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Vente d'armes à l'Arabie saoudite : "Que la France arrête de se salir !" demande Human Rights Watch

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Article rédigé par franceinfo
Radio France

La directrice France de cette ONG demande que la France arrête ses livraisons d'armes à ce pays engagé dans une guerre contre le Yémen.

Des recours ont été déposés pour empêcher le chargement d'armes françaises à bord d'un cargo saoudien qui se trouve vendredi 10 mai au large du Havre. Emmanuel Macron a dit jeudi "assumer" la vente d'armes de fabrication française à l'Arabie saoudite, et assure avoir la garantie qu'elle ne sont pas utilisées contre des civils au Yémen. Bénédicte Jeannerod, directrice de Human Rights Watch France, n'est pas convaincue. Elle juge sur franceinfo qu'il faut "que la France arrête de se salir au nom d'intérêts économiques".

franceinfo : Emmanuel Macron assure que l'essentiel des armes livrées sont destinées à être utilisées à l'intérieur de l'Arabie saoudite ou à la frontière, mais pas dans le conflit au Yémen. Est-ce vrai ?

Bénédicte Jeannerod : Nous en doutons depuis longtemps. Les différentes ONG qui travaillent sur le sujet alertent le gouvernement français sur le risque que ces armes soient utilisées dans le conflit au Yémen. Depuis la révélation, en avril, d'une note de la direction du renseignement militaire qui montre l'engagement ou l'utilisation massive d'armes françaises dans le conflit au Yémen, que ce soit en Arabie saoudite, mais également sur le territoire yéménite et en mer, avec des corvettes qui contribueraient au blocus maritime. Je crois que les affirmations du gouvernement français posent réellement question, du fait qu'elles sont elles-mêmes informées de l'utilisation de leurs armes dans le conflit au Yémen.

Pour vous, faire le distinguo entre des frappes militaires et des frappes sur les civils n'a pas de sens, en temps de guerre ?

Ces armes sont engagées dans un conflit, entre les mains de la coalition qui est menée par l'Arabie saoudite et par les Emirats arabes unis, qui commettent depuis 2015 des violations massives du droit international humanitaire. Human Rights Watch a documenté des dizaines d'attaques illégales contre les civils, la majorité des civils morts dans ces attaques sont morts du fait des attaques de la coalition menée par l'Arabie saoudite. Le risque est donc immense que les armes utilisées dans le conflit au Yémen contribuent à ces violations. Continuer à déverser des armes à l'Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis malgré la connaissance des violations commises par ces deux pays revient à donner un feu vert à ces atrocités.

La position française est-elle aujourd'hui déterminée par des contrats commerciaux ? L'Arabie saoudite est le deuxième client de la France en matière d'armement…

Les intérêts économiques de la France sont, évidemment, extrêmement importants. La France est un important fournisseur de l'Arabie saoudite et l'Arabie saoudite est un très important client pour la France, au même titre, d'ailleurs, que les Emirats arabes unis, qui représentent aussi une grande partie des ventes de la France dans la région. Oui, les intérêts économiques priment aujourd'hui sur les principes et les obligations internationale de la France. Je rappelle que la France est tenue par ses obligations, elle est partie du traité sur le commerce des armes [adopté par l'Assemblée générale des Nations unies en 2013, ratifié par la France dès 2014], qui indique que, dès lors qu'il y a une possibilité que des armes soient utilisées dans des attaques contre les civils, il faut arrêter les exportations et les transferts. La France est aussi tenue par une position commune de l'Union européenne, qui est un texte juridique contraignant.

En 2015, François Hollande avait annulé la livraison des frégates Mistral à la Russie après l'annexion de la Crimée. Vous en appelez à ce genre de décision de la part d'Emmanuel Macron ?

Il y a des contrats qui ont été engagés avant que la France ait connaissance de ces violations. Mais le fait que ces transferts continuent à se faire maintenant, alors que l'on sait que ces armes peuvent servir ou alimenter des crimes de guerre, c'est cela qui pose problème. Le risque est immense que ces armes puissent servir à des crimes de guerre, et qu'elles alimentent une "sale guerre", d'ailleurs ce sont les mots employés par la secrétaire d'Etat [Geneviève Darrieussecq], donc il faut que la France arrête de se salir, arrête de déroger à ses principes au nom d'intérêts économiques dans la région.

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