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"Ils ont lancé un cocktail Molotov derrière le comptoir" : témoins et salarié racontent l'attaque du McDo par les black blocs

En marge du défilé parisien du 1er-Mai, le restaurant McDonald's situé près de la gare d'Austerlitz a subi de violentes dégradations par des membres des black blocs. Au moment de l'attaque, des clients et des salariés étaient encore à l'intérieur. 

Article rédigé par franceinfo - Mathilde Goupil
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Des pompiers interviennent dans le McDonald's du boulevard de l'Hôpital à Paris, le 1er mai 2018. (MICHEL STOUPAK / NURPHOTO)

Les images ont fait la une des journaux télévisés. En marge du défilé de la fête du travail, mardi 1er mai, le restaurant McDonald's situé boulevard de l'Hôpital, dans le 5e arrondissement de Paris, est la cible de black blocs qui en cassent les vitrines puis tentent d'incendier les lieux. Pour ces militants anti-capitalistes, il s'agit d'un acte "symbolique", comme l'a confié l'un d'eux à franceinfo. Mais l'attaque aurait pu avoir de sérieuses conséquences : à l'intérieur du McDonald's attaqué, des clients et des salariés sont présents. Franceinfo retrace le déroulement des événements.

"La police nous conseille de fermer le restaurant"

Au matin du 1er mai, "la police est passée pour nous conseiller de fermer le restaurant dès 14 heures", se souvient auprès de franceinfo Mathieu*, salarié du McDonald's d'Austerlitz depuis plusieurs années. "Mais la directrice [du restaurant, qui n'est pas franchisé et dépend de McDonald's France] a attendu un peu plus longtemps pour fermer. Elle ne pensait pas que ça allait partir aussi loin, (...) qu'ils allaient attaquer le restaurant." Une version confirmée par un deuxième salarié présent ce jour-là, auprès de Gilles Bombard, secrétaire CGT McDonald's Paris et Ile-de-France. "La directrice avait totalement sous-estimé l’impact qu’aurait cette manifestation", assure le syndicaliste à franceinfo. Et de s'étonner que "la procédure d'évacuation en cas d'incendie ou de danger imminent", qui consiste "à accompagner les clients vers les issues de secours", n'ait pas été appliquée.

De toute évidence, tout le monde était paniqué pour appliquer la procédure d'évacuation et il était trop tard pour sortir.

Gilles Bombard, secrétaire CGT McDonald's Paris et Ile-de-France

à franceinfo

Selon Mathieu, la fermeture se met en place "entre 14h30 et 15 heures". Des vigiles sont postés aux entrées du restaurant afin d'empêcher l'arrivée de nouveaux clients, mais ceux déjà présents peuvent rester finir leur repas. Peu avant 16 heures, les black blocs, dans le haut du cortège, arrivent à la hauteur du fast-food, alors qu'il reste encore des clients à l'intérieur. Pris de court, les salariés de l'enseigne – ils sont "15 à 20" à ce moment-là, selon Mathieu – ferment les portes et se réfugient avec quatre clients et les vigiles dans la cour de l'immeuble voisin, qui donne accès à la sortie de secours sur la rue Buffon. "Une dizaine de clients", selon plusieurs témoignages recueillis par franceinfo, trouvent refuge au premier étage.

Plan du quartier Austerlitz, où un MacDonald's a été vandalisé le 1er mai 2018. Le restaurant est à l'intersection du boulevard de l'Hôpital et de la rue Buffon. (GOOGLE MAPS)

"Un cocktail Molotov derrière le comptoir"

Plusieurs témoins racontent à franceinfo l'attaque à laquelle ils assistent, à l'extérieur du restaurant. "Un membre du black bloc se précipite vers le McDo avec une masse à la main, et commence à taper les vitrines. Plusieurs membres du bloc le rejoignent. Les vitrines finissent par se briser", témoigne Paul Conge, journaliste à Explicite, qui suit la manifestation avec les black blocs. Plusieurs personnes pénètrent à l'intérieur du fast-food, et "mettent tout sans dessus dessous (...), lancent un cocktail Molotov derrière le comptoir." Le journaliste free-lance Charles Baudry filme le début des dégradations. 

