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Élargissement de l'AOP camembert de Normandie : "Cela va profiter à nos producteurs"

"Tous les camemberts ne vont pas être pasteurisés", assure cependant sur franceinfo Didier Aubrée, président de l'Association des quatre fromages AOP de Normandie.

Article rédigé par franceinfo
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La nouvelle AOP "camembert de Normandie" fait débat (illustration). (CHRISTIAN WATIER / MAXPPP)

Les 577 députés français ont reçu, mercredi 13 mars, un camembert chacun dans leur boîte aux lettres à l'Assemblée nationale. Une opération conduite par le député Modem du Loiret, Richard Ramos, qui souhaitait alerter ses collègues de l'Assemblée nationale sur la nouvelle AOP. Elle devrait entrer en vigueur en 2021 et prévoit une révision du cahier des charges. Elle permettra d'élargir l'appellation au fromage pasteurisé et plus seulement au camembert au lait cru.

Selon Didier Aubrée, président de l'Association des quatre fromages AOP de Normandie, également directeur de la fromagerie Reaux dans la Manche invité de franceinfo mercredi, il faut élargir l'AOP du camembert au lait pasteurisé "pour faire une grande AOP à deux niveaux" et "pouvoir l'exporter aux États-Unis ou en Australie".

franceinfo : Qu'est-ce que vous attendez des députés ?

Didier Aubrée : On attend qu'ils aient une ouverture un peu plus large que le député Ramos. Car ce cahier des charges va profiter à nos producteurs laitiers et aux transformateurs pour faire une grande AOP à deux niveaux. Actuellement, le problème vient d'une usurpation utilisée par le camembert fabriqué "en Normandie", car le mot "Normandie" est utilisé par ce camembert-là sans cahier des charges. Or, nous, au lieu d'entrer en justice contre ces fabriquant-là, on souhaite agrandir l'AOP pour amener de la valeur ajoutée aux producteurs laitiers mais aussi aux transformateurs. Aujourd'hui, il faut qu'on puisse vendre du camembert AOP, comme on le fait pour le Pont-l'Évêque, le Neufchâtel et le Livarot, en produit pasteurisé, pour pouvoir l'exporter aux États-Unis, en Australie. Ça va aussi permettre aux fromageries de pouvoir transformer le lait qui n'est pas fromageable en lait cru, car les normes bactériologiques sont tellement sévères de nos jours, que l'on a un gros pourcentage de lait qui n'est pas fromageable en lait cru. Donc, cela permettra aux fromageries de faire toujours le camembert de Normandie actuel qui va devenir "véritable" [dans ce nouveau cahier des charges, ndlr] et qui va être bien meilleur que ce qu'on fait actuellement car on va augmenter le [pourcentage] de vaches normandes et augmenter l'herbe l'hiver. On va aussi arrêter d'utiliser des concentrés à base d'OGM. C'est une montée en gamme pour le camembert de Normandie actuel [sans AOP] qui va devenir le "véritable" avec un étiquetage bien distinctif, ce qui va permettre d'arrêter, dans le même temps, la confusion actuelle avec les camemberts déjà en AOP.

Que répondez-vous aux opposants inquiets d'une progressive disparition du camembert traditionnel ?

Les opposants ne sont pas si nombreux que ça. Ils font le buzz pour vendre du papier [leur pétition l'année dernière avait recueilli 27 000 signatures], mais leur explication est beaucoup trop vague. Tous les camemberts ne vont pas être pasteurisés ! Le haut de gamme reste entièrement au lait cru. Les consommateurs pourront faire la différence car on est en train de faire un cahier des charges avec l'étiquetage inclus, pour que dans rayons, le consommateur voit lequel est véritable et lequel est pasteurisé. Les étiquetages vont être beaucoup plus lisibles qu'actuellement.

Le camembert traditionnel ne représente que 6 000 tonnes de fromage produit par an contre 60 000 tonnes pour le fromage industriel, soit 10%. C'est peu, non ?

C'est quand même la plus grande AOP de Normandie. On vend plus de camembert AOP que de Livarot, Pont-l'Évêque ou de Neufchâtel. Donc ce n'est pas peu, c'est dommage de dire cela. C'est le camembert fabriqué "en Normandie" qui a une importance puisqu'on peut le vendre partout, sans aucun problème sanitaire. La pression sanitaire pour le fromage au lait cru est très importante : ça a été une année catastrophique pour le reblochon en 2018, donc on a aussi cette pression des deux côtés. Il faut se mettre à notre place. Les fromages au lait cru sont quelquefois contaminés, mais ce sont des contaminations tellement basses qu'avec les analyses que l'on fait nous, on ne peut pas les retrouver. Mais maintenant, les magasins font tous des analyses. Au bout d'un moment, quand vous cherchez, vous tombez sur un camembert défectueux parmi 10 000 ou 100 000.

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