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#MeTooInceste : comment le hashtag a émergé sur les réseaux sociaux pour aider les victimes à témoigner

Des milliers de témoignages de victimes sont publiés sur Twitter ou Instagram depuis samedi sous ce hashtag. Cette dénonciation de l'inceste fait suite à l'onde de choc suscitée par le livre de Camille Kouchner, "La Familia Grande".

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Un extrait du livre de Camille Kouchner paru jeudi 7 janvier, "La Familia grande", où elle dénonce le viol de son frère jumeau par leur beau-père, le politologue Olivier Duhamel.  (JOEL SAGET / AFP)

C'était un père, un frère, un oncle, un grand-père, un cousin. Par centaines, des internautes racontent sur les réseaux sociaux, depuis samedi 16 janvier, comment ils ont été violés, à cinq, dix ou quinze ans, par quelqu'un qui leur était familier. Au point que le hashtag #MeTooInceste est devenu l'un des plus populaires durant le week-end, notamment sur Twitter.

Cette vague de témoignages est la conséquence du retentissement de la parution du livre de Camille Kouchner, La Familia Grande (éd.Seuil), jeudi 7 janvier. Dans ce récit, la fille de l'ancien ministre de la Santé, qui a également témoigné dans l'émission "La Grande librairie", le 13 janvier, révèle que son frère jumeau a été violé, à partir de l'âge de 13 ans, par leur beau-père, le politologue Olivier Duhamel. Des actes connus, mais tus durant de longues années au sein de cette famille recomposée. 

L'initiative du collectif Nous Toutes

Au sein du collectif féministe Nous Toutes, créé en 2018 dans la foulée de la vague #MeToo, plusieurs membres se sont d'abord interrogés sur la façon dont les victimes d'inceste devaient être accompagnées pour briser ce silence. Maire adjointe des Lilas (Seine-Saint-Denis), Madeline Da Silva souhaitait ainsi interpeller les pouvoirs publics sur cette question. Mais après une consultation par e-mail des "adhérents actifs" du collectif, une autre demande a émergé : "Nous avons reçu plus de 1 600 réponses où est apparu en premier le désir de témoigner autour d'un hashtag."

Cette volonté de témoigner de l'inceste a été massive de la part de celles que nous avons interrogées. Ce qui ressortait, c'était le besoin de se donner de la force, en commun".

Madeline Da Silva

à franceinfo

Un certain nombre de femmes du collectif Nous Toutes décident donc, à partir de samedi 16 janvier à midi, de publier leurs témoignages avec le mot-dièse #MeTooInceste. Le hashtag avait été inauguré deux jours plus tôt par l'une d'entre elles, sous le pseudonyme de "Marie Chenevance" (en allusion à une chanson de Barbara, qui fut, elle aussi, victime d'inceste).

Contactée par franceinfo et âgée de 67 ans, "Marie Chenevance", qui tient à garder son anonymat, se souvient encore de cette fête de famille, au moment de Noël, où son oncle l'a agressée sexuellement, alors qu'elle avait cinq ans à peine. Cette militante de Nous Toutes a tenu, avec d'autres, à briser le silence : "Le livre de Camille Kouchner est une porte qui s'ouvre pour briser l'omerta", résume-t-elle.

Anonymes et personnalités plus connues

Très vite, les internautes s'emparent à leur tour de #MeTooInceste, à travers des milliers de messages. En quelques heures, le hashtag se hisse en deuxième position des tendances sur Twitter, samedi après-midi. Les anonymes y côtoient des personnalités plus connues, comme la conseillère de Paris Geneviève Garrigos, ancienne présidente et porte-parole d'Amnesty France.

La chanteuse Yasmine Modestine, elle, raconte crûment comment elle a été violée par son oncle, à l'âge de six ans.

Certains parlent aussi au nom d'un proche, comme l'artiste Christian Guémy alias C215. Il évoque sa "mère, violée dans le cercle familial à 12 ans, viol dont je suis né". Elle "s'est suicidée à 18 ans : j'en avais 5. Dans ma famille, nul ne parle jamais d'elle, c'est interdit", écrit-il.

Le gouvernement interpellé 

Par la suite, plusieurs collectifs, associations et personnalités engagés dans la lutte contre l'inceste entendent donner plus d'écho au dossier. Ils interpellent les pouvoirs publics, toujours sur les réseaux sociaux, à l'image de la présidente de la Fondation des femmes Anne-Cécile Mailfert.

Les revendications sont multiples. Certains collectifs, dont Nous Toutes, demandent une meilleure formation des professionnels de l'enfance. Des associations de victimes, comme le Collectif féministe contre le viol, réclament l'imprescriptibilité de tous les crimes commis sur les mineurs.

Le Parlement devrait aussi se pencher dans les prochaines semaines sur des textes destinés à mieux protéger "les jeunes mineurs des crimes sexuels", d'après Public Sénat. Celui de la sénatrice centriste de Vendée Annick Billon, qui sera examiné en séance publique le 21 janvier, vise par exemple "à interdire tout acte sexuel entre une personne majeure et un mineur de moins de 13 ans".

Enfin, la commission indépendante sur les violences sexuelles devait se saisir du sujet de l’inceste et soumettre des propositions. Mais la démission de sa présidente, Elisabeth Guigou, proche d'Olivier Duhamel, qui venait tout juste d'être nommée, risque de retarder le processus.

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