Carburants : pourquoi toutes les stations-services ne pourront pas faire des opérations à "prix coûtant"
Et pour quelques centimes de moins sur le plein d'essence... Les principaux distributeurs de carburants se sont finalement engagés à renoncer à faire des profits avec leurs stations, lors d'une réunion à Matignon, avec la Première ministre, afin de faire baisser les prix pour les automobilistes. C'est donc dès ce vendredi 29 septembre que Leclerc et Carrefour lancent ces opérations, qui auront lieu tous les jours, et "au moins" jusqu'à la fin de l'année, a assuré Michel-Edouard Leclerc sur franceinfo. Dans un communiqué le groupe aux origines bretonnes précise d'ailleurs que le carburant à prix coûtant s'appliquera "dans les 696 stations-service d'hypermarchés de l’enseigne".
Reste qu'il n'y aura sans doute pas de révolution à la pompe, alors que le litre de gazole et de sans-plomb tutoient leur plus haut niveau de l'année, à 1,93 euro ou 1,94 euro en moyenne, dans la foulée de la hausse des cours du pétrole. À l'issue d'une réunion à Matignon avec l'ensemble de la filière, le gouvernement promet déjà près 120 000 opérations à prix coûtant sur la vente de carburants dans quelque 4 000 stations françaises au moins jusqu'à la fin de l'année.
Entre deux à quatre centimes en moins
De fait, il s'agit d'une demi-victoire en quelque sorte pour Élisabeth Borne, après le camouflet de l'épisode de la vente à perte. La concurrence acharnée que se livrent les enseignes entre elles profite, de fait, au gouvernement : aucun distributeur ne peut se tenir à l'écart des opérations de vente à prix coûtant, tellement l'essence reste un produit d'appel pour faire venir les clients dans les hypermarchés.
Ainsi, Leclerc et Carrefour, les deux premiers distributeurs français, ont donc annoncé avant même la réunion qu'ils vendraient le gazole et le sans-plomb à prix coûtant tous les jours, et au moins jusqu'à la fin de l'année. Intermarché, Casino et Cora promettent des opérations ponctuelles deux week-ends par mois, quand ce sera un week-end par mois pour Système U et Auchan.
D'ailleurs, l'un des chantres du pouvoir d'achat l'affirme : toutes les stations de ces enseignes ne pourraient pas forcément pratiquer des prix bas. "Le carburant, c'est 10 milliards de chiffre d'affaires. Donc, quand on bouge les centimes, ça fait tout de suite exploser les compteurs. C'est un gros effort, mais on veut que les raffineurs, les pétroliers participent à cet effort", a indiqué Michel-Edouard Leclerc sur franceinfo, le mercredi 27 septembre, avant de préciser : "Sur 700 stations d'hypermarchés, il y a 50 à 60 stations pour qui c'est difficile."
Le calcul est, en effet, complexe : la vente de carburants représente parfois 20 ou 25% du chiffre d'affaires d'ensemble d'un hypermarché. Et renoncer à des marges même assez minimes peut avoir des conséquences importantes sur son équilibre financier... Alors que pour l'automobiliste, la différence à la pompe devrait rester modeste : entre 2 à 4 centimes de moins par litre, sans doute, soit à peine 1 euro à 2 euros d'économisés sur un plein.
Impossible de vendre sans marge
Mais ces opérations à "prix coûtant" inquiètent aussi : elles pourraient bouleverser le marché et entraîner la fermeture des petites stations, notamment en zone rurale. C'est en tout cas la crainte du réseau Mobilians, qui regroupe environ la moitié des stations françaises, du géant TotalEnergies aux indépendantes, sous enseigne Esso, BP ou Avia. Ainsi, certaines petites stations connaissent jusqu'à 60% de baisses de volumes de vente ces dernières semaines, car elles achètent le pétrole au prix fort sur les marchés, et affichent, donc, des tarifs à la pompe jugés dissuasifs par les automobilistes. Ces petites stations indépendantes ne feront donc pas de vente sans marge.
Le cas de TotalEnergies apparaît évidemment à part, puisque le groupe plafonne déjà les prix à 1,99 euro le litre jusqu'à nouvel ordre dans ses 3 400 stations françaises. Le groupe pétrolier assure d'ailleurs que le gazole aurait dépassé la barre des 2 euros dans 90% d'entre elles sans ce dispositif. Malgré ce geste de bonne volonté, le gouvernement entend maintenir la pression sur ce dernier, comme sur les autres acteurs de la filière : l'Inspection générale des finances et la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes ont ainsi été chargées d'enquêter pour s'assurer qu'aucun ne pratique de marge disproportionnée. Les premiers résultats de cette mission sont attendus en décembre.
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