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Tafta : six questions pas si bêtes que vous n'osez pas poser sur le traité transatlantique

Tafta, TTIP, poulet au chlore, bœuf aux hormones, tribunaux d'arbitrage... Vous en avez bien entendu parler, mais vous avez perdu le fil du traité transatlantique. Francetv info vole à votre secours, et reprend depuis le début.

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des manifestants protestent contre le traité transatlantique, le 18 avril 2015, place de la République à Paris. (CITIZENSIDE / ERIC COQUELIN / AFP)

Décidément ! Vous en aviez déjà entendu parler il y a plusieurs mois, et voilà que le sujet revient sur la table. Mardi 3 mai, vous avez d'abord entendu aux informations François Hollande déclarer qu'"à ce stade", la France disait "non" au Tafta. Et le soir, votre beau-frère, Jean-Louis, a profité du repas pour vous asticoter, au moment de servir le poulet, sur ce fameux traité transatlantique auquel vous n'avez franchement rien compris. Rassurez-vous : vous n'êtes pas le seul. La technicité du projet et l'opacité autour des négociations rendent le sujet aussi clair qu'un discours de Jean-Claude Van Damme. Alors si vous avez perdu le fil, francetv info vous aide à vous y retrouver.

En clair, c'est quoi ce Tafta ?

Le Tafta, aussi appelé "traité transatlantique", est un projet de zone de libre-échange, que les Etats-Unis et les pays membres de l'Union européenne négocient depuis 2013. En clair, il s'agit de libéraliser le commerce entre ces deux grands blocs économiques, afin de créer un vaste marché commun. Pour atteindre cet objectif, le traité cherche à abaisser les droits de douane, et à rapprocher les réglementations afin de simplifier les échanges entre les deux rives de l'Atlantique.

Pourquoi parle-t-on à la fois de Tafta, de traité transatlantique, ou de TTIP ?

Il existe différentes appellations pour un seul et même projet. Le nom officiel, choisi par les promoteurs du texte, reste le sigle TTIP pour "Transatlantic Trade and Investment Partnership" (partenariat transatlantique de commerce et d'investissement).

Les détracteurs du projet, eux, préfèrent utiliser le sigle Tafta, pour "Transatlantic Free Trade Agreement" (accord de libre-échange transatlantique). Un nom qui rappelle Acta, un accord commercial anticontrefaçon rejeté par le Parlement européen sous la pression des Verts et de l'opinion publique.

Concrètement, il apporterait quoi ce traité ?

En libéralisant les échanges des deux côtés de l'Atlantique, les promoteurs du projet espèrent développer les échanges commerciaux et favoriser la croissance. La Commission européenne s'appuie sur une étude économique pour évoquer des créations d'emplois et un gain potentiel pour l'économie européenne de 119 milliards d’euros d’ici 2027 (soit 0,9% de croissance supplémentaire par rapport au PIB 2013 de l'UE).

En réalité, les enjeux de l'accord sont ailleurs, comme l'explique notre blogueur économiste Alexandre Delaigue. Il s'agit plutôt de marginaliser l'Organisation mondiale du commerce et d'imposer le poids des deux grandes puissances face aux autres partenaires, tels que la Chine. En gros, cette alliance pourrait permettre à l'Europe et aux Etats-Unis d'imposer à terme leurs règles au reste du monde.

Que vient faire cette histoire de poulet au chlore là-dedans ?

Les opposants au Tafta craignent que le rapprochement des règles entre l'UE et les Etats-Unis ne se traduise par un nivellement par le bas des normes européennes. Un abaissement qui est symbolisé par le poulet américain rincé au chlore. Derrière cette image, il y a la peur de voir une réglementation européenne – plus exigeante au niveau de l'environnement et de la santé – céder du terrain devant les règles américaines. En allant jusqu'au bout du raisonnement, la France pourrait par exemple être obligée, à terme, d'autoriser les OGM ou l'exploitation des gaz de schiste au nom du libre-échange.

Si je ne me trompe pas, Greenpeace a fait des révélations... Mais il s'agit de quoi au juste ?

Vous ne vous trompez pas, non. L'ONG Greenpeace a publié un document de 248 pages qui lève le voile sur les coulisses des négociations entre les deux parties. La lecture de ces lignes inabouties et provisoires n'est pas de nature à rassurer les opposants au traité. Les textes montrent que "sur des questions essentielles comme le principe de précaution ou la protection des investissements, l'UE a déjà cédé d'avance", estime l'ONG Foodwatch.

Les Américains semblent camper sur leurs positions, ajoute Le Monde, qui donne en exemple la coopération réglementaire dans les services financiers ou les restrictions d’exportation sur le gaz naturel. Par ailleurs, les négociateurs n'ont pour l'instant pas trouvé de terrain d'entente sur l'épineuse question des tribunaux privés.

Il faut néanmoins savoir que ces documents révélés par Greenpeace sont antérieurs au treizième round des négociations, qui s'est tenu la semaine dernière à New York. Une source diplomatique européenne précise qu'ils sont "vieux" et qu'ils ne prennent pas en compte certaines "évolutions importantes". La Commission européenne et les négociateurs européens ont également tenté de minimiser la portée de ces révélations en évoquant des interprétations "trompeuses".

Quelles sont les prochaines étapes ?

Officiellement, les négociations continuent, mais les révélations de Greenpeace ont mis du plomb dans l'aile du traité transatlantique. "A ce stade" des négociations, "la France dit non" car "nous ne sommes pas pour le libre-échange sans règle", a prévenu François Hollande. Berlin est également monté au créneau, prédisant un "échec" des négociations si les Etats-Unis ne faisaient pas plus de concessions. 

Barack Obama espérait boucler les discussions d'ici à la fin de l'année, et avant la fin de son mandat. Une issue qui semble aujourd'hui de plus en plus incertaine.

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