Témoignage de Nicolas Hénin, ancien otage
Merci Anne-Claire. On va maintenant s'arrêter sur le témoignage de l'un des otages, Nicolas Hénin, enlevé le 22 juin 2013 avec Pierre Torres. Il revient sur ses 300 jours de captivité. Propos recueillis par nos confrères d'Arte.
A chaque fois qu'on nous changeait de lieu de détention, on nous annonçait: "On vous libère"! De façon à ce qu'on reste calmes pendant le transport. De toute façon, on avait les yeux bandés et les membres attachés. Il y a eu un peu de maltraitance physique, mais tous les prisonniers syriens y passent. Ce dont on a le plus souffert probablement, c'est pendant toute la première partie de notre détention le manque de nourriture. Heureusement, on nous a donné de quoi nous remplumer au cours des derniers mois. Puis le froid. On n'avait pas d'eau chaude, et j'ai gardé les habits avec lesquels j'ai été capturé le 22 juin jusqu'au 23 décembre. Et puis l'obscurité. Sur la dizaine de lieux de détention qu'on a traversés, pratiquement tous étaient souterrains. Parfois sans même un soupirail. Pendant trois jours, le néon était cassé, on est restés dans le noir. Les enfants m'ont aidé, en même temps qu'ils ont limité mes actions. A part la tentative d'évasion que j'ai faite le 3e jour, je me suis éloigné d'une dizaine de kilomètres de la prison dans laquelle j'étais détenu avant d'être rattrapé, j'ai rapidement décidé de ne rien faire qui risquerait de rendre mes enfants orphelins. Ce qui a été extrêmement réconfortant pour nous, ces sont les négociations menées du côté français. Il y avait des preuves de vie régulières qui nous réconfortaient. C'est la "french touch", la façon française de gérer les prises d'otages, cette façon de réclamer des preuves de vie. Régulièrement on venait faire des vidéos de nous ou nous poser des questions secrètes qui venaient de nos familles. Et j'ai trouvé cela extrêmement réconfortant. Je disais aux psychiatres tout à l'heure: "si je m'écoutais, j'aurais mon ordinateur ici pour traiter les 2.500 mails que j'ai reçus, une pile de journaux pour faire du rattrapage, et je mettrais mes amis et ma famille en file indienne ici pour tous les voir". Il m'a dit que c'était impossible. Je vais me reposer, voir ma famille, et peut-être recommencer un peu plus tard à gamberger sur le projet de Hvre livre que j'ai entamé au dos d'une boîte d'ersatz de Vache qui rit qu'on nous avait donné à manger. Ce ne sera pas le récit de ma détention mais un conte pour enfants, pour que les enfants dont le papa est parti ne perdent pas espoir.
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