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Témoignages Cryptomonnaies : étrangers au monde de la finance, ils se passionnent pour cette "révolution financière naissante"

Le bitcoin a enregistré en octobre la plus haute clôture mensuelle de son histoire, avec un taux d'environ 53 000 euros pour un bitcoin. Le système des cryptomonnaie et les gains astronomiques qu'il fait espérer attirent les investisseurs amateurs.

Article rédigé par Vincent Matalon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Des amateurs toujours plus nombreux investissent dans des cryptomonnaies pour faire fructifier leurs économies, parfois avec l'espoir de faire carrière dans le domaine. (OSCAR WONG / MOMENT RF / GETTY IMAGES)

Caroline n'en revient pas elle-même. "Je n'étais pas du tout prédestinée à m'intéresser au monde des cryptomonnaies : je n'ai aucune formation en finance, j'ai toujours été nulle en maths… J'ai d'ailleurs fait un bac littéraire", s'amuse cette habitante du Loiret. Onze mois après avoir commencé à investir une partie de ses économies dans ces actifs numériques, Caroline jongle avec des termes qui peuvent donner le tournis aux non-initiés. "Récemment, je me suis intéressée aux jeux vidéo play-to-earn, ou encore à la DeFi, la finance décentralisée. J'aime beaucoup repérer les scams, les shitcoins... Il y a tellement à apprendre !" s'enthousiasme la trentenaire, qui vient de revendre son entreprise de services à la personne.

Alors que le bitcoin a enregistré un nouveau record (autour de 59 000 euros pour un bitcoin), mardi 9 novembre, de nombreux amateurs ont rejoint les rangs des "crypto-enthousiastes" alors qu'ils n'auraient jamais imaginé se passionner un jour pour la gestion d'actifs numériques.

"Un moyen de faire fructifier mes économies"

Travailleur indépendant dans le monde de l'informatique, Nuwan a profité d'une baisse durable du cours du bitcoin en 2019 pour se documenter sur le fonctionnement des cryptomonnaies. "Je cherchais un moyen de faire fructifier mes économies sans toucher à tout ce qui était boursier : dans mon esprit, c'était un univers où les placements mettaient 10 ans pour être rentables et nécessitaient de faire appel à de nombreux intermédiaires, comme des courtiers", justifie cet habitant des Yvelines de 34 ans.

Comme Caroline, Nuwan forge au fil de ses recherches son intime conviction : la blockchain – la technologie décentralisée qui fait fonctionner les cryptomonnaies – est la première pierre d'un bouleversement économique d'ampleur. "Plus je m'y plonge, et plus je trouve que c'est une révolution financière naissante", observe Nuwan.

"Des échanges sans coût, anonymisés, à l'abri des gouvernements et institutions financières qui peuvent dévaluer une monnaie quand ils le souhaitent…"

Nuwan, investisseur en cryptomonnaies

à franceinfo

Convaincu, Nuwan achète ses premières "cryptos" à la rentrée 2019, pour un montant compris entre 10 000 et 15 000 euros. Pour ses premiers placements, il se tourne essentiellement vers les deux monnaies numériques aux plus fortes capitalisations : le bitcoin et l'ethereum.

Depuis ses premiers pas, il a investi l'équivalent de "quatre à cinq fois" sa somme initiale. Sa méthode a aussi beaucoup évolué : "Aujourd'hui, je me renseigne sur les différentes innovations qui se créent autour du secteur des cryptomonnaies, comme dans le jeu vidéo ou le métavers et j'essaie de miser sur ceux qui ont le potentiel pour devenir leaders dans leur domaine".

"Le soir, je participe à des réunions vocales avec d'autres investisseurs"

Caroline et Nuwan ne s'imaginaient sans doute pas il y a quelques mois passer des heures à partir à la pêche aux infos avant d'investir leurs économies dans des actifs numériques, mais aucun des deux ne regrette son choix. "Je suis l'actualité du secteur pendant la journée sur Twitter, je discute avec des journalistes spécialisés, des influenceurs… Le soir, je participe souvent à des réunions vocales sur Discord pour discuter avec d'autres investisseurs amateurs et échanger des conseils", énumère l'ancienne cheffe d'entreprise du Loiret.

"La première chose que je fais en ouvrant les yeux le matin, c'est regarder mon téléphone pour vérifier la valeur de mon portefeuille d'actifs ! (...) Mon mari, qui s'était mis aux 'cryptos' en 2018, trouve que j'en parle trop aujourd'hui !"

Caroline, investisseuse en cryptomonnaies

à franceinfo

La jeune femme ne compte pas s'arrêter de sitôt : après avoir acheté quelques cryptomonnaies et surtout acheté et revendu des NFT (des certificats d'authenticité numérique pour des contenus en ligne, aussi fondés sur la technologie de la blockchain) durant l'été, la valeur de ses actifs atteint virtuellement les 10 000 euros. Loin des 750 euros bien réels investis en douze mois.

