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Pédocriminalité dans l'Eglise : "Ce n'est quand même pas à moi d'expliquer aux évêques ce qu'est la repentance" dénonce une victime

Selon François Devaux, président de l'association de victimes de pédocriminalité La parole libérée, les annonces de l'assemblée des Evêques de France ce vendredi ne sont pas suffisantes.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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François Devaux, président de l'association "La parole libérée" à  Lyon, le 6 avril 2019. (JOEL PHILIPPON / MAXPPP)

"Ce n'est quand même pas à moi, François Devaux, d'expliquer aux évêques ce que c'est que la repentance", a dénoncé le président cofondateur de l'association La parole libérée ce vendredi 26 mars sur franceinfo. Alors que l'association, créée en 2015 à l'initiative des victimes du prêtre Bernard Preynat, va s'auto-dissoudre, son président réagissait aux annonces faites à l'issue de l'assemblée plénière de Printemps des Evêques de France ce même jour.

franceinfo. Est ce que les mots qui ont été prononcés par l'Église, qui va assumer sa responsabilité et demander pardon, vous satisfont ?

François Devaux. Je crois qu'aujourd'hui, les évêques ont encore raté une opportunité. On avait quand même publiquement conseillé d'attendre les conclusions de la commission Ciase (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église), qui a travaillé de façon très efficace sur ces questions-là. La question de la réparation est très complexe. On est à seulement six mois du rendu de ces travaux et je trouve ça assez irrespectueux, au vu du travail qui a été fait par cette commission, de ne pas attendre leurs préconisations. La réparation, c'est une question complexe. Donc, on est sur le point d'avoir une expertise très pointue de personnes qui sont extrêmement compétentes, pluridisciplinaires, qui vont remettre une réflexion très poussée. On la respectera, on la respectera pas. Il sera temps de décider, mais ne pas l'attendre, ça manque un peu d'humilité.

L'Eglise reconnait sa responsabilité et va verser une contribution financière pour les victimes qui n'est pas une indemnisation ni une réparation, ont précisé les évêques...

Reconnaître la responsabilité et ne pas vouloir réparer, ça n'a pas beaucoup de sens. On ne peut pas prétendre reconnaître une responsabilité et l'assumer s'il n'y a pas un processus de réparation. La réparation ne peut pas être pas que financière. On a quand même des modèles de drames dans l'humanité, de crimes de masse comme ça, qui nous enseignent les mécanismes de réparation, les mécanismes de souffrance, la dimension intergénérationnelle. Et je pense que c'est assez facile de se référer à ces choses pour comprendre que c'est très long et très compliqué. Il faut bien comprendre qu'il n'y aura pas de réparation de l'Église parce que l'Eglise est en situation de crise grave de confiance. C'est tout l'évangile qui est quand même trahie dans les mécanismes systémiques d'abus sexuels et leur couverture. On ne peut pas rétablir la confiance si l'on ne fait pas les choses correctement et si l'on n'est pas dans une démarche de repentance et c'est une notion que les évêques doivent comprendre. Ce n'est quand même pas à moi, François Devaux, d'expliquer aux évêques ce qu'est la repentance.

Est-ce que vous avez l'impression tout de même aujourd'hui que les choses sont en train de bouger ? Peut être que, via les réseaux sociaux, les victimes ne sont plus seules, ont moins honte de prendre la parole ?

C'est certain que les choses ont considérablement évolué et qu'il y a un élan dans la libération de la parole. C'est la matière première pour ensuite prendre conscience des choses et réformer ce qui doit l'être. Bien sûr qu'il y a un élan, une intention au niveau du gouvernement dans le positionnement de l'âge de consentement, avec la commission Durand et à l'image de la commission Ciase. Ce sont des ambitions qui sont très intéressantes et pertinentes pour nous sortir de l'ignorance, de la cécité et de de ces violences sexuelles et leur impact sociologique. On commence à comprendre que c'est un fléau de masse. C'est la grande découverte du 21ème siècle. Et il faut se réadapter face à cette réalité, c'est une évidence.

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