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"Il y a toujours des solutions" : comment trois adolescents sont sortis du décrochage scolaire

En cinq ans, le nombre d'élèves ayant quitté l'école a chuté de 20%. Trois jeunes qui avaient décidé de tout plaquer racontent comment ils ont réussi à reprendre les cours.

Article rédigé par franceinfo - Estelle Walton
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Selon la ministre de l'Education, alors que, en 2010, 136 000 jeunes avaient décroché, on estime aujourd'hui les décrocheurs à 110 000, soit 26 000 de moins. (GUY BELL / SIPA / REX)

"C'est le fruit de la priorité donnée à cette action depuis 2012." Najat Vallaud-Belkacem a annoncé mardi 1er décembre que le nombre de décrocheurs scolaires avait chuté de 20% en cinq ans. Trois jeunes étudiants ont raconté à francetv info ce qui les avait décidés à reprendre le chemin de l'école.

Nicolas, 21 ans : "Je pensais que c'était foutu, mais il y a toujours des solutions"

Nicolas a 21 ans. Il est en terminale, et bûche en ce moment pour passer son baccalauréat professionnel de commerce à la fin de l'année scolaire dans la région lyonnaise. Pourtant, le jeune garçon n'a pas toujours été fan des études. "J'étais un élève turbulent, un petit rebelle", se rappelle le lycéen en riant. A 15 ans, il redouble sa troisième et enchaîne les absences liées à des problèmes de santé. Sans grand enthousiasme, son conseiller d'orientation lui recommande un métier manuel : "J'étais perdu, je n'avais plus de volonté. On m'a dit que, avec mes notes, il valait mieux que j'envisage tout de suite une carrière dans le bâtiment ou la mécanique." Nicolas se lance alors dans une formation pour devenir mécanicien, mais se blesse au visage. Il décide alors de tout plaquer : "J'étais bloqué, je n'avais pas envie de m'exposer devant mes camarades. Je me suis retrouvé à travailler à 17 ans, jeté dans un monde pour adultes auquel je n'étais pas préparé."

Lorsqu'il atteint la majorité, la mission locale à laquelle il s'est inscrit dirige Nicolas vers le lycée de la Nouvelle Chance de Villeurbanne. L'établissement propose des formations spécialisées pour les jeunes décrocheurs entre 18 ans et 26 ans. Le jeune homme y trouve un suivi, des conseils concrets. "Cela m'a permis de faire le bon choix. Nous passons deux jours à l'école et trois en entreprise, cela ne laisse pas le temps de se lasser !" se réjouit le jeune Lyonnais, immédiatement remotivé : "J'ai réalisé que je pouvais me lancer dans la vente comme je le voulais au départ. Et, en plus, je suis plutôt bon !" Après son bac, celui qui détestait l'école envisage maintenant de se lancer dans une licence professionnelle. Une décision qui le surprend lui-même : "Je pensais que c'était foutu, que je n'avais pas le profil, alors qu'en fait il y a toujours des solutions. Il ne faut surtout pas se précipiter."

Elisa, 23 ans : "Au lycée de la seconde chance, on est traités comme des adultes"

Elisa est elle aussi passée par un établissement de la Nouvelle Chance, à Cergy, en région parisienne. "J'avais lâché les études à la fin de mon année de première. J'étais démotivée, je séchais régulièrement les cours. Les enseignants n'arrivaient pas à me faire raccrocher les wagons. A la fin de l'année, je n'ai pas passé mon bac de français, et l'idée de devoir redoubler m'a dégoûtée. Je n'avais aucune envie de faire des efforts."

