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Faut-il paniquer lorsque les centrales nucléaires sont appelées à la grève ?

La CGT a lancé un appel à la grève reconductible, et des arrêts de travail ont été votés jeudi dans 16 des 19 centrales nucléaires françaises.

Article rédigé par franceinfo
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Un syndicaliste avec des lunettes portant le logo CGT manifeste devant la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine (Aube), le 26 mai 2016. (FRANCOIS NASCIMBENI / AFP)

Les opposants à la loi Travail ne désarment pas. La CGT a lancé un appel à la grève reconductible dans le secteur de l'énergie, tandis que la CFE-CGC-Energies et l'Unsa-Energie se sont jointes à la mobilisation. Des arrêts de travail ont été votés, jeudi 2 juin, dans 16 des 19 centrales nucléaires françaises. La France va-t-elle plonger dans le noir ? La grève va-t-elle poser un problème de sécurité ? Faut-il avoir peur ?

Non, la France a d'autres sources d'énergie 

Premier rappel : si l'énergie consommée en France vient majoritairement des centrales nucléaires françaises, d'autres sources d'approvisionnement existent. "Notre souci, explique-t-on à Réseau de transport d'électricité (RTE), c'est l'équilibre entre la consommation et la production d'électricité en France. Nous y veillons 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et 365 jours par an." 

Les angoissés peuvent d'ailleurs suivre en continu les creux et pics de la consommation et de la production sur le site et l'appli eco2mix. Concrètement, que fait RTE, qui contrôle en permanence le trafic d'électricité, s'il constate des baisses de production en provenance des centrales nucléaires ? Il vérifie si des pointes, des productions supplémentaires d'électricité, sont disponibles en provenance des centrales hydrauliques ou à gaz (qui représentent un tiers des capacités de production d'EDF). 

Détail par filière de la production d'énergie française pour la journée du 2 juin. (RESEAU DE TRANSPORT D'ELECTRICITE)

Autre solution lorsque l'électricité vient à manquer : l'importation. RTE se tourne alors vers les pays voisins puisque les réseaux européens d'énergie sont interconnectés. A dire vrai, grève ou pas grève, l'opérateur le fait quotidiennement. "Je vous prends un exemple, développe l'interlocuteur de francetv info. A 11h30, aujourd'hui 2 juin [pourtant jour de grève], la consommation en France était de 55 207 mégawatts, et la production française disponible de 60 192 mégawatts. Autrement dit, les besoins électriques sont couverts ! Résultat : on exporte. Mais on importe aussi par opportunité fournisseur. Quand il fait beau, entre midi et 16h30, la France importe de l'énergie solaire d'Allemagne parce qu'elle est bon marché." Et d'assurer : "Ces grèves n'ont pas d'effet problématique sur l'approvisionnement des Français."

Non, la baisse de production est étroitement encadrée

Deuxième raison d'être rassuré : l'anarchie ne règne pas dans les centrales nucléaires, et le droit de grève y est extrêmement encadré. Concrètement, explique-t-on chez EDF, "quand un syndicat appelle à la grève dans une centrale nucléaire, une assemblée générale décide des actions à mener, qui peuvent aller de la manifestation à la baisse de charge d'un réacteur". 

 A condition de respecter certaines règles : "Les syndicats peuvent bloquer l'entrée des centrales, mais ils sont obligés de laisser entrer le personnel indispensable au fonctionnement chargé de la sécurité", affirme-t-on chez EDF. Quant aux baisses de charge, elles ne peuvent être mises en œuvre sans avoir alerté RTE. Et il ne s'agit jamais que de "baisser de quelques points la puissance d'un réacteur.  Les équipes peuvent décider de produire un peu moins de mégawattheures, mais uniquement avec l'accord du gestionnaire du réseau."

Et si RTE juge que l'équilibre devient critique et les marges de production insuffisantes ? Il envoie un premier message à EDF pour lui demander de stopper les baisses de charge. Et il peut même en envoyer un second exigeant de remonter la production. "Mais c'est rarissime puisqu'on a 12 000 mégawatts de capacité d'export ! Si notre marge diminue, on va d'abord importer de tous les pays frontaliers", tempère-t-on chez RTE.

Non, des grévistes peuvent être réquisitionnés

Obligation supplémentaire qui limite la grève dans les centrales : la présence d'un certain nombre de salariés est exigée pour assurer la sécurité. "Les grévistes exploitants [ceux qui travaillent dans les salles de commande] sont réquisitionnés, explique Thierry Raymond, syndicaliste de la branche énergie de la CGT, à francetv info. Un nombre minimum est requis : ça dépend des centrales, mais ça tourne entre 15 et 20 personnes. Ces salariés ne touchent que 20% de leur salaire et ils ont moins de tâches, mais ils doivent veiller à la sûreté de la centrale."

Le responsable CGT confirme aussi que "des notes d'EDF contraignent les salariés des centrales, même grévistes, à respecter les messages de RTE" [intimant par exemple d'arrêter les baisses de production]. La CGT demande d'ailleurs de s'y plier : pas question pour elle d'endosser la responsabilité d'un black-out. D'où le recours, jeudi, à des actions plus populaires, comme le basculement d'un million de foyers en tarif heures creuses en Ile-de-France.

Mais le risque n'est pas nul

Néanmoins, comme seriné souvent, le risque zéro n'existe pas, mais pas forcément pour fait de grève. La dernière fois qu'on a frôlé le black-out en France, c'était à cause du froid. En février 2012, un record de consommation de 102 000 mégawatts (MW) avait été enregistré à 19 heures, pour une capacité de production de 93 000 MW auxquels s'étaient ajoutés 10 000 MW d'électricité importée.

Quant aux risques dans les centrales nucléaires… Faut-il reparler de Fukushima ? Ou de Tchernobyl, catastrophe dont on commémore tristement les trente ans cette année ? Personne, et surtout pas ceux qui y travaillent, n'a envie de jouer avec ce risque-là.

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