Vrai ou faux Nicole Belloubet a-t-elle envisagé la "suppression du ministère de l'Education nationale" ?

Article rédigé par Linh-Lan Dao
France Télévisions
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Nicole Belloubet, nommée ministre de l'Education après un remaniement ministériel, le 8 février 2024. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)
Cette expression provient du titre d'un article sur la décentralisation du système scolaire français, rédigé par la nouvelle ministre en 2016. Un titre provocateur que l'ancienne rectrice d'académie assumait à l'époque.

La nouvelle patronne de l'Education nationale n'a pas l'habitude de mâcher ses mots sur l'institution. En 2016, l'ancienne rectrice d'académie a publié un article dans la revue universitaire Après-demain, intitulé "Supprimer le ministère de l'Education nationale ?". Un titre qu'elle temporise aussitôt dans l'article : "A l'évidence, il s'agit d'une provocation, mais une provocation source de réflexion !" En effet, dans cet article, il n'est pas tant question pour l'auteure de démanteler un ministère, dont elle rappelle l'importance, que de décentraliser le système éducatif français.

Succédant à une Amélie Oudéa-Castera sur la sellette, Nicole Belloubet a assuré, jeudi 8 février, qu'elle "poursuivait la mise en œuvre" des mesures annoncées par Gabriel Attal et Emmanuel Macron. Port de l'uniforme, harcèlement scolaire, groupes de niveaux...  Nombreux sont les dossiers brûlants qui attendent la nouvelle ministre. Toutefois, l'ex-garde des Sceaux, issue du sérail socialiste, n'a pas toujours été alignée sur la politique éducative actuelle de l'exécutif. Comment entendait-elle, il y a sept ans, réformer l'Education nationale ? Franceinfo revient sur ses prises de position.

"Des fariboles sur le port de la blouse"

Quand elle a publié son article sur la "suppression du ministère de l'Education nationale", Nicole Belloubet était alors membre du Conseil constitutionnel. Avant cela, son parcours était étroitement lié au système éducatif français : elle est docteure en droit public et elle a été professeure des universités puis rectrice des académies de Limoges et Toulouse, entre 1997 et 2005. Dans son article, elle rappelle la mission des professeurs des écoles et celle de l'autorité ministérielle, qui en "garantit la cohérence, réalise les indispensables péréquations pour conquérir plus d'égalité, labellise les diplômes, leur qualité et leur valeur d'insertion sociale, en particulier"

Tandis qu'elle plaidait pour "la prise en compte des besoins spécifiques des élèves", l'ancienne rectrice critiquait d'un autre côté les "fariboles sur la restauration de l'autorité ou le port de la blouse". Une expérimentation à grande échelle de l'uniforme avait été annoncée par Gabriel Attal en décembre 2023. Interrogé sur Nicole Belloubet, le Premier ministre a déclaré jeudi soir sur France 2 qu'"on peut avoir pris des positions par le passé et avoir évolué" assurant que ses ministres étaient "totalement alignés" sur ses positions. Vendredi, à son arrivée au ministère, Nicole Belloubet a pris soin d'évoquer "les valeurs de respect et d'autorité".

Une "décentralisation" du système éducatif français

Plus de local, moins d'Etat. Pour Nicole Belloubet, "le système éducatif français doit évoluer vers plus de décentralisation territoriale et fonctionnelle", a-t-elle estimé dans son article de 2016, aux allures de feuille de route ministérielle. A savoir, une gestion des établissements scolaires plus locale, assurée par les collectivités territoriales, visant davantage de mixité sociale et une réduction des inégalités scolaires.

Côté ressources humaines, l'ancienne rectrice a réclamé une plus grande autonomie des établissements scolaires dans le recrutement des enseignants. "Même s'il faut un pouvoir régulateur de niveau supérieur, c'est le chef d'établissement qui est le garant de l'unité et de la réussite de son équipe. Faut-il aller plus loin ?", a-t-elle interrogé. Nicole Belloubet voulait aussi confier aux régions le pilotage des filières agricoles et professionnelles. "Cela fait des années que l'Etat tente sans grand succès de revaloriser un enseignement professionnel dont l'image reste toujours aussi dégradée, alors même qu'il attire un nombre important de jeunes", a-t-elle justifié.

Pour étayer son propos, l'ancienne sage n'a pas hésité à évoquer l'exemple des 35 autres pays membres de l'OCDE où, pour la majorité, "la gestion unique par l'Etat devient une exception, de même que la conception centralisée et détaillée des programmes scolaires", relève-t-elle. Sans tout à fait remettre cet Etat en question, puisqu'elle a soutenu que "le soutien concret" aux établissements scolaires "éman[ait] des concours tant de l'Etat que des collectivités locales".

Pas de "suppression du ministère de l'Education nationale" à l'ordre du jour, donc. Mais en 2024, la décentralisation du système scolaire français fait-elle partie des futurs chantiers de la ministre ? Sollicité par franceinfo, le cabinet du ministère de l'Education nationale n'a pas répondu à notre demande.

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