La jeune fille enchaîne alors les petits boulots alimentaires. Mais, en voyant les employeurs se montrer réticents à l'embaucher, elle prend rapidement conscience des réalités du monde du travail : "J'ai dû mentir et dire que j'avais le bac. J'ai compris que, sans ce diplôme, l'avenir serait vraiment compliqué." En 2012, elle passe un entretien pour intégrer le lycée de la Nouvelle Chance qui s'apprête à ouvrir près de chez elle. "Cela m'a tout de suite plu. J'étais dans un groupe d'amis, nous avions des horaires faciles, un suivi pour éviter la rechute. Nous pouvions discuter de tout avec les professeurs, nous ne sentions traités comme des adultes. Il n'y avait pas de sanctions, je pouvais gérer mon travail seule. Si je ne venais pas en cours, on ne me réprimandait pas, je pouvais rattraper tranquillement, à mon rythme." 

En deux ans, Elisa obtient finalement son bac avec mention dans une filière technologique, une incroyable fierté. Aujourd'hui, elle suit une formation d'hôtellerie-restauration, et envisage l'avenir avec sérénité : "Si les choses ne vont pas comme je veux, je sais que ce n'est pas grave, je suis beaucoup plus sûre de moi. Il ne faut pas hésiter à prendre le temps pour trouver ce qui nous plaît."

Cyril, 23 ans : "J'ai fait de mon décrochage une force" 

Dès son entrée en classe de sixième, Cyril a dû subir les moqueries de ses camarades. "Mes amis de l'école primaire se sont retournés contre moi, je me suis retrouvé tout seul. Tous les jours, mes camarades me persécutaient. Alors j'ai fini par riposter. Après une bagarre, j'ai été exclu du collège pendant une journée. Mes parents étaient abasourdis. Ils ont voulu en parler, mais ils n'arrivaient pas à me comprendre."

Le jeune garçon est pourtant bon élève, et maintient une bonne moyenne tout au long de son parcours. Après le collège, Cyril décide ensuite de se lancer dans un bac professionnel de cuisine. Mais, là-bas, les moqueries contre lui continuent : "Un jour, en rentrant d'un stage, je suis rentré chez moi, abattu. Je ne suis plus sorti de ma chambre pendant trois mois. J'ai tout arrêté, j'évitais mes parents et je ne sortais que pour aller voir mon meilleur ami. Au fil des années, j'avais réussi à me créer une carapace. Personne n'a vu venir mon décrochage."

C'est grâce à l'un de ses amis que Cyril finit par sortir de la torpeur. "Lui aussi avait arrêté les cours", raconte le jeune homme, "et il avait été aidé par La Bouture, une association qui aide les jeunes. Ses parents m'ont collé le téléphone à l'oreille pour que je les contacte. Comme j'étais très méfiant, j'ai évité les premiers rendez-vous, je me trouvais des excuses, mais l'équipe là-bas a su me rassurer. On prenait un café ensemble, mes envies étaient prises au sérieux. Ils m'ont fait écrire une lettre symbolique pour que je quitte mon bac pro, que je mette cette période derrière moi."

Cyril passe alors trois mois en formation au Collège-lycée élitaire pour tous (Clept), une structure de l’Education nationale destinée aux décrocheurs scolaires de plus de quinze ans. Tout de suite, il se sent accepté : "Pour la première fois, j'étais écouté, compris, tout le monde était sympa avec moi. Mon professeur tuteur me parlait sans détour, me disait quand je repartais dans mes vieux travers. Je me suis ouvert aux autres. Je suis entré dans une classe de première classique, où j'étais toujours encadré par le Clept. Nous passons le même bac, mais nous avons aussi des moments de discussion avec nos professeurs, des ateliers d'écriture, des activités culturelles. Je me suis même découvert une passion pour le dessin."

A 20 ans, le Grenoblois obtient son bac avec mention. Depuis, il travaille avec l'association pour aider à son tour les jeunes qui, comme lui, ont arrêté l'école. Après deux ans en licence d'anglais, il envisage à nouveau de changer de voie : "Quand on est décrocheur, on le reste. On remet tout en question, on est très critique du monde extérieur", reconnaît l'étudiant. "Mais j'en ai fait une force. Je suis tombé une fois, je sais que je peux me reconstruire. J'ai envie de devenir enseignant, et je vois maintenant plein de possibilités qui s'ouvrent, c'est une véritable chance."

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