Budget 2024 : quatre questions sur la taxe sur les autoroutes et les aéroports annoncée par le gouvernement
L'idée était sur la table depuis plusieurs semaines. Le gouvernement a annoncé, mercredi 27 septembre, la création d'une nouvelle taxe sur les autoroutes et les aéroports. Elle sera examinée à partir d'octobre au Parlement, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024
Comment pourrait fonctionner cette taxe ? Les usagers en feront-ils les frais ? Franceinfo fait le point sur cette annonce qui fait bondir les professionnels du secteur.
1Quelles sociétés sont concernées ?
Le projet de loi de finances instaure la création d'une "taxe sur les grandes exploitations d’infrastructures de transport de longue distance" à partir du 1er janvier 2024. Derrière cette appellation, le gouvernement cible les concessions autoroutières et les grands aéroports.
Face aux craintes des collectivités locales et des plus petits aéroports, l e gouvernement a subordonné la nouvelle taxe à un seuil minimum de revenus et de rentabilité. Elle concernera uniquement les entreprises dont le revenu d'exploitation dépasse les 120 millions d'euros annuels et une rentabilité moyenne supérieure à 10% sur les sept dernières années. Concrètement, un taux de 4,6% sera appliqué "sur la fraction des revenus excédant 120 millions d'euros", avance le texte.
Du côté des autoroutes, les sociétés comme Vinci, Sanef ou Eiffage pourront être concernées. Eiffage, qui exploite quelque 2 300 km d'autoroutes en France, évalue la facture à "environ 117 millions d'euros". La taxe devrait également toucher les Aéroports de Paris (ADP), et quelques-uns des grands aéroports français comme ceux de Nice ou de Marseille. Sur la base de ses calculs, ADP estime que cette mesure lui aurait coûté "environ 100 millions d'euros" en 2022.
2Comment le gouvernement justifie-t-il cette taxe ?
Avec cette taxe, le gouvernement vise les " infrastructures de transport polluantes, que ce soit la route ou l'aérien". "Faire en sorte que ceux qui polluent davantage contribuent davantage" est "le meilleur des financements" pour les investissements "extrêmement élevés" et "impératifs" nécessaires en matière de transition écologique, a insisté Bruno Le Maire.
L'Etat espère dégager 600 millions d'euros de recettes l'année prochaine avec cette taxe. Elle doit en partie servir à financer les sept milliards d'euros supplémentaires alloués à la transition écologique dans le budget pour 2024. En revanche, l'idée d'une taxe appliquée directement aux billets d'avion, évoquée par le ministre des Transports ces dernières semaines, n'a pas été retenue dans le projet de loi.
3Le prix des péages risque-t-il d'augmenter ?
"Une hausse des taxes, c'est inévitablement une hausse des tarifs des péages", a prévenu le président de Vinci Autoroutes, Pierre Coppey. Ce dernier fait valoir un avis rendu mi-septembre par le Conseil d'Etat. La plus haute juridiction administrative estime en effet "qu'en cas de modification, de création ou de suppression (…) d'impôt, de taxe ou de redevance spécifique aux sociétés concessionnaires d'autoroutes", ces dernières ont droit à "des mesures de compensation, notamment tarifaires". Elle met donc en garde contre le risque juridique "élevé" d'un impôt ciblant uniquement les sociétés d'autoroutes, mais laisse la voie ouverte à une taxation plus générale.
Bruno Le Maire affirme quant à lui que cette augmentation de la fiscalité ne se répercutera "pas sur l'usager". Le ministre avance que le gouvernement s'est assuré auprès du Conseil d'Etat que la formulation de la mesure – une taxe sur les infrastructures de transport longue distance qui ne cible pas seulement les autoroutes – ne permettrait pas aux concessionnaires autoroutiers de reporter le coût de la taxe sur les prix des péages. "Les péages n'augmenteront pas au-delà de ce qui est prévu par l'inflation", car "les tarifs des péages, c'est nous qui les fixons", promet-il. Les groupes Eiffage et Vinci contestent toutefois cette interprétation et ont annoncé qu'ils entendaient utiliser "toutes les voies de recours".
4Et les tarifs des billets d'avion ?
Du côté du secteur aérien, ADP prévoit de "répercuter" une partie de cette taxe sur les redevances versées par les compagnies aériennes. "Une première hausse, couvrant près de la moitié de l'impact de la taxe, interviendrait dès la période tarifaire 2024", puis "les hausses complémentaires interviendraient sur la ou les périodes tarifaires suivantes", détaille le groupe. "Nous ne sommes pas sur le même régime que les sociétés d'autoroutes", a fait valoir sur franceinfo Thomas Juin, président de l'Union des aéroports français.
"Il y a pour nous une possibilité en effet de répercuter sur les compagnies aériennes tout d'abord, puis les compagnies pourront répercuter sur les passagers."
Thomas Juin, président de l'Union des aéroports françaisà franceinfo
La "quasi-intégralité" des charges devrait ainsi pouvoir être répercutée des aéroports aux compagnies, confirme le ministère des Transports à l'AFP. "Ce sera à chaque compagnie de voir comment elle souhaite répercuter" elle-même ces coûts, ajoute le cabinet de Clément Beaune. Difficile pour l'heure de mesurer la hausse éventuelle des billets d'avion. "Mais en tout cas, nécessairement, il y aura une conséquence, une inflation sur les prix des billets qui ont déjà augmenté de 22% en un an compte tenu de l'inflation des coûts, suite à la crise sanitaire", anticipe Thomas Juin.
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