Néonicotinoïdes : "Sans garantie, les agriculteurs ne sèmeront plus de betteraves l'année prochaine"
Le président de la Confédération générale des planteurs de betteraves, Franck Sander, craint un effondrement de la filière et attend des garanties de l'État sur le retour des néonocotinoïdes.
"Sans garantie, les agriculteurs ne sèmeront plus de betteraves l'année prochaine et donc sans agriculteur, plus d'usine", prévient le président de la Confédération générale des planteurs de betteraves Franck Sander mercredi 23 septembre sur franceinfo, alors qu'au même moment l'Assemblée nationale examine en commission la ré-autorisation des néonicotinoïdes.
franceinfo : Votre filière est-elle en danger aujourd'hui ?
Franck Sander : Ce qui est important pour nous, c'est vraiment la souveraineté alimentaire. La filière, c'est 25 000 agriculteurs, c'est 90 000 emplois directs et indirects sur nos territoires, dans nos communes, dans la ruralité. Le risque aujourd'hui, c'est une filière qui s'effondre comme un château de cartes parce que nous, les agriculteurs, dans certaines régions - et notamment les plus périphériques de Paris, donc le sud de Paris, le Loiret et la Seine-et-Marne - avons perdu entre 30% à 50%, voire 60% à 70% de notre récolte cette année. Sans garantie, les agriculteurs ne sèmeront plus de betteraves l'année prochaine et donc sans agriculteur, plus d'usine, sans usine, plus d'agriculteur. Ça veut dire que même si on mettait le système en pause une année, nous ne redémarrerions plus l'année prochaine. Donc, il nous faut absolument apporter des garanties aux agriculteurs.
Pensez-vous avoir le soutien du gouvernement quant au retour des néonicotinoïdes ?
L'Institut national de la recherche agronomique (Inrae) a écrit qu'il n'y avait aucune autre solution que l'enrobage de semences de cet insecticide. Le gouvernement a pris conscience que la filière était importante en termes de souveraineté alimentaire, mais aussi en termes de production par exemple de gel hydroalcoolique. Pourquoi nous n'avons pas eu de problème de disponibilité de gel ce printemps ? C'est bien parce que nos sucreries en ont produit. En parallèle, nous avons également mis en place un plan de prévention, c'est-à-dire que le risque, aujourd'hui, est limité au maximum.
Il faut savoir que la betterave n'est pas une culture mellifère, donc elle n'attire pas les abeilles.
Franck Sander, président de la Confédération générale des planteurs de betteravesà franceinfo
S'il devait y avoir des résidus de néonicotinoïdes dans nos champs l'année qui suivrait la culture de la betterave, nous nous engageons à ne pas semer de cultures mellifères. Ce n'est pas possible que l'insecticide se disperse parce que la graine est enrobée. Il y a 10 000 graines, il y a une graine tous les 15 cm. Donc, le produit ne peut pas se disperser. En revanche, il pourrait effectivement y avoir un résidu l'année suivante. Le produit se détériore à 50% au bout de 100 jours. Donc aujourd'hui, la filière s'engage à ce qu'il n'y ait pas plus qu'une fois de la betterave dans nos champs sur les trois ans à venir de dérogation et à limiter le risque - au cas où il y aurait encore des résidus l'année suivante - à ne pas semer de cultures qui attirerait les abeilles.
N'y a-t-il pas d'autres solutions ?
On nous parle d'agriculture biologique mais nos betteraves bio sont tout aussi jaunes que les betteraves non bio. Le bocage normand, en termes de biodiversité, c'est plutôt un paysage exceptionnel. Ça permet justement de stocker des prédateurs lorsqu'il y en a. Mais les betteraves fourragères dans ces régions-là sont tout aussi jaunes que dans nos champs de betteraves. Donc la solution aujourd'hui n'existe pas. C'est d'ailleurs pour ça que 14 pays sur les 19 qui produisent de la betterave au niveau européen continuent à utiliser la dérogation. Ce qui est important pour nous, c'est le plan de recherche qu'a mis en place le gouvernement, que va financer le gouvernement au-delà de ce que faisait déjà la filière. 7 millions d'euros vont être apportés à la recherche variétale, à la recherche agronomique, pour trouver des solutions et pour que la filière puisse passer ce cap des trois ans. Pour, après, être en capacité de lutter contre ce puceron qui est vecteur du virus de la jaunisse nanisante qui met à mal nos cultures.
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