Crise des éleveurs : trois graphiques pour comprendre le prix d'un kilo de viande
Le prix d'achat de la viande aux éleveurs a diminué en 2014. Une baisse jugée insupportable par les agriculteurs. Francetv info s'est penché sur les marges réalisées par les intermédiaires du secteur.
La viande reste un produit apprécié des Français. Ils en consomment à peu près 32 kilos chaque année et par personne. Mais, une fois dans les rayons des supermarchés, il n'est pas simple de deviner ce qui se cache derrière les étiquettes.
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Comment savoir qui touche l'argent dépensé pour une côtelette de porc qui finira dans notre assiette ? Les agriculteurs dénoncent l'opacité des prix fixés par les autres acteurs de la filière. Parmi ceux pointés du doigt : la grande distribution ou encore les abattoirs. Les producteurs agricoles jugent les prix de la viande de bœuf et de porc trop faibles pour assurer la survie de leur exploitation. Lundi 20 juillet, ils manifestent un peu partout en France et ont notamment organisé le blocus de Caen, pour alerter les pouvoirs publics.
Francetv info détaille la composition des prix de la viande, histoire d'y voir plus clair au moment de faire les courses.
1Le prix de la viande a augmenté
Ce n'est pas une suprise, la viande est un produit de plus en plus onéreux. Son prix a fortement augmenté entre 1992 et 2014. La hausse est particulièrement marquée pour la viande de bœuf. En 1992, il fallait débourser en moyenne 23,59 euros pour déguster un kilo de filet de bœuf. Le même morceau coûtait 38,66 euros en 2014, soit une augmentation de 63,9%. De son côté, l'escalope de veau a vu son prix progresser de 52,4% en vingt ans. La viande de porc se vend à des prix plus raisonnables dans les commerces. Mais son prix est tout de même passé de 8,27 euros à 10,56 euros (+27,32%) sur la même période, comme le montre le graphique ci-dessous.
La viande a tendance à être boudée par les Français depuis une dizaine d'années. On observe "un net déclin après 2010, alors que les prix à la consommation de la viande bovine ont augmenté de manière importante depuis 1990", explique un document de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes publié en janvier 2014 (lien PDF).
2Les marges de la grande distribution ont progressé
Les éleveurs dénoncent des prix de vente qui sont plus bas que les coûts de production. Une situation qui renforce la crise dans laquelle est plongée la filière. Les revenus des exploitants agricoles sont par conséquent en nette baisse depuis 2012. Les professionnels du secteur estiment que les marges appliquées par les autres acteurs de la filière sont inadaptées. La grande distribution ou encore les abattoirs sont régulièrement accusés d'être responsables de ce déséquilibre.
Créé en 2010, l'Observatoire de la formation des prix et des marges, qui dépend de France Agrimer, est en charge d'analyser les prix des produits alimentaires. Francetv info s'est plongé dans les données concernant la viande de porc et de bœuf. Voici les enseignements que l'on peut en tirer.
Pour le porc, par exemple, on voit que la marge des abattoirs se situait en 2011 à 8,6% du prix total pour une longe de porc. Si cette marge a baissé en 2012 (7,4%), elle est remontée en 2013 (7,5%) et a atteint 9,15% en 2014. La marge de la grande distribution a régulièrement augmenté sur la même période, passant de 47,5% du prix en 2011 à 49,3% du prix d'un kilo de viande en 2014.
Sur la même période, la part revenant aux agriculteurs est passée de 38,6% du prix final en 2001 à 36,3% en 2014. Même si, en valeur absolue, le prix payé aux éleveurs a légèrement augmenté, passant de 2,43 à 2,50 euros. Mais celui-ci a régressé entre 2013 et 2014 (-7,2%).
Pour la viande bovine, l'évolution du prix versé aux agriculteurs a suivi la même évolution. En 2011, le prix d'achat représentait 46% du prix final. Il a ensuite augmenté en 2012 (50,7%) et en 2013 (51,7%), puis a chuté en 2014 (47,3%).
Dans le même temps, la marge des abattoirs et industriels est passée de 22,5% du prix d'un kilo en 2011 à 20,89% en 2014. En revanche, celle des grandes et moyennes surfaces est passée de 26,3% en 2011 à 26,6% en 2014. Mais cette tendance est à relativiser, selon l'Observatoire, qui précise que cela ne comprend pas les besoins en personnel, etc. "Le rayon boucherie, bien qu’évidemment essentiel à la fréquentation des magasins et donc à leur bénéfice global, présente encore une marge nette négative." Un constat qui nuance le poids de la grande distribution dans la crise que traversent les agriculteurs.
Depuis le 17 juin, le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, a demandé à la grande distribution et aux intermédiaires d'augmenter le prix de la viande afin de dégager une marge plus importante pour les agriculteurs. Les différentes parties étaient tombées d'accord pour que le prix d'achat augmente de 5 centimes par semaine. Mais, d'après le ministre, ceux-ci n'auraient pris que 7 centimes en un mois. La bataille est rude pour fixer les responsabilités de chacun des intermédiaires. "Il est difficile de savoir qui a raison et qui a tort. L'analyse de cette crise est complexe", prévient France Agrimer.
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