"J'avais une très mauvaise image du système bancaire"

Si Guillaume* est monté dans le wagon du bitcoin, c'est pour des raisons politiques. "J'avais une très mauvaise image du système bancaire et des marchés financiers, qui faisaient selon moi marcher le monde dans un sens inégalitaire", explique ce Parisien de 39 ans, devenu chef de projet dans l'informatique après avoir exercé comme ingénieur du son.

"A l'époque, je ne faisais rien de mes économies : je ne voulais pas mettre mon argent ailleurs que sur mon livret A. Prêter mon argent aux banques pour qu'elles achètent des actions avec, cela me répugnait."

Guillaume, investisseur en cryptomonnaies

à franceinfo

"Fasciné" par le fonctionnement décentralisé des cryptomonnaies et convaincu par la "promesse que le bitcoin allait devenir la monnaie d'internet", le trentenaire débourse 630 euros pour acquérir trois bitcoins en mars 2015… et passe à autre chose. "Je n'avais pas particulièrement besoin d'argent à cette période. Je ne regardais donc que très peu le cours du bitcoin et n'y ai pas touché jusqu'en février 2021", continue Guillaume. La monnaie numérique s'échange alors à environ 47 000 euros l'unité : ses trois bitcoins valent 141 000 euros.

Le chef de projet qui avait pourtant une grande méfiance dans l'univers de la finance se surprend alors à vouloir "mettre les mains" dans les marchés des cryptomonnaies, dont l'activité a explosé en six ans. Il garde l'essentiel de ses trois bitcoins de côté, et décide d'en utiliser "5 à 10%" pour acheter et revendre des monnaies moins célèbres, dont la valeur varie parfois beaucoup plus vite. Depuis février, le trentenaire réalise des opérations "tous les jours". "J'ai repéré la semaine dernière une cryptomonnaie dont le fonctionnement ressemblait à une autre dont le cours avait explosé quelques jours plus tôt. J'en ai donc acheté pour 0,1 bitcoin [5 300 euros au moment de l'entretien] avant de tout revendre dix minutes plus tard, car le cours avait augmenté de 20%", s'amuse le Parisien.

Guillaume n'aurait pas cru se passionner un jour pour cet univers. "Mais avec le recul, je me dis qu'expérimenter, tester des choses par moi-même, me correspond tout de même assez bien", souffle-t-il. L'investisseur ne se voit pourtant pas durer dans cette jungle : "Je suis plutôt satisfait d'avoir découvert ce monde, mais j'envisage d'arrêter d'ici quelques mois : tout cela ne correspond pas à mes valeurs et est assez loin de la promesse extraordinaire qui m'a séduit au départ."

Objectif : "travailler dans le monde de la 'crypto'"

Contrairement à Guillaume, Alexandre compte bien passer les prochaines années à être actif sur le marché des cryptomonnaies. Élevé "très loin du milieu de la finance" par un père qui travaille dans la logistique et une mère secrétaire de direction, cet étudiant de 24 ans reconnaît s'être intéressé au sujet en découvrant les bénéfices vertigineux affichés par certains adeptes. "Je venais de passer le premier confinement à télétravailler pour mon stage depuis le domicile de mes parents, et j'avais pu mettre pas mal d'argent de côté pendant cette période", se remémore le jeune homme de 24 ans, étudiant dans les Bouches-du-Rhône, qui se dirige à l'époque sans grande conviction vers le secteur de la vente.

Après avoir passé quelques mois à se renseigner sur le fonctionnement des monnaies numériques, le jeune homme investit 2 000 euros en janvier 2021 dans une cryptomonnaie destinée à financer un projet auquel participe le cofondateur de PayPal, Peter Thiel. "Il s'agit d'une application qui permettra aux habitants de pays qui font face à une très forte inflation de convertir leurs économies dans une cryptomonnaie stable, car adossée au dollar", détaille Alexandre.

L'étudiant tente de garder la tête froide, même quand ses premiers pas sur les marchés lui procurent des sensations fortes. "La valeur de la cryptomonnaie dans laquelle j'ai investi a quadruplé en mai, avant de subir une forte correction depuis la rentrée. Je suis plutôt tranquille, car je crois en ce projet et n'ai pas prévu de vendre pour le moment", continue le vingtenaire, qui compte désormais diversifier son portefeuille en misant sur de nouvelles valeurs.

Sa récente passion pour l'univers des monnaies numériques a en tout cas profondément bouleversé ses projets : après s'être longtemps imaginé évoluer dans le monde du sport, Alexandre a entamé une formation en alternance dans le secteur bancaire. "C'est selon moi le meilleur moyen de crédibiliser mon CV afin d'espérer travailler un jour dans le monde de la 'crypto'", espère-t-il.

* Le prénom a été modifié à la demande de l'intéressé.

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