Les agissements présumés du père Preynat sont pourtant connus de certains parents et même du curé responsable de la paroisse, le père Jean Plaquet, alerté par des familles dès 1978, selon Le Monde et le livre-enquête Eglise : la mécanique du silence (de Daphné Gastaldi, Mathieu Martiniere et Mathieu Périsse, éditions JC Lattès). Après "des caresses pendant un camp en Allemagne", se souvient Bernard Preynat lors de son audition, son supérieur le convoque et lui dit "de ne pas recommencer".
Deux ans plus tard, en 1980, les pères Preynat et Plaquet sont de nouveau mis face à leurs responsabilités. Bertrand Virieux, futur fondateur de La Parole libérée, dit avoir subi des attouchements. "J'en ai parlé à ma mère, qui a eu une discussion avec Bernard Preynat, chez nous, où il se serait excusé, et son supérieur hiérarchique immédiat dans la paroisse [Jean Plaquet] en a été avisé, raconte Bertrand Virieux. J'ai néanmoins dû continuer à lui servir d'enfant de chœur et assister à ses sermons pendant des années et passer encore deux ans aux scouts mais il m'avait, depuis ses excuses, totalement épargné."
En 1982, le comportement reproché au père Preynat revient à nouveau aux oreilles de sa hiérarchie. "J’avais été convoqué par le prêtre qui gérait ce genre de situations. Je reconnaissais les faits, (…) j’essayais de prendre la résolution, ça durait quelques mois et malheureusement je retombais, confessera-t-il aux enquêteurs. On m’avait expliqué le mal que ça pouvait faire aux enfants, mais il n’y avait pas d’autres décisions." Bernard Preynat reste en place, à la tête du groupe de scouts.
Le diocèse ne va agir que neuf ans plus tard, sous la pression des parents. En mai 1990, François Devaux, futur fondateur de La Parole libérée lui aussi, rentre des scouts et lance : "Je crois que le père, il m’aime bien, il m’a même embrassé sur la bouche." Les parents du louveteau demandent des comptes au père Preynat et à ses supérieurs. Une rencontre est organisée. Auditionné par les enquêteurs, le père de François Devaux se souvient des paroles de Jean Plaquet à Bernard Preynat : "Ben alors, tu as recommencé ?" "Tu sais que si tu étais dans le civil, tu pourrais te retrouver en prison."
D’échanges de courriers en entrevues, l’affaire traîne, relate le livre très documenté Grâce à Dieu, c’est prescrit : l’affaire Barbarin (Robert Laffont). Le père Preynat poursuit ses activités à la paroisse. Pour les parents, c’en est trop. En février 1991, les Devaux écrivent au cardinal Decourtray, alors archevêque du diocèse de Lyon. Ils exigent le départ immédiat du père Preynat. Et finissent par obtenir satisfaction. Le vicaire est envoyé chez les Petites Sœurs des Pauvres de la Part-Dieu, à Lyon. "J’ai aimé très fort mes scouts", "j’en ai aussi aimé trop", explique-t-il à ses paroissiens lors de son départ. Certains veulent croire leur prêtre victime d’une cabale.