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Témoignages "On ne peut pas en parler, c'est impossible" : les victimes d'inceste racontent la difficulté de dénoncer leur bourreau

Selon un sondage Ipsos et l’association Face l'inceste, il y a 6,7 millions de Français qui sont victimes d’inceste.

Article rédigé par franceinfo - Sandrine Etoa-Andegue
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Photo d'illustration de maltraitance. (SERGE HAOUZI / MAXPPP)

Le livre "La Familia grande" de Camille Kouchner sort jeudi 7 janvier en librairie. Dans cet ouvrage paru aux éditions du Seuil, la fille de l’ex-ministre de la Santé accuse son beau-père Olivier Duhamel, professeur de droit émérite, d’inceste sur son frère jumeau quand il était adolescent à la fin des années 1980. Des faits, aujourd’hui prescrits, dont la mère et l’entourage ont eu connaissance il y a une dizaine d’années mais n'ont rien dit.

>> Affaire Olivier Duhamel : cinq questions sur les accusations d'inceste portées par sa belle-fille Camille Kouchner

Ce tabou concerne toutes les classes sociales, tous les milieux. Il y a 6,7 millions de Français qui sont victimes d’inceste selon un sondage Ipsos et l’association Face l'inceste de novembre dernier. Dénoncer leur bourreau est souvent difficile voire impossible pour les victimes d’inceste enfermées dans un engrenage de silence.

"Des pressions psychologiques"

Sonia a été violée par son beau-père entre ses 9 et 17 ans. "Il ne faut rien dire à maman... C'est un secret entre papa et sa fille... C'est parce que papa, il t'aime...", répétait le compagnon de sa mère à qui elle n’a jamais rien dit. L’infirmière à la retraite s’est confiée pour la première fois à sa sœur, à l’âge de 50 ans : "J'ai jamais rien dit à personne. Je ne pouvais pas en parler parce que quelque part c'était la honte."

"Quand j'en ai parlé à ma sœur, c'était pour moi comme une libération. On avait vécu les mêmes choses chacune de son côté et on s'est laissé faire pour protéger l'autre."

Sonia

à franceinfo

Avant que Sophie ne dévoile tout à sa mère à l’âge de 27 ans, elle ne savait rien non plus. L’enseignante d’une quarantaine d’années a été abusée par son grand-père maternel, la première fois, elle avait 2 ans : "En fait, on ne peut pas en parler c'est impossible. Il y a les agressions physiques et sexuelles, et il y a aussi toute la pression psychologique."

"Moi, j'avais des menaces. Il m'a même emmenée à l'Eglise et me faisait mettre à genoux devant la vierge et me disait : 'Tu vas demander pardon à la maman du petit Jésus pour ce que je t'ai fait.' On en est là, le renversement de culpabilité, c'est lourd."

Sophie

à franceinfo

Pour sa part raconte Guenola, sa mère a fait semblant de ne pas voir le calvaire que son propre mari, leur père, leur faisait subir à sa sœur et elle : "Ma mère se mettait dans sa chambre le soir avec un casque pour écouter ses émissions de radio. En fait, c'était pour éviter qu'elle l'entende monter les escaliers pour venir me voir."

"Je pense qu'elle était complètement dans le déni, qu'elle n'a rien voulu voir parce que c'était trop compliqué pour elle. La preuve, elle vit toujours avec cet homme-là et elle m'a expliqué que je devais mettre un pansement sur ma plaie."

Guenola

à franceinfo

Cette jardinière a rompu avec ses parents tout comme Lisa, une auxiliaire de vie de 43 ans, violée aussi par son père. "À l'adolescence j'en ai parlé à ma mère et elle m'a demandé si j'en avais parlé à quelqu'un, j'ai dit non. Elle m'a dit : 'Dans ces cas-là, on n'en parlera plus jamais à personne. Si je divorce on va se retrouver à la rue.'" Elle a fini par porter plainte. "J'ai beaucoup de chance d'avoir survécu à cela. Même si on va jusqu'au bout d'une plainte, il faut parler c'est la clef du début d'une guérison" pour apprendre à vivre avec. 

Les victimes d'inceste racontent la difficulté de dénoncer leur bourreau. Le reportage de Sandrine Etoa-Andegue.

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