Inégalités salariales entre hommes et femmes : "Il faut revenir à de vrais accords d'égalité dans l'entreprise", selon une économiste
Alors que les femmes ont commencé à "travailler gratuitement" mercredi à 9h22 du fait des inégalités salariales, l'économiste Rachel Silvera estime que la question de l'égalité des rémunérations doit être "réellement suivie" avec "sanctions à l'appui".
Selon le collectif féministe Les Glorieuses, les femmes ont symboliquement commencé à "travailler gratuitement" mercredi 3 novembre à 9h22 du fait des inégalités salariales. En effet, l'écart salarial entre les hommes et les femmes est de 16,5% selon ce collectif. "Le chiffre retenu minimise une partie de l'écart. La situation est encore plus grave que cela", se désole sur franceinfo Rachel Silvera, économiste et chercheuse au Centre national de recherche scientifique (CNRS), spécialiste des questions de genre et d’emploi.
L'économiste estime qu'il faudrait "revenir à de vrais accords d'égalité dans l'entreprise", "avec des sanctions à l'appui" et un suivi réel de la question.
franceinfo : En 2015, l'écart salarial entre les femmes et les hommes était de 15%. Pourquoi les écarts de salaires se creusent-ils encore ?
Rachel Silvera : Le chiffre retenu minimise une partie de l'écart. En réalité, la situation est encore plus grave que cela. On est, à mon sens, au-delà de 25%. La première chose qui joue dans cet écart, et qui n'est pas prise en compte dans la mesure retenue par Les Glorieuses, c'est le temps de travail. Le temps partiel pénalise encore de nombreuses femmes. Si on prend en compte tout le temps de travail, le salaire moyen mensuel et non pas le salaire horaire, l'écart est encore plus important. La dernière étude de l'Insee, qui est pourtant réalisée sur des données d'il y a deux ans, établit l'écart - tout confondu - à 28,5%. Il ne s'agit pas de comparer une heure de travail d'une femme et d'un homme, c'est trop théorique. Il faut regarder ce que touchent les femmes et les hommes à la fin du mois et cet écart reste important.
Y a-t-il d'autres raisons ?
Oui, une autre raison - à mon sens essentielle - est le fait que les hommes et les femmes n'occupent toujours pas les mêmes emplois. Quand on regarde de près les emplois les plus féminisés, on constate une dévalorisation extrêmement forte de tous ces métiers, qui pourtant ont été salués il y a peu avec la crise sanitaire. On a remercié, applaudi ces métiers du lien et du soin aux autres comme étant essentiels. Pourtant, on continue à moins les rémunérer, quand on les compare à des métiers équivalents mais occupés en grande majorité par des hommes. Les aides à domicile, les agents d'entretien... tous ces métiers essentiels à nos vies restent dans l'ombre et sont dévalorisés dans leur construction, historiquement. C'est ici qu'il faut mettre tous nos efforts désormais.
Le Sénat vient d'adopter une proposition de loi qui prévoit d'intégrer 30% de femmes parmi les cadres et les dirigeants dans les entreprises de plus de 1 000 salariés. Les quotas sont-ils importants ?
Je ne suis pas très favorable à cette mesure. Elle est nécessaire car il est très important que l'égalité se fasse à tous les niveaux dans l'entreprise mais mettre l'accent, comme on l'a fait avec l'index d'égalité salariale et aujourd'hui avec cette nouvelle proposition de loi, sur les quotas de femmes dirigeantes, c'est l'arbre qui cache la forêt des inégalités. Ce n'est pas parce qu'on aura la parité au sommet qu'il y aura moins de précarité dans les entreprises, moins de temps partiels imposés et moins de dévalorisation de ces métiers, qui occupent des millions de femmes.
Quelles sont les pistes sur lesquelles il faut alors travailler ?
Quand on revalorise le Smic, on peut aussi favoriser les bas salaires et de nombreuses femmes. C'est un outil indirect. Plus globalement, il faut revenir à de vrais accords d'égalité dans l'entreprise, dans lesquels la question de l'égalité des rémunérations est réellement suivie, avec sanctions à l'appui. L'index d'égalité partait dans le bon sens mais il a malheureusement été totalement vidé de son contenu. Il y a tellement de conditions à réunir qu'aujourd'hui la plupart des entreprises ont une très bonne note. Il y a donc un souci, puisque les écarts de salaires sont toujours là.
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