Cinq questions sur les 25 évêques français soupçonnés d'avoir couvert des abus sexuels
Selon une enquête de Mediapart, 32 agresseurs, prêtres, religieux ou laïcs, accusés d’abus sexuels sur mineurs ou majeurs, ont été couverts par l’Eglise catholique de France.
La loi du silence. Des années 1960 à nos jours, 32 prêtres, religieux ou laïcs, accusés d’abus sexuels sur mineurs ou majeurs, ont été couverts par l’Eglise sur le territoire français, ou à l’étranger lorsqu’il s’agissait de nationaux, accuse Médiapart, dans une longue enquête publiée lundi 20 mars. Sur ces 32 cas, 25 évêques, dont cinq toujours en poste, ont été alertés mais n’ont pas saisi formellement la justice, affirme le site internet. Franceinfo vous résume cette affaire.
Qu'est-il reproché aux 25 évêques ?
Selon les informations de Médiapart, ces évêques ont été alertés de faits d'abus sexuels mais n’ont pas saisi formellement la justice. Ils auraient ainsi couvert les trois quarts des 32 agresseurs. Les autres dossiers ont été couverts par un supérieur, un prêtre ou un religieux, qui ont été avertis mais n’ont pas agi.
Ces évêques qui n'ont pas saisi la justice sont parfois allés plus loin en protégeant volontairement les agresseurs. Ainsi, dans plusieurs cas analysés par Mediapart, le prêtre agresseur est déplacé géographiquement ou muté professionnellement, après un "congé sabbatique" pour se faire oublier. L'Eglise l’isole et l’éloigne dans une nouvelle paroisse, souvent à la campagne, ou l’écarte dans un autre diocèse, voire à l’étranger. Un système d'exfiltrations internationales de prêtres accusés d'agressions sexuelles sur mineurs à découvrir dans l'émission "Cash Investigation", diffusée mardi 21 mars sur France 2.
Ces évêques sont-ils toujours en poste ?
Sur ces 25 évêques, cinq étaient encore en poste en janvier 2017, rapporte Médiapart. Parmi eux, Mgr Barbarin, cardinal et archevêque de Lyon visé par une enquête qui a été finalement classée sans suite en 2016 à Lyon. Il a eu, ajoute le site d'information, connaissance de cinq cas de prêtres accusés d'abus sexuels, sans pour autant saisir la justice.
Figure aussi dans cette liste Jean-Luc Bouilleret, archevêque de Besançon, qui s'est défendu auprès de Médiapart. Celui-ci explique avoir "signalé oralement tous les éléments en [sa] possession" au parquet, après avoir été alerté par une famille. Pour autant, il n’enverra aucun signalement écrit, ni ne lancera d’enquête interne, accuse le site internet.
Que dit la loi ?
La loi est très claire. Elle condamne la non-dénonciation des crimes, et donc des viols, sous peine de lourdes condamnations. "Le fait, pour quiconque ayant connaissance d'un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende", détaille l'article 434‑1 du Code pénal.
Des dispositions qui sont aussi rappelées dans les principes internes de l'Eglise. Le livret de la Conférence des évêques de France (CEF), publié en 2002 et réédité en 2010 et 2017, oblige les évêques à dénoncer à la justice tout fait d’abus sexuels sur mineurs.
Des évêques ont-ils déjà été condamnés ?
Oui, Pierre Pican, aujourd’hui évêque émérite de Bayeux et Lisieux, est le seul évêque français a avoir été condamné en 2001 à trois mois de prison avec sursis pour "non-dénonciation d’atteintes sexuelles". Le tribunal avait aussi reconnu Mgr Pican coupable d'avoir entravé l'action de la justice intentionnellement et de n'avoir pas un instant "envisagé le sort des victimes".
Qui sont les victimes ?
Selon les données recueillies par Médiapart, les dossiers incriminés concernent 339 victimes connues, dont 288 étaient mineures, de moins de 15 ans, au moment des faits. Seule la moitié d’entre elles, soit 165 victimes, a pu être entendue par la justice, c’est-à-dire que leurs plaintes ont donné lieu au minimum à une instruction après enquête de police, les autres étant dans leur grande majorité bloquées par la prescription. Parmi ces affaires, celles du père Preynat à Lyon et du moine Pierre-Etienne Albert à Rodez sont les plus connues.
Contrairement à ce qu'indique régulièrement l'Eglise, tous les cas ne sont pas anciens. Si certaines affaires remontent aux années 1960, la moitié des cas couverts par l’Eglise concerne des faits établis après 2000.
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