Selon les témoignages recueillis par franceinfo, il est difficile d'évaluer depuis la rue si le restaurant est vide ou non. Un photographe qui accompagne les black blocs pense ainsi que le McDo "est totalement vide", et constate que les portes sont "fermées". Paul Conge, le journaliste d'Explicite qui indiquera plus tard que des clients et des employés étaient présents, raconte aussi que "l'intérieur [du restaurant] a l'air assez sombre". De fait, il ne reste plus personne dans la salle du rez-de-chaussée.

"C'était de l'improvisation"

Dans la cour, les salariés bloquent la porte qui donne sur le restaurant "avec des cartons de bouteilles d'eau" pour éviter que les militants rentrés dans le restaurant ne puissent les rejoindre. "On entendait les bruits de verres qui se cassaient, (...) certains avaient peur du dénouement", se souvient Mathieu. 

Mon premier réflexe est de contacter mes proches pour les rassurer sur mon état.

Mathieu, salarié du McDonald's vandalisé

à franceinfo

"Notre direction nous dit d'attendre dans la cour et de laisser passer la tempête, raconte encore le salarié. C'était de l'improvisation, notre directrice angoissait, elle paniquait, elle pleurait." Finalement, l'ambiance revient au calme. "On s’est dit qu’ils s’attaquaient plus à l’enseigne McDo qu’aux personnes qui y travaillent." 

Une fois les casseurs partis, plusieurs journalistes et témoins de l'attaque pénètrent dans le restaurant. "Trois ou quatre personnes avaient pris des extincteurs pour éteindre les débuts de flammes", raconte Charles Baudry. "Une personne est montée voir s'il y avait des gens et effectivement il y avait encore une dizaine de clients au premier étage. Ils avaient l'air paniqués. Je les ai orientés vers la sortie [principale]."

Au même moment, le groupe caché dans la cour s'extrait par la sortie de secours, témoigne Mathieu. Deux camions de pompiers sont dépêchés sur les lieux. L'attaque a été rapide, de "quelques minutes" à "une demi-heure", selon les témoignages recueillis par franceinfo. Les salariés du McDo patientent avec les forces de l'ordre, et regagnent le restaurant "vers 18h30", estime Mathieu.

Accompagnement psychologique

Contactée, la direction de McDonald's France "condamne avec la plus grande fermeté les actes de violence et de vandalisme" commis à l'encontre de son restaurant. Mais assure que l'équipe de ce dernier "a scrupuleusement respecté les consignes de la préfecture de police, dès qu’elles ont été formulées, de fermer immédiatement le restaurant et de maintenir en sécurité les clients et les équipes à l’intérieur de l’établissement"De son côté, Mathieu soutient que "la manière dont ça a été fait a été hasardeuse. (...) Vis-à-vis des clients, on aurait dû fermer le McDo avant l’arrivée du cortège".

Un accompagnement psychologique a "immédiatement" été proposé à l'ensemble des salariés du restaurant et "demeure en place", fait savoir McDonald's France. L'entreprise ne communique pas sur la durée des travaux, mais selon les nos informations, la réouverture pourrait avoir lieu dès ce week-end. Au lendemain du 1er mai, les salariés du McDo d'Austerlitz étaient invités à rester chez eux, sans retenue de salaire. L'enseigne indique qu'ils ont désormais "la possibilité de rejoindre les équipes d’autres restaurants parisiens durant la durée des travaux"

De son côté, Mathieu se dit bien remis. Le salarié "condamne" les dégradations commisses, même s'il se dit "pas forcément en désaccord avec les idées des manifestants". "Ils ne se rendent pas compte qu’il y a des personnes qui travaillent dans l’entreprise mais qui n’ont rien à voir avec ce qu'elle fait." 

*Le prénom a été changé

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