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On vous explique ce que contient le projet d'accord de libre-échange entre l'UE et le Mercosur, qui rend furieux les agriculteurs

Pour obtenir un compromis, le Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay) a fait de larges concessions sur l'industrie, et l'Union européenne sur l'agriculture. Pour entrer en vigueur, le texte devra encore être ratifié par chaque Etat de l'Union européenne. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des vaches de race montbéliarde dans un pâturage de Censeau (Jura), le 3 juin 2019. (PHILIPPE ROY / AFP)

"Un moment historique", s'émerveille le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. "Un mensonge, une tromperie pour les consommateurs", s'indigne la FNSEA, le premier syndicat d'agriculteurs français. Vendredi 28 juin, l'Union européenne et les pays sud-américains rassemblés dans le marché commun du Mercosur ont annoncé avoir conclu un projet d'accord commercial, au terme de près de vingt ans de négociations. Que contient ce texte ? Pourquoi suscite-t-il l'ire des agriculteurs et des écologistes européens ? Franceinfo vous explique. 

C'est quoi le Mercosur ? 

Créé en 1991, le Mercosur est l'abréviation de Mercado común del Sur (marché commun du Sud en français). Il s'agit d'une communauté économique qui regroupe quatre membres fondateurs : l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay. D'autres pays sont considérés comme "associés" : le Chili, la Colombie, l'Equateur et le Pérou. 

Ce marché fonctionne sur le même principe que l'Union européenne, mais l'intégration des pays est différente. Le Mercosur prévoit la libre circulation des biens, des services et des personnes entre ses Etats membres, mais n'a pas de monnaie commune. C'est surtout "l'une des régions les plus compétitives au monde pour la viande bovine", détaillait Le Monde en 2017.

En quoi consiste l'accord signé samedi ?

Ce vaste accord de libre-échange, comme le Tafta avec les Etats-Unis et le Ceta avec le Canada, prévoit d'accroître les échanges entre le Mercosur et l'Union européenne. Il devrait concerner 780 millions de consommateurs. Les quatre principaux pays ont ainsi accepté d'ouvrir grand leurs portes à l'industrie européenne, notamment ses voitures, ses produits chimiques et pharmaceutiques. Concrètement, l'accord éliminera, à terme, 91% des droits de douane imposés par ces pays sud-américains sur les produits européens. En échange, l'Union européenne supprimera 92% des taxes actuellement appliquées sur les biens sud-américains qui arrivent sur son sol.

Seront ainsi supprimés les droits de douane sur les voitures européennes (droits qui s'élèvent à 35%), les pièces détachées (14% à 18%), les équipements industriels (14% à 20%), la chimie (jusqu'à 18%), l'habillement (jusqu'à 35%) ou les produits pharmaceutiques (jusqu'à 14%). Autre avancée jugée décisive pour l'UE : les pays du Mercosur vont ouvrir pour la première fois leurs marchés publics aux entreprises européennes.

En contrepartie, l'UE a accepté de faire de lourdes concessions dans le secteur agricole. Elle va faciliter l'accès à son marché à quatre pays désireux d'écouler sucre, éthanol, volailles et bœuf. Le Mercosur va notamment pouvoir exporter vers l'Europe quelque 99 000 tonnes de viande bovine au taux préférentiel de 7,5%, ainsi qu'un quota supplémentaire de 180 000 tonnes pour le sucre et un autre de 100 000 tonnes pour les volailles.

Pourquoi les agriculteurs européens sont-ils mécontents ?

Les agriculteurs européens considèrent qu'ils sont les grands sacrifiés de cet accord et qu'ils devront faire face à une concurrence déloyale. Principal syndicat agricole dans l'UE, la Copa Cogeca fustige "une politique commerciale à deux poids et deux mesures", qui élargit "le fossé entre ce qui est demandé aux agriculteurs européens et ce qui est toléré des producteurs du Mercosur", dont les normes sanitaires et environnementales ne sont pas les mêmes qu'en Europe.

Christiane Lambert, patronne de la FNSEA, le premier syndicat français, dénonce "un coup dur pour l'agriculture" et "un mensonge, une tromperie" pour les consommateurs, affirmant que "74% des produits phytosanitaires utilisés au Brésil sont interdits en Europe"

Les Jeunes agriculteurs lui ont emboîté le pas : sur franceinfo, le vice-président du syndicat Baptiste Gatouillat dénonce "une concurrence déloyale" qui va amener des produits "avec un coût de main d'œuvre bien moindre et avec une fiscalité avantageuse". Déjà touchés par la guerre des prix dans la distribution, les 85 000 éleveurs français de vaches allaitantes sont particulièrement inquiets des tonnes de viande bovine latino-américaine bientôt exemptées de droits de douane. Lourdement dépendants des subventions européennes, ils craignent de ne pas pouvoir concurrencer les "usines à viande" du Mercosur. Cet éleveur de bovins, interrogé par France 3, s'inquiète ainsi pour la "rentabilité de nos élevages"

Le mécontentement ne s'exprime pas qu'en France. "Alerte sur la sécurité à table", clame aussi la Coldiretti, principale organisation d'agriculteurs en Italie, qui évoque "de graves risques alimentaires" dans certains pays du Mercosur. En Allemagne, le patron du Deutscher Bauernverband, premier syndicat agricole du pays, juge que cet "accord totalement déséquilibré" mettra en péril "beaucoup d'exploitations agricoles familiales". Même colère de la part du ministre de l'Agriculture irlandais, Michael Creed, qui se dit "très déçu" de l'"important contingent tarifaire" sur le bœuf, à un moment où le secteur "est confronté à une grande incertitude". 

Pourquoi les écologistes le dénoncent-ils également ?

Les agriculteurs ne sont pas les seuls inquiets. Globalement, élus et associations écologistes voient dans cet accord une attaque contre l'environnement et les droits humains, notamment de la part du Brésil, un des plus gros pays du Mercosur. "Honte à la Commission de pactiser avec [le président brésilien] Jair Bolsonaro, qui s'en prend aux démocrates, aux LGBT et aux femmes, à l'Amazonie et a homologué 239 pesticides depuis janvier", a ainsi tweeté vendredi soir l'eurodéputé EELV Yannick Jadot.

La colère a saisi des élus jusque dans le camp présidentiel. Elu député européen sur la liste LREM, l'ancien Vert Pascal Durand parle ainsi d'"un jour funeste". 

Avant même la signature de l'accord, Greenpeace dénonçait les effets du texte sur la déforestation au Brésil. Dans une lettre ouverte datée du 21 juin et signée par 340 ONG européennes et sud-américaines, l'association écologiste dénonçait la politique menée par le président Bolsonaro, qui ouvre "la voie à ce que de puissantes entreprises agroalimentaires de bétail et de soja accélèrent leur progression au cœur de l'Amazonie, la plus grande forêt tropicale mondiale, et au cœur du Cerrado, la savane la plus riche en biodiversité de la planète"Elle appelait l'Union européenne, en tant que "deuxième partenaire commercial du Brésil", à "user de son influence pour soutenir la société civile, les droits humains et l'environnement".

Est-il définitivement adopté ?

Non, pas encore. Pour entrer en vigueur, le texte devra être ratifié par chaque Etat de l'Union européenne. Dans ce contexte tendu, l'approbation du compromis par les 28 Etats membres, puis par le Parlement européen, semble donc très incertaine. S'il est ratifié, cet accord commercial deviendra l'un des plus importants du monde, avec un quart du PIB mondial concerné.

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