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Les proches aidants effectuent un travail de l'ombre peu reconnu : "On n'a pas le droit de lâcher prise"

Selon un rapport de l'OCIRP et de l'Institut Viavoice dévoilé mercredi, il y a aujourd'hui 8 à 11 millions de proches aidants en France. Leur quotidien s'avère souvent difficile.

Article rédigé par franceinfo - Luc Chemla
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Une mère et son fils (image d'illustration). (CHANINTORN VANICHSAWANGPHAN / EY / EYEEM VIA GETTY IMAGES)

Agnès, 49 ans, mène d'une certaine manière une double vie. "C'est comme si j'avais deux métiers : celui de greffière et celui de maman aidante." Aidante de Julien, son fils de 14 ans, atteint d'autisme sévère et du syndrome de l'X fragile, une maladie génétique responsable d'un déficit intellectuel. L'adolescent ne parle pas, il communique principalement en poussant des cris mais aussi un peu grâce à des pictogrammes et le langage des signes.

>> INFO FRANCEINFO. Seul un quart des aidants déclarent leur situation à leur employeur

Il passe la journée dans un établissement spécialisé puis rentre à la maison le soir. Agnès, célibataire, travaille à temps partiel pour s'occuper de lui. "Il faut tout programmer à l'avance, détaille-t-elle. Il faut que je parte à une certaine heure de mon travail pour être à l'heure à l'arrivée de l'ambulance." Et ensuite, c'est le parcours du combattant jusqu'au coucher. "Je l'aide dans le changement de sa couche, je le guide au niveau de l'habillage, de la toilette, de la douche", explique cette mère.

"C'est du non-stop, je ne sais même pas ce que c'est qu'un loisir. On n'a pas franchement de vie sociale, on met aussi sa santé de côté."

Agnès, proche aidante

à franceinfo

Et il faut essayer de ne pas craquer. "Il y a des jours où ça peut être plus compliqué que d'autres, où on a envie de baisser les bras, confie Agnès. Mais après très vite, on se rend compte qu'on a notre enfant qui compte sur nous et qu'on n'a pas le droit de lâcher prise."

C'est justement pour cette raison que tout au long de l'année, l'association nationale des aidants organise des "Cafés des Aidants". Un moment d'échange avec des professionnels, dont un psychologue, pour souffler un peu, avoir des conseils et parler de leurs expériences communes. Selon le rapport de l'OCIRP, un acteur de la protection sociale, et de l'institut Viavoice rendu public mercredi 6 octobre, à l'occasion de la journée nationale des aidants, 61% des aidants travaillent. D'après l'Insee, ces salariés proches aidants représentent 15% de la population active. En 2030, ce sera même un actif sur quatre.

"On nous met l'étiquette d'aidant proche, mais ça s'arrête là"

Pour lui donner un coup de main, Agnès peut compter sur son deuxième enfant, sa fille Pauline, une collégienne de 13 ans. "Je fais mes devoirs d'abord, puis ensuite je m'occupe de Julien", explique la jeune fille. "C'est comme une seconde maman", renchérit Agnès. Pauline consacre une heure et demie par jour à aider sa mère. Selon Agnès, la famille ne reçoit pas d'argent pour son rôle d'aidant. "On nous met l'étiquette d'aidant proche, mais ça s'arrête là, après il n'y a rien."

Pourtant, il existe des aides spéciales comme le "congé proche aidant" et une allocation journalière "proche aidant", mais elles ne sont pas cumulables avec l'allocation pour enfant handicapé et elles s'obtiennent selon des conditions strictes : tous les aidants ne peuvent donc pas en bénéficier. Aujourd'hui, Agnès touche uniquement l'allocation pour enfant handicapé, soit un peu plus de 600 euros, mais ce n'est pas suffisant. "Julien fait de l'équithérapie. Une séance coûte 45 euros, ajoute Agnès. Il est suivi par une éducatrice spécialisée, c'est 50 euros la semaine. Tout ça n'est pas pris en charge par la Sécurité Sociale."

L'avenir est flou mais la mère se dit prête à quitter son travail si besoin pour s'occuper à plein temps de Julien.

Le reportage de Luc Chemla à écouter ici

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