès contre lui. 

Article rédigé par franceinfo - Mathilde Bouquerel
Radio France
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Temps de lecture : 2 min
La plaque d'entrée de la Cour de justice de la République à Paris.  (THOMAS SAMSON / AFP)

Il y aura un procès pour le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, déjà mis en examen pour des soupçons de prise illégale d'intérêts. La Cour de justice de la République a ordonné son renvoi devant cette juridiction. Il lui est reproché d'avoir diligenté des enquêtes administratives quand il était ministre contre des magistrats avec lesquels il a été en conflit auparavant, lorsqu'il il était avocat. Comment fonctionne exactement cette juridiction ?

La seule juridiction pouvant juger les ministres en exercice

La Cour de justice de la République (CJR) est la seule qui peut juger les membres du gouvernement, qu'ils soient ministres, Premiers ministres ou secrétaires d'Etat, pour des crimes et délits qu'ils ont commis dans l'exercice de leurs fonctions. Elle est composée de douze parlementaires, six sénateurs et six députés, et trois magistrats professionnels, dont un qui préside la CJR. 

Pour la saisir, la première étape est de déposer une plainte auprès de la commission des requêtes. Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit commis par un membre du gouvernement peut le faire. Si la plainte est jugée recevable, elle est transmise à une deuxième commission, cette fois dite commission d'instruction. C'est elle qui va ensuite décider de prononcer un non-lieu ou un renvoi en procès. 

Initiée en 1993 après un scandale 

La Cour de justice de la République a été créée en 1993, après l'affaire du sang contaminé. Dans les années 1980, plusieurs milliers de poches de sang contaminé par le virus du Sida avaient été transfusées à des personnes atteintes d'hémophilie, sans prendre aucune précaution. Un scandale sanitaire, politique et financier qui avait conduit à la création de la CJR, devant laquelle le Premier ministre de l'époque Laurent Fabius a été jugé, aux côtés du ministre de la Santé Edmond Hervé et de la ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale Georgina Dufoix. À l'époque, la création de cette Cour devait répondre aux polémiques sur l'impunité des membres du gouvernement. 

Une institution critiquée

Aujourd'hui, la CJR est souvent la cible de critiques. D'abord, parce qu'elle instaure une sorte de justice d'exception. Pour les mêmes faits, un membre du gouvernement et un simple citoyen vont parfois être jugés différemment. C'est ce que dénonce notamment François Molins, le procureur général près la Cour de Cassation. 

La composition de la CJR est aussi critiquée. Elle est une institution mi-judiciaire, mi-politique, puisqu'elle est constituée à la fois de magistrats et de parlementaires. Ce sont donc des personnalités politiques qui en jugent d'autres. Enfin, la CJR est accusée de lenteur dans ses procédures et d'une trop grande clémence dans ses décisions. En 30 ans d'existence, elle n'a ainsi prononcé que quatre condamnations avec sursis, quatre relaxes et deux dispenses de peine. 

Cette cour est donc dans le viseur d'Emmanuel Macron, qui avait promis de la supprimer lors de son premier mandat. Cette suppression est aussi ce que préconise le rapport rendu par les États généraux de la justice en juillet 2022. Mais cette décision est difficile à appliquer, car une suppression de la CJR nécessite une modification de la Constitution, ce qui est un processus long et complexe. 

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