Radicalisation dans la police : dans un commissariat, "quelqu'un qui clame sa sympathie pour les terroristes est vite repéré"
En Ile-de-France, 17 cas de dérives fondamentalistes chez des policiers ont été repérés entre 2012 et 2015, selon une note de la préfecture de police. Des responsables syndicaux expliquent comment l'institution gère ce risque de l'intérieur.
Une femme qui refuse de s'associer à la minute de silence en hommage aux policiers victimes des attentats de janvier. Une autre qui qualifie son uniforme de "torchon de la République" et porte le voile dans l'enceinte du commissariat : dans la police aussi, les dérives fondamentalistes existent. Le Parisien révèle, mercredi 9 mars, l'existence d'une note confidentielle de la DSPAP, la direction de la police dans l'agglomération parisienne, qui recense 17 cas d'agents s'étant radicalisés, entre 2012 et 2015.
Pour comprendre comment les commissariats agissent au quotidien contre ces dérives religieuses dans leurs rangs, francetv info a contacté des responsables de deux des principaux syndicats policiers.
Des dérives très marginales
Ces deux responsables syndicaux s'accordent sur un point : les dérives graves citées par le Parisien sont "extrêmement marginales". C'est aussi ce qu'assure, dans Le Parisien, le directeur de cabinet du préfet de police de Paris, qui rappelle qu'il y a 27 000 policiers en poste à Paris et dans la petite couronne, pour 17 cas listés dans cette note. "A chaque échelon, les fonctionnaires sont d'ailleurs sensibilisés", poursuit-il.
Ce qui ne veut pas dire que les règles n'ont pas besoin d'être répétées. Des notes viennent régulièrement rappeler les grands principes : la fonction publique est neutre, et les agents ne doivent pas laisser apparaître leurs convictions, notamment religieuses. En octobre, la police des polices a jugé utile de rafraîchir les mémoires à ce sujet dans une note.
Car c'est, selon les responsables syndicaux, la réalité des entorses à la laïcité dans la police : très peu de cas graves comme ceux décrits dans Le Parisien, mais plutôt des petits dérapages par "inadvertance", comme l'explique Philippe Lavenu, responsable du syndicat Alliance : "Celui qui a laissé apparaître sa chaîne ornée d'une croix ou une étoile de David. Ou celle qui a oublié de retirer son foulard en arrivant à l'accueil du public." "Parfois, ce sont de petits signes du quotidien auxquels on ne fait plus attention", poursuit-il. De plus, si les policiers évoquent les lois et la laïcité pendant leur formation, les personnels administratifs peuvent passer à côté, même si "nul n'est censé ignorer la loi".
"Dans une brigade, tout le monde se connaît"
Dans les cas les moins graves, l'affaire se règle souvent par une discussion entre collègues. "Par principe, on ne dénonce pas ses petits camarades. (...) Il faut privilégier le dialogue, rappeler pourquoi ça peut indisposer les usagers et les collègues", explique le responsable d'Alliance. Si l'agent concerné continue de bafouer la règle, et adopte une attitude militante, alors l'affaire prend de l'ampleur et remonte au chef de service, qui peut le convoquer pour un rappel à la loi, et prendre les mesures jugées appropriées. Plusieurs des 17 agents évoqués dans la note confidentielle ont été radiés de la police.
Pour autant, les révélations du Parisien n'inquiètent pas les responsables syndicaux. "Les policiers, quelle que soit leur confession, sont respectueux de la République", assure Philippe Lavenu. "On est le reflet de la société, on a les mêmes problèmes. Sauf qu'ils sont plus facilement décelables". Parce que les règles sont strictes.
Mais aussi parce que "quelqu'un qui clame haut et fort sa sympathie pour les terroristes ou son dégoût de l'uniforme est rapidement repéré" quand il travaille dans un commissariat, explique Nicolas Comte, responsable du syndicat SGP Police FO. "Aucun des fonctionnaires autour de lui ne peut accepter ça". "Dans une brigade, tout le monde se connaît, on travaille en équipe", et les relations qui se dégradent ne passent pas inaperçues, acquiesce son collègue d'Alliance. Dans la police, les radicaux ont du mal à se cacher, conclut Nicolas Comte. "Le vrai danger terroriste, il vient de gens qui ne se font pas remarquer".
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