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"À part aller de la chambre à la cuisine, je ne me déplace pas" : des salariés épuisés après un an de télétravail

Fatigue, manque de liens sociaux, e-mails à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit : certains Français n'en peuvent plus du travail à distance.

Article rédigé par Mathilde Imberty - édité par Cyrille Ardaud
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Une salariée en plein télétravail chez elle. Photo d'illustration. (VALERY HACHE / AFP)

"Avant le Covid-19, on se déplaçait chez les clients et je faisais des formations en présentiel. J'avais pour habitude d'aller à la salle de sport entre midi et deux. Ce sont des choses que je ne peux même plus faire maintenant." Tiphaine accuse le coup. Depuis quelques mois, le moral n'est pas au plus haut. Cette consultante en informatique de 26 ans télétravaille à 100% depuis près d'un an.

Et ce n'est pas près de s'arranger, pour Tiphaine comme pour tous les autres travailleurs contraints à ces nouvelles modalités professionnelles : vendredi 29 janvier, le Premier ministre Jean Castex a annoncé un renforcement du recours effectif au télétravail.

"Je travaille, et quand je m'arrête, je reste chez moi"

Pour de nombreux Français, la situation commence à peser. Difficultés à se déconnecter, des relations humaines qui manquent, un besoin de changer de cadre, des contraintes que Tiphaine connaît bien. "Je suis tout le temps dans ma chambre, confie-t-elle. Là, avec le couvre-feu à 18 heures, je travaille, et quand je m'arrête, je reste chez moi, je ne fais rien d'autre."

Le manque d'activité physique et de relationnel pèse aussi sur Anne, cadre dans une collectivité : "Mon espace de travail, c'est la chambre de ma fille de 10 ans. À part aller de la chambre jusqu'à la cuisine pour me faire un thé, je ne me déplace pas. C'est assez limité." 

Des journées plus intenses, une disponibilité permanente

Car c'est cela la réalité du télétravail. Pour seules fenêtres, celles sur l'écran d'ordinateur, et des réunions à distance en guise de relations sociales. "Je passe 70% de mon temps en réunions virtuelles, explique Anne, ça ne remplace pas les échanges humains où on rencontre vraiment des gens. Au téléphone, on fait la réunion, on traite le problème technique et on raccroche. On a appris la naissance de l'enfant d'une collègue par WhatsApp, c'est très dématérialisé, très abstrait."

Si le télétravail pourrait être une promesse de moins de fatigue, il n'en est en fait rien. Ces travailleurs constatent que les journées sont devenues plus intenses, comme si une disponibilité permanente s'imposait. Olivier est cadre à la Caisse des Dépôts et Consignations : "Tout le monde travaille un peu n'importe quand. Et effectivement, on reçoit des mails la nuit et le week-end, alors qu'auparavant, on se l'interdisait."

"Un SMS pour le travail le soir, avant, c'était des choses qui arrivaient vraiment très peu. Maintenant, c'est devenu complètement normal. Il n'y a plus vraiment d'étanchéité entre le monde privé et le monde professionnel."

Olivier, télétravailleur

D'après une enquête de l'Union des cadres CGT, le droit à la déconnexion n'existe quasiment pas. Et 40% des encadrants déplorent une charge de travail plus lourde. Mais il faut pourtant endurer, et sans date de fin, se désole Anne : "On n'a pas le choix. Il faut rester solidaire. Mais jusqu'à quand ? Ça commence vraiment à faire long."

Des salariés fatigués du télétravail : reportage à Lyon de Mathilde Imberty

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